Le président de Groupe Sélection, Réal Bouclin, fait perdre patience au juge qui supervise la restructuration de l’entreprise insolvable. Dans sa plus récente décision, Michel Pinsonnault n’est pas tendre à l’endroit des tactiques de l’homme d’affaires, à qui il reproche une absence de « bonne foi ».

Du même coup, le magistrat rejette la contestation du promoteur immobilier et gestionnaire de résidences pour aînés (RPA), ce qui permet au contrôleur de mettre aux enchères les participations détenues par Sélection dans 25 complexes. L’offre de son partenaire financier Revera – dont le prix n’a pas été divulgué – servira de « soumission d’amorce ».

Ce sont surtout les remarques du juge Michel Pinsonnault à l’endroit de l’« âme dirigeante » de la société qui retiennent l’attention à la lecture du jugement de 40 pages rendu vendredi dernier.

« L’avocat des prêteurs avait raison de s’interroger si M. Bouclin est plus soucieux de prioriser ses intérêts personnels au détriment de son devoir fiduciaire comme administrateur et dirigeant de Sélection et de ses diverses sociétés », écrit-il.

Sélection s’opposait au mécanisme proposé par le contrôleur en jugeant « insuffisant » le prix offert par Revera. Mais ce n’est pas avec un « nouveau débat judiciaire […] à forts coûts » que l’on pourra « colmater l’hémorragie financière » au sein du géant des RPA – dont la perte opérationnelle mensuelle est d’au moins 7 millions –, tranche le juge Michel Pinsonnault.

Une facture salée

La restructuration de Sélection, qui s’est tournée vers la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) en novembre dernier, est coûteuse. Plus de 12 millions auront été engloutis en « honoraires professionnels » d’ici le 24 juin, selon les prévisions de PwC.

Puisée à même le financement intérimaire offert par les banquiers de Sélection, cette somme a notamment servi à rémunérer PwC, la firme responsable du redressement financier, mais également les avocats de l’entreprise. Le juge Michel Pinsonnault laisse entendre que le président de Sélection tente de profiter de cette situation.

Ce n’est pas parce que les honoraires de Sélection sont couverts jusqu’à présent par le financement intérimaire que [l’entreprise et ses entités] peuvent agir comme s’il s’agissait d’un bar ouvert.

Extrait du jugement du juge Michel Pinsonnault

Par courriel, l’entreprise a nuancé cette remarque du juge Pinsonnault en soulignant que les « honoraires budgétés par le contrôleur pour Sélection représentent moins de 10 % » de la facture totale de 12 millions. Elle a aussi exprimé sa déception de voir le tribunal donner le feu vert à la vente d’un portefeuille « pour moins de 50 % de sa valeur ».

Dans le portefeuille des 25 RPA, le pourcentage de détention de Revera s’établit à 75 % pour 17 résidences. Pour 7 autres complexes, Revera détient des participations de 50 % en plus d’être propriétaire à hauteur de 85 % d’une autre RPA. Le reste des participations appartient à Sélection.

Relation difficile

De la façon dont vont les choses, le juge dit avoir de la difficulté à constater « une manifestation de bonne foi et de collaboration » émanant de M. Bouclin et de Sélection.

Le juge Michel Pinsonnault rappelle que les 25 RPA détenues conjointement avec Revera ne devaient pas demeurer dans le giron de Sélection au terme du redressement financier. Il est donc permis de se demander pourquoi l’homme d’affaires s’opposait avec « autant de véhémence » à la proposition sur la table.

« Le tribunal aurait aimé entendre les explications de M. Bouclin à ce sujet si d’autres considérations existaient », estime le juge Michel Pinsonnault, en déplorant que ses récents appels à la collaboration entre l’homme d’affaires et ses banquiers n’aient pas eu l’effet escompté.

On apprend également dans la décision que la quasi-totalité des 25 RPA détenues par Sélection et Revera sont déficitaires.

Le déficit de trésorerie s’est établi à environ 32 millions l’an dernier et risque d’être similaire en 2023. À cela s’ajoutent des dépenses d’immobilisation qui devront faire l’objet de nouveaux appels de fonds puisque les RPA sont déficitaires.

Gestionnaire des complexes, Sélection avait prévu des dépenses de 27 millions en 2023. Cette cible a cependant été réduite à 2,9 millions étant donné que l’entreprise insolvable ne dispose pas des fonds disponibles pour réaliser les travaux.

En savoir plus
  • 6000
    Nombre d’unités d’habitation dans les 25 RPA détenues par Sélection conjointement avec Revera
    Source : pricewaterhousecoopers