(Paris) Toujours handicapé par des charges liées à l’acquisition de Bombardier Transport, le constructeur ferroviaire Alstom a fortement réduit sa perte sur son exercice décalé 2022-2023 (clos fin mars), mais la conjoncture internationale l’a contraint à retarder d’un an ses objectifs de rentabilité à moyen terme.

Alstom a publié mercredi des résultats conformes aux attentes, avec une perte nette de 132 millions d’euros (un euro = 1,47 $ CA) due à des amortissements liés à l’acquisition des activités ferroviaires de Bombardier, en janvier 2021.  

Pour les mêmes raisons et à cause d’une charge liée à la dépréciation de sa participation dans le constructeur russe Transmashholding, Alstom avait perdu 581 millions d’euros en 2021/22.  

Sans ces éléments, le « résultat net ajusté » de l’exercice ressort à 292 millions d’euros, contre une perte de 173 millions un an plus tôt.

Le résultat d’exploitation ajusté grimpe de 11 %, à 852 millions d’euros, ce qui donne une marge de 5,2 %, en progression de 0,2 point en un an.  

« Ça va bien », a résumé le PDG du groupe, Henri Poupart-Lafarge, devant des journalistes

« Nous avons réalisé une performance commerciale solide durant cet exercice », s’est-il réjoui.

Le groupe a notamment « retrouvé une vie normale » avec les anciens clients de Bombardier Transport, dont il a hérité un certain nombre de contrats difficiles à honorer et/ou à perte. « On a rétabli la confiance », a souligné M. Poupart-Lafarge, revendiquant une position de « leader sur un marché porteur » — derrière le géant chinois CRRC — avec notamment 35 % de parts de marché sur le matériel roulant (hors Chine).

Le dirigeant d’Alstom s’était donné trois à quatre ans pour digérer Bombardier Transport, qui était bien moins rentable que son acquéreur avant son rachat. Certaines usines doivent encore être mises aux normes, selon lui.

L’acquisition de Bombardier Transport va encore perturber les résultats d’Alstom pendant un certain temps puisque le plan d’amortissement de l’affectation du prix d’achat, qui porte sur 3,2 milliards d’euros au total, court jusqu’au-delà de 2033. La charge passée dans les comptes 2022/23 atteint 420 millions.  

Trains diesel à remplacer

Le chiffre d’affaires du géant français de l’industrie ferroviaire a progressé de 7 %, à 16,5 milliards d’euros en 2022/23, dont 8,8 milliards pour le matériel roulant, 3,8 milliards pour les services (maintenance comprise) et 2,4 milliards pour la signalisation ferroviaire.

Les prises de commandes, indicateur clef du secteur, sont en progression de 7 %, à 20,7 milliards d’euros, permettant au carnet de commandes d’atteindre le niveau record de 87,4 milliards d’euros au 31 mars.  

Alstom a, en particulier, vendu des TGV supplémentaires en France, des trains en Allemagne, en France et en Suède, des tramways en Australie, des métros en Inde et en Égypte, et des locomotives au Kazakhstan.  

La direction voit le marché du ferroviaire croître partout, avec « 120 milliards d’euros d’opportunités sur les 18 prochains mois ». Elle salive devant les investissements prévus pour la signalisation en Allemagne et en Italie, le « plan rail » de 100 milliards d’euros en France, les projets en Inde et aux États-Unis et les 6000 trains diesel à remplacer en Europe.

« Il y a une très forte demande en matière d’innovation », a relevé M. Poupart-Lafarge, qui veut augmenter le budget de recherche et développement, en matière de traction verte, développement de trains autonomes, cybersécurité, etc.

Le groupe confirme ses perspectives à moyen terme, mais en a retardé l’échéance d’un an, à 2025/26, « en raison principalement du nouvel environnement macroéconomique, et en particulier de l’effet de l’inflation ». Il vise notamment une marge opérationnelle ajustée comprise entre 8 et 10 % ainsi qu’une progression annuelle d’au moins 5 % du chiffre d’affaires.

La direction a parallèlement abandonné son objectif de gagner 5 points de parts de marché en quatre ans.

En attendant, la marge d’exploitation ajustée devrait atteindre « environ 6 % » sur l’exercice 2023/24, avec une trésorerie « significativement positive », selon la direction.  

L’agence de notation Moody’s a immédiatement abaissé la note d’Alstom de « Baa2 » à « Baa3 », l’assortissant d’une perspective stable. Elle souligne que le groupe se porte mieux qu’il y a un an, mais continue à s’inquiéter de sa capacité financière en cas de coup dur.

À la Bourse de Paris, l’action Alstom perdait 3,64 % à 22,79 euros, à 12 h, dans un marché en baisse de 0,22 %.