(Washington) Un juge américain a ordonné à la société Enbridge de verser 5,1 millions à la Première Nation Chippewa de Bad River du lac Supérieur. L’entreprise devra aussi enlever la canalisation 5 de ce territoire d’ici trois ans.

Dans sa décision rendue vendredi, le juge William Conley n’a toutefois pas ordonné la fermeture immédiate du controversé oléoduc transfrontalier.

Le juge note qu’on ne peut pas fermer une infrastructure comme la canalisation 5 pour une simple question d’empiétement sur quelques parcelles de terrain. C’est un enjeu de politique publique plus important que cela, souligne-t-il.

Autrement dit, la Première Nation, malgré la validité de ses arguments, n’a pas le pouvoir de faire fermer l’oléoduc.

C’est un enjeu qui « n’implique pas seulement les droits souverains de la bande, mais aussi les droits de plusieurs États et les relations internationales entre les États-Unis et le Canada ».

La cour accorde trois années supplémentaires pour exécuter des travaux de réacheminement de l’oléoduc. « Si Enbridge en est incapable, ces trois années donneront à la population et aux acteurs du marché affectés le temps nécessaire pour s’ajuster à une fermeture permanente de la canalisation 5 », écrit le juge Conley.

Selon lui, le risque d’une brèche dans l’infrastructure traversant le territoire de la Première Nation répond à la définition de nuisance publique de la loi fédérale américaine.

Il ajoute qu’Enbridge empiète sur ce territoire depuis 2013 puisque l’entreprise a laissé s’expirer certains permis.

Enbridge a déjà accepté de déplacer l’oléoduc, une infrastructure essentielle à l’approvisionnement énergétique d’une grande partie du Midwest américain ainsi que de l’Ontario et du Québec.

Les avocats d’Enbridge ont l’intention d’interjeter appel du délai accordé par le juge, a indiqué une porte-parole, Juli Kellner. Dans une déclaration, l’entreprise laisse clairement entendre que le projet de réacheminement ne pourra pas être complété à temps.

« L’entreprise croit que la décision de la cour d’ordonner la fin des activités de la canalisation 5 d’ici trois ans ne tient pas la route d’un point de vue juridique. Nous comptons en appeler. »

Les avocats pourraient aussi demander un sursis à l’exécution du jugement, a-t-elle ajouté. Ils continuent de contester le fait que l’entreprise empiète sur le territoire autochtone. « La position d’Enbridge veut que le contrat signé en 1992 avec la Première Nation accorde un droit juridique à la canalisation de demeurer à sa place actuelle. »

Toute fermeture, même temporaire, « mettrait en danger l’acheminement d’une ressource énergétique fiable et abordable vers les entreprises et les familles des États-Unis et du Canada, perturberait les économies locales et régionales et contreviendrait à l’Accord concernant les pipelines de transit », a ajouté Mme Kellner.

Au cours des audiences, la Première Nation Chippewa avait affirmé que les inondations printanières ont rendu le risque d’une brèche sur son Territoire du Nord du Wisconsin trop grand pour être ignoré.

Enbridge s’était défendue en disant que la Première Nation surestime le risque et empêche l’entreprise de prendre des mesures de protection.

Les défenseurs de la canalisation 5, dont le gouvernement fédéral, affirment qu’une fermeture entraînerait des perturbations économiques majeures dans les Prairies et le Midwest américain, où elle fournit des matières premières aux raffineries du Michigan, de l’Ohio et de la Pennsylvanie.

Elle approvisionne également des installations de raffinage importantes en Ontario et au Québec et est essentielle à la production de carburéacteur pour les principaux aéroports des deux côtés de la frontière canado-américaine, notamment Detroit Metropolitan et Pearson International à Toronto.