Le Mouvement Desjardins emboîte le pas à de grandes banques canadiennes qui empruntent la voie de la rationalisation dans un contexte de ralentissement. Près de 180 personnes viennent d’apprendre qu’elles perdront leur gagne-pain au sein du groupe coopératif financier, qui pourrait décider de ne pas remplacer d’autres postes laissés vacants.

« C’est le contexte économique, la volatilité, l’inflation, explique le porte-parole de la coopérative établie à Lévis, Jean-Benoît Turcotti, mercredi. Tout cela nous a amenés à avoir certaines réflexions et à surveiller nos coûts. Au cours des dernières semaines, nous avons eu des décisions difficiles à prendre. »

Deux secteurs sont principalement visés par les compressions, qui s’effectueront au sein du Complexe Desjardins, au centre-ville de Montréal. Dans les services aux particuliers, 143 personnes seront licenciées. On éliminera également 33 personnes du côté du « groupe technologique », le secteur responsable essentiellement des services informatiques.

Les employés touchés sont des salariés et des gestionnaires de « premier niveau », selon M. Turcotti. Ils devraient avoir quitté Desjardins d’ici le mois de septembre. Avant d’effectuer ces réductions d’effectif, la coopérative a également procédé à d’autres remaniements au sein de la haute direction. Il y a eu des changements chez les personnes qui occupaient des postes de vice-président, mais il n’a pas été possible de savoir avec exactitude si cela avait mené à des départs non volontaires.

Avec quelque 58 000 employés, Desjardins est le plus important employeur privé au Québec. Les compressions ne touchent qu’un faible pourcentage de son effectif total. Elles s’inscrivent cependant dans une tendance qui s’observe ailleurs dans le secteur financier, où la demande a fléchi pour des transactions comme des émissions d’actions ainsi que les services entourant les fusions et acquisitions.

Le 1er juin dernier, la Banque Laurentienne optait pour un régime minceur dans sa division marchés des capitaux – l’un des trois secteurs d’activité de l’institution financière – en raison de la « conjoncture financière défavorable ». On devait éliminer moins de 20 postes. De plus, il y a environ une semaine, le Globe and Mail a rapporté que la Banque de Montréal avait licencié environ 4 %, ou une centaine de personnes, de ses employés dans ses activités liées aux marchés financiers.

Inverser la tendance

Chez les prêteurs, les craintes de récession ont un impact sur la demande pour les prêts et les pressions inflationnistes font grimper leurs dépenses. Ils souhaitent inverser la tendance.

« Nous avons effectué des investissements massifs au cours des dernières années et nous n’avons pas encore récupéré tous les bénéfices de ces investissements au sein de nos activités », affirme M. Turcotti.

En 2022, les frais « autres que d’intérêts » se sont élevés à 10,6 milliards chez Desjardins, en hausse de 11 %, d’après les données du rapport annuel de la coopérative. Des investissements dans des projets de « transformation numérique » et les « frais liés au personnel » figurent parmi les raisons à l’origine de cette croissance.

Chaque année, entre 3000 et 4000 employés quittent Desjardins pour différentes raisons (retraite, changement de carrière, etc.), affirme M. Turcotti. La coopérative compte « profiter de ces départs pour se poser la question à savoir s’il faut remplacer ou non ces postes » laissés vacants.

Dans une récente note, Gabriel Dechaine, de la Financière Banque Nationale, disait s’attendre à voir les banques et les autres acteurs du secteur se serrer la ceinture en rappelant que la Banque Royale du Canada avait mis en place un programme de réduction des coûts.

« Nous nous attendons à ce que d’autres banques envoient un message similaire, ce qui pourrait se traduire par des frais de restructuration », soulignait l’analyste.

Il n’y a pas qu’au Canada que le couperet est tombé dans le secteur bancaire. Au sud de la frontière, Goldman Sachs a notamment sabré 3200 postes au sein de son organisation en début d’année. JPMorgan Chase a aussi éliminé plusieurs dizaines d’emplois en raison du climat économique.

L’an dernier, Desjardins avait enregistré des excédents avant ristournes de 2,05 milliards, en recul de 23 %, un résultat que la coopérative attribue à une hausse de la charge des sinistres dans le créneau de l’assurance de dommages, assurance automobile et de biens. Cette tendance s’est poursuivie pendant le premier trimestre qui s’est terminé le 31 mars dernier. Les excédents avant ristournes ont fléchi de 25 % pour s’établir à 342 millions.

Rectificatif :
Une version précédente de cet article indiquait que les frais autres qu’intérêts chez Desjardins avaient été de 10,6 millions en 2021. C’est plutôt 10,6 milliards.

En savoir plus
  • 407,1 milliards
    Actif total de Desjardins
    SOURCe : desjardins
    724
    Caisses et points de services de la coopérative
    Source : desjardins