La Compagnie électrique Lion trouve une solution québécoise pour renflouer ses coffres, mais le constructeur d’autobus et de camions électriques doit consentir à des taux d’intérêt élevés tandis que le spectre d’une dilution plane toujours pour les actionnaires existants.

Néanmoins, dans les conditions actuelles, le président et chef de la direction de l’entreprise, Marc Bédard, estime avoir été en mesure d’obtenir de la stabilité pour cinq ans.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le président et chef de la direction de Lion, Marc Bédard

« C’est un marché difficile pour récolter des fonds un peu partout, dit-il en entrevue téléphonique. Il y a deux groupes, un du secteur public et l’autre du privé. Cela témoigne de la confiance qu’on nous accorde. On sait que le coût de la dette est plus élevé qu’on le voudrait, mais [les taux] ne sont pas hors marché. »

L’État québécois participe à cette ronde de financement avec Investissement Québec (IQ), son bras financier. La société d’État, le Fonds de solidarité FTQ et Fondaction prêtent 98 millions (74 millions US) en échange de débentures convertibles à un taux d’intérêt de 13 %. Dans un deuxième temps, Lion offre des débentures non convertibles à la famille Saputo, par l’entremise de la Fondation Mirella et Lino Saputo, ainsi qu’à Groupe Mach, en échange de 90 millions. Ces deux prêteurs obtiennent aussi des bons de souscription leur permettant d’acquérir 22,5 millions d’actions à 2,81 $ l’unité.

Philippe Hynes, de Tonus Capital, estime que l’opération, dont les détails ont été annoncés lundi, témoigne des risques d’exécution entourant Lion.

« C’est très cher », affirme le président de la firme, dans un entretien téléphonique. « C’est plaisant de voir que nos institutions québécoises et deux familles épaulent une entreprise locale. Mais je pense qu’il y avait un risque de liquidité important pour les actionnaires. »

À la Bourse de Toronto, les investisseurs réagissaient néanmoins favorablement, lundi. Sur le parquet de Bay Street, le titre de l’entreprise a pris 7,2 %, ou 20 cents, pour clôturer à 2,98 $.

Dans le rouge

Plus de deux ans après avoir effectué son entrée en Bourse, l’entreprise établie à Saint-Jérôme affiche toujours des pertes opérationnelles. Elle s’attend à consacrer environ 87 millions (65 millions US) cette année à son site d’assemblage américain situé en Illinois ainsi que pour son usine de batteries située à Mirabel.

Au Groupe Mach, la transaction constitue le « meilleur des deux mondes », selon son président et fondateur, Vincent Chiara.

« Lion est une belle histoire québécoise, mais nous obtenons aussi le meilleur des deux mondes, affirme l’homme d’affaires. Nous aurons de la flexibilité. On conservera la dette jusqu’à l’échéance et nous aurons la possibilité de devenir actionnaires. »

Un risque présent

Plusieurs analystes financiers anticipaient une dilution des actionnaires existants afin que Lion soit en mesure de financer ses activités. À court terme, on n’assiste pas à une émission massive d’actions, mais la dette à long terme de l’entreprise, qui s’élevait à 155 millions au 31 mars dernier, augmentera.

De plus, avec les options offertes à IQ, au Fonds FTQ, à Fondaction, à la famille Saputo et au Groupe Mach, une dilution paraît inévitable. Jusqu’à 89,4 millions de titres pourraient être émis aux membres du groupe de prêteurs, fait remarquer Benoit Poirier, chez Valeurs mobilières Desjardins.

« Cela représente environ 40 % du nombre d’actions non diluées actuellement en circulation », écrit l’analyste, dans une note envoyée par courriel à ses clients.

Interrogé sur cette question, M. Bédard répond qu’il est encore trop tôt pour savoir si toutes ces options seront exercées.

« Je crois que l’équilibre est adéquat, affirme-t-il. C’est une bonne protection pour la compagnie et on évite une trop grande dilution à l’heure actuelle. »

En plus de 188 millions récoltés, Lion a été en mesure de reporter d’un an, soit jusqu’en août 2025, l’échéance de certaines dettes. Cela lui procurera une flexibilité supplémentaire.

Ce n’est pas la première fois que le bras financier de l’État québécois offre de l’argent à Lion. Il lui a déjà consenti un prêt de 50 millions pour la construction de son complexe à Mirabel. Près de 20 millions ont aussi été injectés dans le capital-actions de l’entreprise dans le cadre de son arrivée sur les marchés financiers.

Au premier trimestre terminé le 31 mars dernier, la société avait perdu 15,6 millions US. Ses revenus s’étaient cependant établis à 54,7 millions US, soit plus du double par rapport à la même période l’an dernier.

En savoir plus
  • 5 ans
    Échéance prévue des débentures convertibles offertes à Investissement Québec, au Fonds de solidarité FTQ et à Fondaction
    source : compagnie électrique lion
    2,58 $ US
    Prix de conversion par action ordinaire des débentures convertibles
    source : compagnie électrique lion