Bombardier fait mieux que ses rivales en maintenant sa cadence de livraison. Son défi : accumuler les commandes pour éviter que le carnet ne rétrécisse. Cela pourrait être plus compliqué que prévu alors que l’un de ses principaux clients serait au bord du précipice.

VistaJet, qui exploite une flotte d’environ 360 jets privés – dont plusieurs dizaines des familles Global et Challenger du constructeur québécois – aurait perdu environ 435 millions US au cours des quatre dernières années et sa dette totaliserait 4,4 milliards US. Ces informations émanent d’un reportage du Financial Times, qui a mis la main sur des documents envoyés aux créanciers de l’entreprise.

Son vérificateur externe, Ernst & Young, aurait même prévenu, dans un rapport publié en 2022, qu’il « existait une incertitude significative susceptible de jeter un doute important sur la capacité du groupe à poursuivre ses activités » – un scénario que VistaJet rejette.

« Nous n’avons pas d’inquiétudes », a répondu jeudi le président et chef de la direction de Bombardier, Éric Martel, interrogé sur le sujet au cours d’une conférence téléphonique visant, avec les représentants des médias, à discuter des résultats du deuxième trimestre. « À ce moment-ci, nous avons livré tous nos avions à VistaJet. »

Cette entreprise reste néanmoins importante pour Bombardier. La preuve, le grand patron de l’opérateur, Thomas Flohr, avait été accueilli en grande pompe dans les hangars de l’avionneur à Montréal en mars 2022 dans le cadre d’un évènement spécial visant à souligner la 100livraison d’un Global 7500.

Interrogé sur la situation de VistaJet, M. Martel a été prudent dans ses commentaires en suggérant que le modèle d’affaires de l’opérateur – la vente de bloc d’heures – était peut-être mal compris. Mais la situation dans laquelle se trouverait l’opérateur suggère que tout n’est pas au beau fixe dans l’aviation d’affaires, qui a grandement bénéficié de l’engouement pour le transport privé depuis le début de la pandémie de COVID-19.

Par ailleurs, même si Bombardier a livré des résultats relativement conformes aux attentes, les investisseurs semblaient préoccupés par d’autres éléments, comme l’humeur des clients. À la Bourse de Toronto, jeudi, l’action a cédé 8,5 %, ou 5,73 $, pour clôturer à 61,79 $.

Hausse de cadence

Après avoir remis 51 jets privés à des clients pendant les six premiers mois de l’année, Bombardier s’attend à en livrer au moins 87 autres d’ici la fin de 2023 afin d’atteindre sa cible (138 appareils).

Parallèlement, la multinationale québécoise s’attend à afficher un ratio de nouvelles commandes par rapport au nombre de livraisons de 1,1 pour maintenir la valeur de son carnet de commandes à environ 15 milliards US. Cela signifie que l’entreprise devra accumuler les nouveaux contrats puisque davantage de jets privés sortiront de ses usines.

Nous avons déployé beaucoup d’efforts dans le segment de la défense et l’on voit des commandes dans les deux derniers trimestres. On ne parle pas seulement de clients traditionnels (des compagnies ou des individus fortunés). Il y a aussi des occasions du côté des opérateurs de flotte.

Éric Martel, président et chef de la direction de Bombardier

Par exemple, la semaine dernière, Airshare a annoncé son intention d’acheter jusqu’à 20 Challenger. Les heures de vol enregistrées par les avions construits par Bombardier ont affiché une progression de 51 % au deuxième trimestre par rapport à la même période avant la crise sanitaire, affirme M. Martel. Sur un an, l’augmentation est de 14 %.

Des clients importants

Selon Brian Foley, de la firme américaine Brian Foley Associates, entre 25 et 30 % des livraisons se font auprès des opérateurs, comme VistaJet, NetJets et Airshare, qui louent des appareils à des taux horaires généralement supérieurs à 1000 $ US ou offrent des sièges dans des jets privés.

« Ces opérateurs volent davantage qu’en 2019, mais l’activité diminue progressivement, prévient l’analyste. Ces entreprises peuvent retarder ou annuler des livraisons, ce qui peut avoir un impact sur des constructeurs comme Bombardier. »

M. Foley est également préoccupé par ce qui attend VistaJet. Si elle réduit la taille de ses activités, cela signifie que des avions de Bombardier seraient soudainement disponibles, ce qui pourrait avoir un effet sur les commandes de jets privés neufs.

« Les contrats sont plus flexibles pour les opérateurs comparativement à ceux conclus avec des particuliers, ajoute Frederic Larue, cofondateur de la firme montréalaise de services-conseils et de financement spécialisé pour l’aviation d’affaires Echo Aviation. Les ententes avec VistaJet et les autres, elles sont souvent importantes. Elles comportent donc plus de flexibilité. »

Avec les analystes, la direction de Bombardier a également été interrogée sur les 222 millions US puisés dans ses liquidités, un montant plus élevé qu’anticipé. Ce résultat s’explique notamment par un paiement non récurrent de 104 millions US pour couvrir la valeur résiduelle d’avions commerciaux vendus – les CRJ – dans le passé. L’entreprise affirme qu’il s’agit du « dernier » versement du genre.

Bombardier en bref :

Siège social : Montréal

Président et chef de la direction : Éric Martel

Revenus (2022) : 6,9 milliards US

Effectif global : 16 000 employés

Secteurs d’activité : aviation d’affaires, service de maintenance et défense

En savoir plus
  • 15
    Livraisons de la famille d’appareils Challenger au deuxième trimestre
    SOURCE : bombardier
    14
    Nombre de jets privés Global remis à des clients d’avril à juin
    SOURCE : bombardier