WeWork, qui promettait de révolutionner la vie au bureau et l’utilisation des locaux, a annoncé il y a quelques jours qu’elle avait des « doutes substantiels » quant à sa capacité à rester en activité. Cette déclaration soulève des questions non seulement sur la viabilité de l’entreprise, mais aussi sur l’avenir de l’immobilier commercial. Voici ce qu’il faut savoir sur le passé et les perspectives de WeWork.

Qu’est-ce que WeWork ?

WeWork a été fondée en 2010 par Adam Neumann et Miguel McKelvey, des entrepreneurs qui ont utilisé les fonds provenant de la vente de leur précédente entreprise de cotravail, Green Desk.

L’idée de WeWork était de créer un « réseau social physique » qui attirerait une nouvelle classe de travailleurs autonomes ou travaillant à domicile.

Le modèle d’entreprise consistait à signer des baux à long terme dans des immeubles de bureaux, à réaménager ces espaces et à les louer à des travailleurs autonomes et à des entreprises. L’entreprise comptait attirer des clients en leur offrant des avantages comme de la bière, du kombucha et un décor chic, et leur faire payer assez pour réaliser un profit une fois que WeWork aurait payé ses loyers.

Qu’est-ce qui n’a pas marché ?

Les bons sentiments n’ont pas duré.

En 2019, quand WeWork est devenue le plus grand locataire privé à Manhattan, les investisseurs se sont interrogés sur la solidité financière de l’entreprise. Celle-ci avait inscrit de grosses pertes pendant des années, dont près de 2 milliards de dollars en 2018.

Son entrée en Bourse en octobre 2019 a avorté, les investisseurs dédaignant ses actions. Les banques sont devenues plus réticentes à lui prêter de l’argent.

Puis, le ballon s’est dégonflé : de 47 milliards de dollars en janvier 2019, la valorisation de WeWork a chuté à 7 milliards à la fin de l’année, quand elle a été rachetée par la société d’investissement japonaise SoftBank. WeWork a licencié des milliers de travailleurs, et M. Neumann a démissionné.

Depuis, il a encaissé plus de 700 millions de la vente de ses actions à SoftBank et de paiements en espèces.

PHOTO EDUARDO MUNOZ, ARCHIVES REUTERS

L’ancien PDG de WeWork, Adam Neumann, en mai 2017

En février 2020, Sandeep Mathrani a été nommé PDG. Sous sa direction, WeWork est entrée en Bourse en octobre 2021 par la prise de contrôle inversée d’une société d’acquisition à vocation spécifique.

Mais il y a trois mois, après une restructuration financière, M. Mathrani a brusquement démissionné. L’action de la société avait chuté depuis son entrée en Bourse. Le départ de M. Mathrani a relancé les doutes sur la viabilité de WeWork.

Aswath Damodaran, professeur de finance à l’Université de New York, était sceptique dès le début quant au modèle d’entreprise de WeWork.

« Dans les périodes fastes, vous aurez plein de locataires, a-t-il déclaré. Dans les périodes difficiles, ils partiront, et vous aurez un immeuble vide sur les bras et un paiement à faire. »

Qu’est-ce qui attend WeWork ?

Mardi dernier, WeWork a remis en question sa capacité de maintenir sa continuité d’exploitation. En termes comptables, la continuité d’exploitation fait référence à la capacité d’une entreprise à gagner assez d’argent pour rester à flot.

En règle générale, ce terme n’apparaît que lorsqu’une entreprise risque de faire faillite dans l’année qui suit. La loi oblige les sociétés à divulguer ces doutes.

PHOTO HILARY SWIFT, THE NEW YORK TIMES

Un bureau WeWork à Manhattan

WeWork affirme qu’elle vise à réduire ses coûts de location et ses autres dépenses, à augmenter ses revenus et à obtenir « des capitaux additionnels par emprunt, émission d’actions ou vente d’actifs ».

Mais on peut se demander si la fin approche pour WeWork. Or, divulguer qu’elle va si mal pourrait en fait renforcer son pouvoir de négociation auprès des propriétaires et autres créanciers, lui permettant de s’accrocher à la vie, affirme M. Damodaran.

Personne ne veut les pousser en bas du précipice. Si vous êtes un créancier de WeWork, tout vaut mieux que de vous retrouver au tribunal des faillites en train de donner la moitié de vos actifs aux avocats.

Aswath Damodaran, professeur de finance à l’Université de New York

Dans une déclaration aux investisseurs mercredi dernier, WeWork dit envisager « divers plans d’exploitation » pour poursuivre ses activités, soit « des investissements ciblés pour retenir les membres, stimuler les ventes de nouveaux espaces et augmenter le taux d’occupation ».

Quelles sont les conséquences pour l’immobilier ?

WeWork avait plus de 18 millions de pieds carrés d’espaces de bureaux louables au Canada et aux États-Unis à la fin de 2022, selon son rapport annuel. Sa faillite pourrait avoir un impact majeur sur le secteur de l’immobilier commercial.

Le déclin de WeWork s’explique par les mêmes forces qui ont fait baisser les prix de l’immobilier commercial au cours des dernières années – notamment le télétravail depuis la pandémie de COVID-19 –, affirme Stijn Van Nieuwerburgh, professeur d’immobilier à la Columbia Business School.

M. Van Nieuwerburgh a déclaré que ses recherches prédisent actuellement une baisse pouvant aller jusqu’à 45 % de la valeur des espaces de bureaux entre 2019 et 2029.

Selon la société de services immobiliers JLL, le taux d’inoccupation des bureaux a augmenté aux États-Unis depuis la pandémie, pour atteindre environ 20 % au premier trimestre 2023.

Cet article a été publié à l’origine dans le New York Times.

Lisez l’article original du New York Times (en anglais, abonnement requis)