(New York) Le sidérurgiste américain United States Steel a engagé une introspection stratégique après avoir reçu plusieurs offres non sollicitées portant sur un rachat partiel ou total, et a déjà repoussé un prétendant « déraisonnable », mais d’autres se pressent.

« Le conseil d’administration a décidé d’initier un processus formel […] pour évaluer les alternatives stratégiques pour la société », a fait savoir U. S. Steel (USS) il y a quelques jours.

La raison ? Le conseil « a reçu de multiples propositions non sollicitées allant de l’acquisition de certains actifs de production à la considération de l’entreprise dans son ensemble », a expliqué David Burritt, patron du groupe, cité dans un communiqué.

L’un des prétendants s’est rapidement fait connaître : son concurrent Cleveland-Cliffs, qui a expliqué dans un communiqué rendant publique son offre transmise secrètement le 28 juillet, qu’il voulait une union totale pour former le seul sidérurgiste américain du top 10 mondial en volume de production (31 millions de tonnes).

Son offre à 35 dollars par action valorise sa convoitise à environ 10 milliards de dollars, avec une opération financée en liquidités et en actions accordant une prime de 43 % aux actionnaires d’U. S. Steel au cours du 11 août. Les synergies porteraient sur environ 500 millions de dollars.

Le conseil d’U. S. Steel a accepté de discuter, mais a fini par l’éconduire face au refus, a expliqué M. Burritt au patron de Cliffs Lourenco Goncalves dans une lettre rendue publique, du prétendant de donner des détails sur ses activités et sur sa propre valorisation.

Chevalier blanc

Selon M. Burritt, Cliffs souhaitait en préalable à tout engagement du processus de vérifications dit des « due diligence », qu’USS accepte ses conditions financières.

« Exiger de notre conseil qu’il fasse cela est par essence demander qu’il enfreigne ses droits fiduciaires », a affirmé M. Burritt. Par conséquent, il « n’a pas d’autre choix que de rejeter votre proposition déraisonnable ».

Une décision d’autant plus facile à prendre certainement, que d’autres entreprises se sont présentées en chevalier blanc. Certaines officiellement.

C’est le cas d’Esmark, un conglomérat familial, qui a offert le même montant par action que Cleveland-Cliffs avec un financement similaire associant liquidités et titres, selon son communiqué.

Il précise avoir quarante ans d’expérience dans l’industrie sidérurgique avec Esmark Steel Group, revendiquant le quatrième rang du secteur aux États-Unis.

Matthew Miller, analyste de CFRA Research, rappelle qu’Esmark a déjà tenté sa chance en 2016 et en 2021.

Aucune réaction publique d’U. S. Steel à ces avances, valables jusqu’au 30 novembre.

Le groupe ArcelorMittal, numéro deux mondial cité par des médias comme étant également en lice, n’a pas souhaité faire de commentaire à l’AFP.

S’il semblait ouvert de premier abord à un mariage, U. S. Steel a néanmoins prévenu n’avoir aucune date butoir ni calendrier pour son introspection stratégique et qu’il n’y avait « aucune assurance » qu’elle déboucherait sur une quelconque transaction.

Le syndicat des métallurgistes USW a déjà fait savoir que Cleveland-Cliffs avait sa préférence.

Sécurité nationale

Son président Thomas Conway a rédigé une lettre en ce sens début août, rappelant que la convention collective en vigueur avec USS lui donnait un droit d’opposition en cas d’offre de rachat de tout ou partie de l’entreprise.

« L’USW a une très forte relation avec Cliffs et n’exercera pas de ce droit », a assuré M. Conway, affirmant qu’il ne soutiendrait personne d’autre que Cliffs.

« Conserver une gestion américaine de l’industrie sidérurgique est cruciale pour de nombreuses activités fondamentales des États-Unis », a-t-il souligné.

« Étant donnée l’importance de l’acier pour la sécurité nationale […], et compte-tenu de l’approbation de la transaction par l’USW, nous anticipons que l’opération va se faire », a noté M. Miller, soulignant que les actionnaires d’USS allaient sans doute trouver la prime de 43 % suffisamment alléchante pour accepter cette union.

Selon lui, elle aura davantage de chances d’obtenir l’aval des autorités réglementaires américaines qu’un groupe étranger comme ArcelorMittal.

Au pire, ce dernier pourrait récupérer en cadeaux de consolation des activités qu’un acheteur pourrait être contraint de céder pour des questions de concurrence, a avancé M. Miller.

En attendant qu’une « route claire émerge » dans cette situation « hautement fluide », l’agence Standard and Poor’s a placé vendredi la note « BB - » d’USS sous surveillance.

L’attrait d’USS découle, d’après des observateurs, en particulier du fait qu’il va achever un coûteux plan d’investissement comprenant notamment l’installation de fours à arc électrique (EAF) au lieu de hauts-fourneaux au charbon, pour réduire son empreinte carbone.

Et le grand plan pour le climat du président Joe Biden, en vigueur depuis tout juste un an, devrait entraîner à terme une baisse du coût de revient de l’acier américain et donc le rendre très compétitif par rapport à l’acier européen, a indiqué une source du secteur.