Un premier profit net depuis la pandémie et un avertissement sur un avenir incertain qui s’évapore ; Transat A. T. tourne la page sur la pandémie. Pour éviter que sa remontée ne soit freinée par la pénurie de pilotes, l’entreprise s’apprête à déployer son propre programme de formation intensive, a appris La Presse.

Le spécialiste du voyage d’agrément adopte donc une tendance bien ancrée en Europe ainsi que chez de grands transporteurs nord-américains comme Delta Air Lines, United Airlines et American Airlines. Au Canada, le transporteur à bas coûts Flair Airlines vient de se tourner vers cette option.

Transat devrait en faire l’annonce dans environ deux semaines, d’après une communication interne de la compagnie québécoise que La Presse a pu consulter. Interrogé au cours d’une entrevue, son chef de la direction financière, Patrick Bui, confirme.

« C’est certain que l’on se donne un autre outil pour atténuer le dossier des pilotes, dit-il. On voulait mettre sur pied ce programme. »

Le programme est le fruit d’une collaboration avec la multinationale québécoise CAE. La formation s’échelonnera sur 18 mois et la facture sera refilée à « chaque personne participante ». Avec sa licence en poche, la recrue pourra immédiatement être « commandant en second » chez Air Transat.

Traditionnellement, dans le modèle canadien, les pilotes passent généralement plusieurs années aux commandes de petits appareils avant d’être embauchés par de grands transporteurs, qui exploitent des avions de plus grande taille.

Prévoir le coup

Air Transat dit embaucher environ 10 pilotes par mois et assure qu’elle dispose de l’effectif nécessaire pour accroître sa capacité. La hausse sera 23 % pour la saison hivernale avec l’ajout de trois nouveaux appareils de la famille Airbus A321. La flotte de la compagnie à l’étoile bleue comptera alors 40 appareils.

Tous les transporteurs font néanmoins face aux difficultés de recrutement.

« Nous projetons que près de 10 % de nos pilotes actifs [prendront] leur retraite dans les cinq prochaines années, est-il expliqué dans la missive interne. Nous aurons donc besoin d’embaucher significativement à l’avenir, tout en étant confrontés à la réalité du manque de main-d’œuvre actuel. »

L’industrie aérienne est aux prises avec un manque de pilotes, un phénomène exacerbé par la crise sanitaire et l’arrivée de nouvelles compagnies aériennes à bas coût, qui exercent une pression sur le bassin de candidats. Cette situation a par exemple incité Air Canada à annuler son offre de vols directs de Québec vers les destinations soleil pour l’automne 2023 et 2024.

« Pour répondre aux plans de croissance des transporteurs canadiens (sans tenir compte des remplacements en raison des départs à la retraite), il faudrait que le bassin de pilotes de ligne augmente d’environ 30 % », soulignait Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, dans un récent rapport.

Selon l’analyste, cette problématique finira par peser sur la croissance de certains acteurs de l’industrie. M. Bui croit qu’Air Transat parviendra à tirer son épingle du jeu, notamment parce qu’elle offre la possibilité aux pilotes d’être aux commandes de gros porteurs, comme des A330 – un avis partagé par M. Doerksen.

Étape importante

Le troisième trimestre, qui s’est terminé le 31 juillet dernier, constitue une étape importante du redressement de Transat : c’est la première fois qu’elle engrange un profit trimestriel depuis l’éclosion de la COVID-19.

Au-delà des résultats qui ont dépassé les attentes des analystes, des prévisions financières relevées et d’une demande qui ne semble pas vouloir s’estomper, la société mère d’Air Transat a posé un geste, inaperçu, qui illustre que le ciel est finalement en train de s’éclaircir.

Dans son rapport trimestriel, l’avertissement à propos des « incertitudes significatives » de l’entreprise sur sa capacité à « poursuivre ses activités » a finalement disparu.

« Cela enlève un poids, reconnaît M. Bui. C’est super. On a connu un trimestre record, on renoue avec la profitabilité et on génère des liquidités. Il n’y a aucune raison d’avoir ce type de note. »

Transat traîne toujours une lourde dette nette d’environ 1,5 milliard. Son chef de la direction financière est conscient qu’elle doit être réduite, mais le redressement de la société lui permet d’entrevoir des « scénarios de refinancement plus favorables ».

Au 31 juillet, l’entreprise avait généré des flux de trésorerie de 246 millions. Cette somme devrait avoir diminué à la fin du quatrième, a prévenu M. Bui, mais il y restera un surplus à la fin de l’année financière. Cet argent servira à réduire le niveau d’endettement.

Sur le parquet de la Bourse de Toronto, les investisseurs ont accueilli favorablement la performance de Transat. L’action a gagné 35 cents, ou 8,5 %, à 4,48 $.

En savoir plus
  • 5000 personnes
    Effectif de Transat A. T.
    Source : transat a. t.
    1987
    Année où l’entreprise a fait son entrée à la Bourse de Toronto
    Source : transat a. t.