(New York) Le mouvement social dans le secteur automobile américain a pris vendredi une nouvelle dimension, avec une augmentation des sites touchés et l’annonce d’une prochaine visite du président Joe Biden sur un piquet de grève, pour tenter de griller la politesse à Donald Trump.

Le président démocrate, qui se qualifie volontiers de premier soutien des syndicats américains, et qui avait d’ailleurs été invité à faire un tel geste, se déplacera dans le Michigan mardi sur un piquet de grève, en signe de « solidarité ».

« Il est temps d’avoir un accord gagnant-gagnant » entre les constructeurs automobiles et le syndicat UAW, a déclaré Joe Biden dans un message sur X.  

Le démocrate de 80 ans a déjà, plusieurs fois, estimé publiquement que les constructeurs devaient faire profiter les salariés de leurs « bénéfices record ».

Il avait jusqu’ici prévu de consacrer la semaine prochaine à un voyage dans l’Ouest. Mais l’occasion est trop belle de griller la politesse à son grand rival Donald Trump, qui lui aussi se veut le champion des ouvriers et des milieux populaires.

L’ancien président républicain, favori de la primaire de son parti en vue de la présidentielle de 2024, a en effet prévu pour sa part d’aller sur un piquet de grève mercredi. Et aussi dans le Michigan, un État clé sur le plan électoral.

De quoi politiser, brusquement, un mouvement social qui s’est nettement amplifié vendredi.

« Pas attendre l’éternité »

La grève s’est étendue chez les constructeurs automobiles américains General Motors et Stellantis, faute d’avancée dans les négociations syndicales, contrairement à Ford où de « réels progrès » ont été effectués.

Depuis vendredi midi, les 38 centres de distribution de pièces détachées de ces deux constructeurs sont concernés.

« Nous n’allons pas attendre l’éternité pour obtenir des contrats équitables de la part des “Big Three” », surnom des trois grands constructeurs américains, a lancé Shawn Fain, président du puissant syndicat UAW, dans une vidéo.

PHOTO PAUL SANCYA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Shawn Fain, président du syndicat United Auto Workers (UAW)

Ces sites, situés dans vingt États des États-Unis, emploient autour de 5600 adhérents de l’UAW sur les 146 000 travaillant pour les trois géants de Detroit, dans le Michigan.

Les trois usines en grève depuis le 15 septembre vont le rester, a précisé M. Fain. Ces trois sites – un pour chacun des « Big Three » – emploient quelque 12 700 adhérents de l’UAW.

C’est la première grève affectant les trois groupes en même temps.

« Nous invitons et encourageons toute personne soutenant notre cause à nous rejoindre sur les piquets de grève, amis et familles et jusqu’au président des États-Unis », avait déclaré M. Fain.

« Nombreuses actions »

À ce stade, l’impact économique a été limité, mais l’extension du mouvement chez Stellantis et GM risque d’avoir des répercussions plus importantes, car ces centres approvisionnent garages et concessionnaires en pièces détachées pour les véhicules déjà vendus, affectant donc directement le grand public.

Et « ils génèrent des bénéfices importants, particulièrement pour Stellantis », a relevé M. Fain sur la chaîne CNBC, ajoutant que le syndicat envisageait de « nombreuses actions » possibles pour la suite.

Les grévistes perçoivent chacun 500 dollars par semaine du fonds syndical d’entraide au lieu de leur salaire habituel.

General Motors, dont 18 sites supplémentaires sont affectés, a accusé les dirigeants de l’UAW de « manipuler le processus de négociation pour leur propre intérêt ». Même accusation du côté de Stellantis qui « se demande s’ils n’ont jamais eu l’intention de trouver un accord à temps ».

Concernant Ford, Shawn Fain a noté une « volonté sérieuse de parvenir à un accord » même si de « sérieux problèmes » persistent.

PHOTO WOLFGANG RATTAY, ARCHIVES REUTERS

Le syndicat réclame notamment une hausse salariale de 40 % sur quatre ans, correspondant à celle dont ont bénéficié les dirigeants des groupes ces quatre dernières années.

Les fournisseurs canadiens affectés

Les travailleurs de l’automobile aux États-Unis ont intensifié leur grève vendredi, une mesure qui devrait avoir des répercussions sur les producteurs de pièces canadiens.

« Cela répartit la douleur à un nouveau niveau », a illustré Sam Fiorani, vice-président des prévisions mondiales de véhicules chez AutoForecast Solutions.

L’ajout de centres de distribution augmente le risque de perturber la chaîne d’approvisionnement et d’affecter les fournisseurs de pièces canadiens, a-t-il estimé.

« Au fil des jours, les fournisseurs de pièces détachées sont de plus en plus incommodés, et cela s’aggrave lorsque les fournisseurs de pièces détachées eux-mêmes sont plus petits. Ainsi, les plus petits fournisseurs de deuxième et troisième plans seront vraiment touchés. »

Les entreprises canadiennes opérant aux États-Unis ont déjà été touchées par la grève.

Magna International, établie à Aurora, en Ontario, a notamment confirmé que LM Manufacturing, une coentreprise qu’elle détient à 49 %, avait temporairement mis à pied environ 650 employés parce qu’une usine de Ford Bronco à qui elle fournit des sièges était touchée par la grève.

Au Canada, Ford a évité une grève en concluant mardi un accord de principe avec Unifor sur lequel les membres voteront ce week-end. Le résultat du vote est attendu dimanche.

La présidente nationale d’Unifor, Lana Payne, a affirmé que l’accord, qui devrait servir de modèle aux négociations contractuelles avec GM et Stellantis, abordait des questions clés telles que les salaires, les pensions et la transition vers les véhicules électriques.

La Presse Canadienne