(Ottawa) Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, souhaite avoir un appel téléphonique avec le premier ministre Justin Trudeau au sujet des assouplissements demandés au remboursement des prêts du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC).

Pendant ce temps, les libéraux disent chercher l’appui d’un parti d’opposition afin de faire cheminer un projet de loi qu’ils présentent comme prioritaire pour mettre en place des mesures d’abordabilité, le projet de loi C-56.

Selon eux, les conservateurs bloquent l’avancement de la pièce législative en employant des manœuvres d’obstruction et ils ont besoin du soutien des néo-démocrates ou bloquistes pour pouvoir faire adopter une motion qui limiterait le temps de débat restant, au stade de la deuxième lecture. Cela vise à pouvoir procéder à un vote et passer à d’autres étapes législatives.

M. Blanchet a mentionné lundi que le Bloc québécois, dans son « ADN », n’est pas porté vers « les bâillons », mais il croit que l’appel avec M. Trudeau s’inscrit dans une logique de voir comment faire face, de façon générale, à la tendance, à ses yeux, qu’ont les conservateurs de « mettre du sable dans l’engrenage de l’institution démocratique et le Parlement de façon systématique ».

« C’est déplorable et je comprends le gouvernement de dire “Eille, il va falloir débloquer des projets de loi à un moment donné” », a soutenu le chef bloquiste devant les journalistes.

Il a ajouté qu’il n’est « pas là pour aider les libéraux ». « Je suis là pour aider les Québécois », a dit M. Blanchet.

Le chef bloquiste s’est gardé de révéler la nature de possibles négociations avec les troupes de Justin Trudeau, de même que d’indiquer si le CUEC y joue un élément central.

La semaine dernière, une source gouvernementale avait affirmé à La Presse Canadienne que les libéraux avaient reçu une demande bloquiste au sujet du Compte d’urgence. Cette demande s’inscrit dans le cadre de discussions sur une éventuelle motion d’allocation de temps entourant C-56.

Cette source, de même qu’une autre au sein de l’équipe libérale, a fait savoir que le gouvernement tente d’avoir l’appui du Nouveau Parti démocratique (NPD) ou du Bloc québécois pour faire adopter une telle motion. Une source néo-démocrate a aussi confirmé la tenue de discussions.

Les trois sources ont requis l’anonymat puisqu’elles n’étaient pas autorisées à parler publiquement de ces questions.

Quoi qu’il en soit, le Bloc québécois rappelle souvent publiquement sa demande d’assouplissement sur le prêt du compte d’urgence. Ce fut notamment le cas à la période des questions de lundi.

Quelques heures avant, M. Blanchet a réitéré que son parti souhaite que la date butoir de remboursement de prêts fasse l’objet « d’une prolongation d’un an, soit pour un paiement complet, soit pour l’établissement d’une entente avec les institutions financières ».

« Pour que ça puisse fonctionner toutefois, il faudra qu’il y ait, au niveau du gouvernement, un interlocuteur unique, disponible, compétent, qui pourra servir de relais parce que, évidemment, les banques étant garanties par le gouvernement ne seront pas si enthousiastes que ça à l’idée d’établir des ententes », a-t-il soutenu.

Le CUEC, créé durant la crise de la COVID-19, a permis de « vers(er) 49 milliards de dollars sous forme de prêts sans intérêt allant jusqu’à 60 000 $, assortis d’une radiation partielle à près de 900 000 petites entreprises et organismes à but non lucratif pour les aider à payer leurs frais de fonctionnement durant la pandémie », peut-on lire dans un document d’information du fédéral.

Une annonce des libéraux, en septembre, portait sur le report de la date butoir pour le remboursement des prêts du 31 décembre prochain au 18 janvier.

Plus précisément, ce délai concerne les « personnes détenant des prêts qui souhaitent profiter d’une radiation partielle pouvant atteindre 33 % ».

« Les libéraux ont donné 18 jours à des entreprises qui se battent depuis trois ans pour rembourser leurs dettes de la pandémie. Dix-huit jours, ils appellent ça de la flexibilité. […] À quand un vrai report du paiement ? » a lancé la députée bloquiste Claude DeBellefeuille durant la période des questions.

La ministre du Revenu national, Marie-Claude Bibeau, a répondu en précisant que les entrepreneurs n’auront pas à rembourser la totalité de leur prêt au début de l’an prochain. « (Il) peut être prolongé encore jusqu’en 2026 », a-t-elle dit.

Plus tôt, elle avait déclaré qu’« il ne faut pas faire peur aux organismes et aux entreprises pour rien ».

Le document d’information d’Ottawa spécifie qu’« en date du 19 janvier 2024, les prêts non remboursés […] seront convertis en prêts de trois ans assortis d’un taux d’intérêt de 5 % par année, et la date du remboursement du prêt à terme sera prolongée d’une année, soit du 31 décembre 2025 au 31 décembre 2026 ».

Dans une lettre adressée à la ministre des Finances, Chrystia Freeland, des députés bloquistes ont soutenu qu’ils s’appuient sur les constatations de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.

Les bloquistes n’ont pas manqué de signaler que l’Assemblée nationale du Québec a adopté à l’unanimité une motion pour demander de « repousser substantiellement l’échéance du 31 décembre 2023 ».

Le report déjà annoncé par le fédéral ne satisfait visiblement par Québec ni les premiers ministres de l’ensemble des provinces et territoires canadiens. Tous ont signé une lettre envoyée à M. Trudeau par les premiers ministres des provinces et territoires. Ils y réclament, eux aussi, une prolongation d’un an de la période de remboursement des prêts sans intérêt.