En attendant l’officialisation de son premier contrat de la Stratégie nationale de construction navale (SNCN), le chantier maritime Davie boucle un dossier sur lequel il travaille depuis environ dix mois : l’acquisition du plus important constructeur de brise-glaces au monde, en Finlande.

Le montant de la transaction annoncée vendredi n’a pas été divulgué, mais l’entreprise bénéficie d’une aide financière totalisant 110 millions – un investissement de 43 millions et un prêt de 67 millions – du gouvernement Legault. Cela s’ajoute aux quelque 520 millions consentis par Québec pour permettre à Davie de moderniser ses installations et d’être intégrée dans la SNCN.

« Notre prêt est garanti par les actifs, il n’y a donc pas de risque financier comme tel pour le gouvernement », a affirmé le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, à Montréal, en marge d’une annonce. « Je pense qu’ultimement il va y avoir des retombées [au Québec]. Des garanties écrites, on ne peut pas en avoir, mais ça sera des contrats dans le futur. »

Cela porte néanmoins à 630 millions l’ampleur du soutien financier consenti à Davie depuis le printemps.

Établi dans la capitale finlandaise, Helsinki Shipyard Oy (HSO) a bâti à lui seul 60 % de la flotte mondiale de brise-glaces. Il est toutefois dans la tourmente depuis le début de la guerre en Ukraine. Propriété d’industriels russes, le chantier naval a vu les portes de son principal marché, la Russie, se fermer dans la foulée des sanctions imposées à Moscou après son offensive armée en Ukraine.

Transaction sensible

Dans le contexte actuel, une transaction aussi stratégique impliquant des actionnaires russes était considérée comme très délicate. Les obstacles semblent vraisemblablement avoir été surmontés, à entendre M. Fitzgibbon.

« Les Américains sont contents, les Européens sont contents », a-t-il dit.

Avec Davie aux commandes, HSO pourra vraisemblablement repartir sur de nouvelles bases avec de nouveaux débouchés au sein de l’OTAN, à laquelle la Finlande s’est jointe en avril.

Plusieurs membres de cette alliance militaire prévoient acheter des brise-glaces au cours des prochaines années, et selon nos informations, certains clients potentiels ont déjà pris contact avec les parties pour savoir à quelle date la production des nouveaux navires pourrait se mettre en branle.

« La vérification au préalable [due diligence] a été menée de façon stricte », affirme Marcel Poulin, directeur, affaires externes et participation industrielle, chez Davie, au cours d’un entretien téléphonique. « Aucune personne sanctionnée n’a été impliquée dans cette transaction. On ne peut pas dire que cela ait été facile, mais nous avons toujours cru en notre capacité de la réaliser. »

M. Poulin affirme que l’acquisition n’aurait pas pu aller de l’avant sans l’aide de Québec.

Écartée de la SNCN il y a plus d’une décennie, Davie avait finalement été intégrée en avril dernier. Cela pourrait permettre au chantier maritime québécois de potentiellement construire sept nouveaux brise-glaces pour la garde côtière canadienne – des contrats potentiels de 8,5 milliards.

On achète le numéro un mondial des brise-glaces. Cela va permettre de faire un grand transfert de connaissances et de réduire le risque pour la stratégie navale.

Marcel Poulin, directeur, affaires externes et participation industrielle, chez Davie

Aux dernières nouvelles, les négociations se poursuivent entre Davie et Ottawa. Selon nos informations, les pourparlers vont bien, mais une annonce ne semble pas imminente. En principe, elle ne devrait pas survenir lors du Rendez-vous annuel de la chaîne d’approvisionnement de la construction navale du Québec organisé par l’Association des fournisseurs de Chantier Davie Canada, la semaine prochaine, dans la Vieille Capitale.

Retombées attendues

Cette percée de Davie en Finlande finira par avoir des répercussions positives au Québec, affirment le chantier maritime et son association de fournisseurs.

« L’expertise développée ici pourra réaliser des exportations avec notre partenaire finlandais », avance M. Poulin.

Du côté de l’Association, le président-directeur général Pierre Drapeau croit que la transaction accélérera les démarches entamées par le regroupement en Europe pour tisser des liens commerciaux de l’autre côté de l’Atlantique.

« On vient d’ouvrir une fenêtre sur le marché mondial qui n’est pas banale, lance M. Drapeau. Nous conservons aussi un siège social dans la construction navale et il se renforce. »

Avec la collaboration de Lila Dussault et de Vincent Larouche, La Presse

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    Année de fondation de Chantier Davie
    source : chantier maritime davie