Très prisés durant la pandémie, les investissements en capital de risque sont en net ralentissement en 2023 au Canada. Et l’impact est encore plus flagrant au Québec, qui voit sa part de la tarte canadienne passer de 30 % en 2019 à 22 %. Indice, estime-t-on à la Banque de développement du Canada (BDC), que la province a besoin « d’une infrastructure entrepreneuriale forte » comme celles développées en Ontario.

Le bilan des trois premiers trimestres de 2023 en investissement dans le capital de risque, publié cette semaine par la Canadian Venture Capital Association (CVCA), indique « un ralentissement significatif » au Canada, à l’image de l’économie globale. Avec un total de 5,4 milliards jusqu’à maintenant, « on va terminer à 7 ou 8 milliards », estime Jérôme Nycz, vice-président exécutif de BDC Capital, le plus important investisseur en capital de risque au Canada et le troisième en importance au Québec.

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Jérôme Nycz, vice-président exécutif de BDC Capital

C’est pratiquement deux fois moins qu’en 2021, une année record. Ce rythme, indique la CVCA, marque « un retour à la normalité, reflétant l’ère prépandémique de 2019 ».

M. Nycz est loin de tirer la sonnette d’alarme. « Quand on regarde sur un horizon de 10 ans, 2023 reste dans les normes au Canada, je dirais même dans les normes élevées. Quand j’ai commencé le métier il y a une dizaine d’années, c’était 1 milliard par année qui était investi […]. On a plus d’investisseurs institutionnels, on a plus de fonds d’investissement, on a plus d’entreprises qui sont soutenues par l’industrie du capital de risque. »

Il note toutefois un élément qui a compliqué la vie des entreprises technologiques depuis 18 mois : le marché défavorable à l’entrée en Bourse et aux appels publics à l’épargne. Ces « IPO », pour reprendre le sigle anglais, permettent notamment à des entreprises d’aller chercher les dizaines, voire les centaines, de millions en investissements nécessaires au développement et à la commercialisation de leurs produits. Une seule entreprise, Turnstone Biologics, fondée à Ottawa et qui a déménagé son siège social en Californie, a mené à terme une telle opération, levant 80 millions US en juillet dernier.

L’exemple de Toronto

La tendance à la baisse semble toutefois nettement plus marquée au Québec, où on rapporte 101 investissements totalisant 1,2 milliard pour les neuf premiers mois de 2023. Par ailleurs, la part du Québec dans l’ensemble canadien est en décroissance depuis 2019, passant de 30 % cette année-là à 22 % jusqu’à maintenant en 2023.

Le montant de 1,2 milliard pour les trois premiers trimestres au Québec se compare tout de même à ce que les entreprises de la province avaient récolté en 2019.

Même si les statistiques montrent un ralentissement plus flagrant au Québec, le vice-président à la BDC note que les investissements sont concentrés dans des domaines très porteurs, notamment les sciences de la vie et les technologies propres.

Filière des batteries, électrification, solutions à la diminution des gaz à effet de serre, « medtechs »... « On est en train de bâtir vraiment là une nouvelle industrie, un nouveau secteur économique qui est très porteur. Ce n’est pas du commerce électronique, c’est vraiment une structure et une politique industrielle importante ».

Cela dit, M. Nycz estime qu’il « manque un élément dans la trousse du Québec » : un pôle entrepreneurial fort comme ce que Toronto a développé avec son MaRS Discovery District, qui regroupe quelque 120 organisations.

La Maison Notman, le Centech, Mila, entre autres, « ont beaucoup fait pour l’écosystème […] Mais en ce moment, il y a beaucoup de petits morceaux qui ne sont pas très bien attachés ». Il fonde beaucoup d’espoir sur l’ouverture annoncée à l’automne 2024 de l’Espace Ax-C, pour lequel Québec et Ottawa ont accordé des aides financières totalisant 48 millions à l’École de technologie supérieure.

« On a besoin d’un “hub”, d’une infrastructure pour regrouper tout le monde. »