En 2030, la France vaincra-t-elle le Québec en remportant la palme de l’endroit comptant le plus grand nombre de restaurants La Cage – Brasserie sportive sur son territoire ? C’est du moins le plan que souhaitent suivre les gens d’affaires français qui travaillent avec la chaîne québécoise.

L’Angleterre et le Portugal semblent eux aussi avoir de l’appétit pour les ailes de poulet et le blitz burger de la brasserie sportive née il y a 40 ans.

Cette affirmation à propos du nombre d’établissements en France qui surpasserait la Belle Province, Jean Bédard, grand patron du Groupe Grandio – qui gère notamment La Cage – l’entend « souvent » de la bouche de son partenaire désireux de développer la marque dans l’Hexagone. À cela, M. Bédard répond au bout du fil : « On verra. Il est trop tôt pour se fixer des objectifs. »

Il reconnaît toutefois qu’il y a beaucoup d’appétit pour ce concept où les écrans géants et le maïs soufflé sont rois et maîtres.

Après l’ouverture d’une première succursale en terre française, à Bordeaux, en juin 2023, en partenariat avec François Bultel, fondateur de Boulangerie Ange, il ne cache pas que l’intérêt est grandissant. Pour le moment, le compte est à 38 restaurants contre 1… pour le Québec.

Alors que la chaîne souffle cette année ses 40 bougies, M. Bédard – à la tête de l’entreprise depuis 1995 – veut « slaquer un peu » en délaissant les opérations pour se concentrer davantage sur le développement international.

L’Hexagone, où on ouvrira un deuxième restaurant d’ici la fin de l’année, risque toutefois de ne pas avoir l’exclusivité puisque des « groupes sérieux » de l’Angleterre et du Portugal semblent également souhaiter importer le concept chez eux, affirme-t-il. « Je ne comprends pas ce qui se passe », lance Jean Bédard.

Or, celui qui souhaitait ralentir la cadence risque finalement d’être fort occupé en raison de ces appels du pied, reconnaît-il. M. Bédard s’envole d’ailleurs pour l’Europe la semaine prochaine « pour brasser un peu les choses ».

Il veut aussi être mieux « équipé » de l’autre côté de l’Atlantique. « Ça va prendre quelqu’un pour s’occuper du développement là-bas. »

Mais comment peut-on expliquer un tel engouement européen pour ce concept 100 % québécois ?

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Jean Bédard, président et chef de la direction de Groupe Grandio

En Europe, il n’y en a pas des affaires de même. Ils ont plus des petits pubs. Je pense qu’on est meilleurs qu’on le croit.

Jean Bédard, président et chef de la direction de Groupe Grandio

Ne cherchez pas de traduction pour La Cage – Brasserie sportive en anglais ou en portugais, car le nom restera le même. Au même titre qu’ils ont préservé les raisons sociales américaines comme Burger King, les Européens « veulent garder la marque intégrale ».

D’ailleurs, sur le site français de La Cage, on peut lire de nombreuses expressions à la sauce québécoise comme « attache ta tuque » ou « tire-toi une bûche ». On vante même les mérites des ailes de poulet : « c’est comme les wings, mais en meilleur ».

« Je pense que c’est sexy, le fait que ce soit Québécois », mentionne M. Bédard avec un sourire dans la voix.

L’avenir

En plus de l’expansion à l’international, Jean Bédard réfléchit à son avenir et à celle du Groupe Grandio, fondé en juin 2022 avec plus d’une cinquantaine de succursales de restaurants, dont La Cage, le Cochon dingue et Moishes. Dans cinq ans, l’homme âgé de 60 ans a l’intention de céder sa place à la tête du Groupe… mais il ne sera pas loin. « Je ne veux pas être une nuisance. Mais je risque de rester longtemps autour de la compagnie. J’ai une belle relève. Mes deux fils travaillent dans l’entreprise. C’est une belle bébelle que je veux garder au Québec. »

Déjà, il a décidé de délaisser les opérations et n’occupe plus la présidence de La Cage. Un passage chargé d’émotion. « Il faut que je passe de la Cage à Grandio, affirme celui qui est d’abord devenu franchisé en 1989. Jusqu’à tout récemment, j’avais deux adresses courriel et j’utilisais encore celle de lacage.ca. Je ne sais pas pourquoi », raconte-t-il en riant.

M. Bédard a finalement réussi à couper le cordon en se rabattant uniquement sur son adresse du Groupe Grandio.

En ce qui concerne l’avenir de la restauration, l’homme d’affaires reconnaît que les prochains mois seront difficiles. Déjà, depuis le début de l’année, plusieurs propriétaires ont annoncé la fermeture de leur établissement.

S’il reconnaît que les clients affluent toujours à La Cage – une nouvelle succursale ouvrira prochainement sur le boulevard Laurier à Québec –, d’autres marques du Groupe Grandio ont plus de difficultés.

Pour l’ensemble de l’industrie, en plus des restaurateurs qui en arrachent, il craint que certains propriétaires établis depuis longtemps et pour qui les affaires vont bien décident malgré tout de jeter l’éponge en raison de l’épuisement. « Ça va arriver parce que c’est tough. »

Ainsi, la prudence sera de mise cette année. « Il faut faire attention. Il faut compter, il ne faut pas s’énerver. Ça ne sera pas facile, pour personne. »

Et pour faire une analogie avec le golf, il ajoute : « On joue sur un terrain étroit, ce n’est pas le temps d’essayer de nouveaux bâtons. Il faut que tu gardes ton œil sur la balle et que tu frappes dans le milieu. »

La Cage en bref

  • Première succursale : septembre 1984
  • Nombre de restaurants au Québec : 38 (et un en France)
  • Fait partie du Groupe Grandio, formé en 2022
  • Président et chef de la direction de Groupe Grandio : Jean Bédard
  • Nombre d’établissements gérés par Grandio : plus d’une cinquantaine La Cage, Cochon Dingue, Lapin Sauté, Ciel !, Paris Grill, Café du Monde, JaJa, Madame Chose, Chez Lionel – Brasserie française, IRU Izakaya, Moishes
  • Siège social : Boucherville