Par un samedi glacial plus tôt ce mois-ci, Mindy Watson a appris que le vol de sa famille ce jour-là d’Edmonton à Toronto, en route vers Cuba, avait été annulé.

WestJet a proposé un nouvel itinéraire pour leurs vacances à Varadero – pas le lendemain, mais huit jours plus tard, le 21 janvier.

« Ma femme est militaire canadienne et doit être de retour à la base de Comox des Forces canadiennes le 22 janvier », a expliqué Mme Watson. Sa fille devait se pointer à son quart de travail d’infirmière le même jour, et un autre membre de la famille en voyage – un ancien combattant handicapé – devait être à la maison pour ses rendez-vous.

Un agent lui a dit qu’il n’était pas autorisé à les transférer sur une autre compagnie aérienne, a-t-elle indiqué, ajoutant que plusieurs représentants avaient dit la même chose.

Ils ont fini par abandonner le voyage, une escapade que la famille attendait avec impatience depuis des mois.

Mme Watson faisait partie des milliers de clients de WestJet dont les vols ont été annulés en raison d’une vague de froid extrême en Alberta au début du mois. Et nombreux sont ceux qui affirment que la compagnie aérienne ne leur offrait pas un nouvel itinéraire dans les délais requis, ce qu’un groupe de défense a présenté comme le dernier exemple en date d’un manquement au respect des droits des voyageurs.

La règle des 48 heures

Si un transporteur doit annuler un voyage pour des raisons indépendantes de sa volonté – des conditions météorologiques extrêmes, par exemple – la charte canadienne des droits des passagers l’oblige à enregistrer à nouveau les passagers sur ses propres avions ou sur ceux d’une compagnie aérienne partenaire dans les 48 heures. S’il ne le peut pas, il doit les mettre à bord « du prochain vol disponible exploité par n’importe quel transporteur » pour atteindre leur destination.

La Presse Canadienne a parlé ou envoyé des courriels à plus d’une vingtaine de passagers qui affirment qu’ils n’ont pas eu un nouvel itinéraire dans les délais prescrits – bon nombre d’entre eux pour des voyages WestJet prévus ce mois-ci, mais d’autres pour des vols au cours des deux dernières années avec plusieurs compagnies aériennes.

Le transporteur WestJet, établi à Calgary, affirme qu’il enregistre à nouveau ses clients, y compris auprès de compagnies aériennes concurrentes, après des annulations conformément aux règles fédérales.

« Nous comprenons à quel point il est frustrant que le voyage ne se déroule pas comme prévu lors d’évènements météorologiques extrêmes et nous sommes investis envers nos clients et pour leur assurer un voyage sûr et rapide », a assuré la porte-parole Madison Kruger dans un courriel.

« Nous nous excusons sincèrement auprès de nos invités qui ont été touchés par les évènements météorologiques extrêmes de la semaine dernière, mais la sécurité sera toujours notre première priorité », a-t-elle affirmé.

Mme Kruger a soutenu que la compagnie aérienne effectuait de nouvelles réservations auprès d’un certain nombre de transporteurs différents.

« WestJet réserve des vols sur des compagnies aériennes partenaires et non-partenaires lors d’opérations irrégulières pour des vols nationaux et internationaux conformément à la (charte des droits des passagers) et dans certaines circonstances en signe de bonne volonté », a-t-elle affirmé.

Des enregistrements de conversations

Des enregistrements de conversations téléphoniques entre des passagers et des agents de WestJet laissent cependant croire que ce n’est pas toujours le cas.

WestJet a annulé le vol de correspondance de Kelly Regula, résidente de Winnipeg, de retour de Toronto le 12 janvier. Dans les enregistrements de ses conversations téléphoniques avec des agents de la compagnie aérienne relayés à La Presse Canadienne, les représentants de la compagnie affirment qu’il leur a été interdit de l’enregistrer sur l’un des multiples vols d’Air Canada apparemment disponibles ce vendredi-là, lui suggérant de prendre un départ le lundi avec WestJet – bien plus de 48 heures plus tard.

Mme Regula a fini par réserver un voyage avec Air Canada pour elle-même, son mari et son enfant au prix de 2855 $.

« Ce n’est tout simplement pas juste, a-t-elle affirmé. Mais je peux comprendre pourquoi les gens abandonnent. C’est épuisant. »

Ashley Armstrong, dont le vol Saskatoon-Orlando a également été annulé par WestJet le vendredi 12 janvier, a obtenu une nouvelle réservation pour le mercredi suivant, même après avoir souligné d’autres options de voyage.

« Il y a un vol d’Air Canada qui part dimanche, et je ne comprends donc pas pourquoi nous n’avons pas pu obtenir de réservation sur ce vol », a-t-elle déclaré à l’agent le lendemain, selon un enregistrement qu’elle a réalisé et relayé à La Presse Canadienne.

« Je suis incapable de faire des trucs interlignes. Je ne peux traiter qu’avec WestJet », a répondu l’agent.

Interrogé sur les expériences vécues par ces deux voyageuses, WestJet a déclaré avoir transmis leurs dossiers à son équipe auprès des usagers pour examen afin de garantir que les politiques de la compagnie aérienne étaient correctement appliquées.

Le ministre des Transports, Pablo Rodriguez, a déclaré jeudi à La Presse Canadienne que les compagnies aériennes « ne peuvent et ne devraient pas » s’en tirer en toute impunité en violant les droits des consommateurs.

Une refonte de la charte des droits des passagers est en cours, a-t-il noté, et des règles plus strictes devraient entrer en vigueur cette année.

Des heures à attendre

Certains passagers ont déclaré que les transporteurs les avaient informés d’une annulation par courriel en précisant qu’un message sur les options de modification de réservation suivrait, mais celui-ci n’a jamais réellement atterri dans leur boîte de réception.

Même lorsque c’est le cas, les clients peuvent passer des heures à attendre – au téléphone ou en personne – pour essayer d’obtenir une autre réservation.

Colin MacRae a appelé le numéro indiqué pour prendre d’autres dispositions après l’annulation de son vol Toronto-Calgary le 23 décembre et sa réservation a été modifiée sur un vol trois jours plus tard.

« Après avoir été en attente pendant plus de six heures, on nous a demandé si nous souhaitions être rappelés. Nous avons répondu oui. Ils ont ensuite programmé leur “rappel le plus tôt possible”, c’est-à-dire à 8 h du matin le 30 décembre, le même jour de notre vol de retour prévu », a expliqué M. MacRae.

Certains clients, comme Mme Regula, effectuent simplement eux-mêmes une nouvelle réservation auprès d’une autre compagnie aérienne et espèrent récupérer le coût auprès du transporteur d’origine plus tard. Cela nécessite de remplir un formulaire sur le site internet de la compagnie aérienne et d’attendre 30 jours pour obtenir une réponse. En cas de refus, les passagers peuvent déposer une plainte auprès de l’Office des transports du Canada, un processus qui peut prendre jusqu’à deux ans en raison d’un arriéré d’environ 64 000 dossiers.

Gabor Lukacs, président du groupe de défense Droits des voyageurs (DV), estime que les compagnies aériennes ne respectent pas les exigences de modification de réservation depuis leur entrée en vigueur en 2019.

« Je pense que c’est très répandu et que c’est l’un des meilleurs exemples de compagnies aériennes sabotant ouvertement (la réglementation) en toute impunité », a-t-il affirmé.

Pour montrer l’intention du règlement, il a souligné une évaluation d’impact fédérale de 2022 indiquant « que les grands transporteurs devront replacer le passager sur le prochain vol disponible de n’importe quel transporteur, y compris les concurrents ».

L’Office des transports du Canada (OTC) doit sévir contre les contrevenants aux règles, a-t-il déclaré.

Des sanctions comme une goutte dans l’océan

Les amendes sont passées d’un total de 725 000 $ en 2022-2023 à 1,17 million jusqu’à présent au cours de cet exercice, qui se termine le 31 mars.

Mais ce chiffre représente une goutte dans l’océan des revenus que les transporteurs génèrent chaque année : Air Canada à lui seul a encaissé 6,34 milliards au cours des neuf premiers mois de 2023. Et les sanctions ont été réparties entre les compagnies aériennes étrangères et nationales, ainsi que les chemins de fer.

L’équipe d’application de la loi de l’agence suit les plaintes pour détecter un schéma de violations et cherche à imposer des amendes lorsqu’elle considère qu’un problème est « systémique », a déclaré Tom Oommen, directeur général de l’analyse et de la liaison de l’agence, dans une entrevue.

« Jusqu’à présent, nous n’avons pas encore trouvé cela », a-t-il affirmé à propos des violations de modification de réservation.

L’OTC prévoit de multiplier par 10 ses amendes maximales dans le cadre d’une refonte de la charte des droits des passagers plus tard cette année, a souligné M. Oommen.

Au cours des quatre dernières années, le régulateur a infligé un total d’amendes de 16 700 $ pour des violations liées aux modifications de réservation. Les 30 cas impliquaient WestJet et Sunwing – acheté depuis par WestJet.

Les deux transporteurs ne sont pas les seules cibles de la colère des clients. La semaine dernière, un voyagiste de Colombie-Britannique a intenté une poursuite de 28 000 $ contre Air Canada, dans le but de récupérer l’argent dépensé en taxis, hôtels et vols lorsque 31 Britanno-Colombiens se sont retrouvés bloqués à Toronto après être partis pour un séjour de deux semaines à Terre-Neuve en juin 2022.

La compagnie aérienne a proposé un nouvel itinéraire aux passagers de Wells Gray Tours trois à cinq jours après l’annulation, selon le dossier. Aucune des allégations n’a été prouvée devant les tribunaux et Air Canada n’a pas répondu à une demande de commentaires sur la poursuite.