La plateforme montréalaise de commerce pour entrepreneurs Lightspeed a perdu le quart de sa valeur boursière jeudi alors que l’action du concurrent d’Ottawa, Shopify, touchait un sommet des 52 dernières semaines à la Bourse de Toronto.

Cette chute de l’action de Lightspeed survient alors que l’entreprise semblait graduellement retrouver la confiance des investisseurs, comme en témoigne la progression de plus de 50 % du titre depuis le début de novembre avant la séance de jeudi.

Lightspeed a dévoilé jeudi des revenus en hausse de 27 % à 239,7 millions US pour les mois d’octobre, novembre et décembre, un niveau supérieur aux 236,8 millions US attendus par les analystes.

Pour le deuxième trimestre de suite, l’entreprise fondée en 2005 et inscrite en Bourse en 2019 vient de générer un bénéfice avant intérêt, impôts et amortissement (BAIIA) ajusté. Il s’est élevé à 3,6 millions US pour les trois derniers mois de 2023, ce qui est plus important que les 2,4 millions US espérés par les experts.

Le chef de la direction de Lightspeed, JP Chauvet, soutient que cet indicateur de rentabilité est la donnée la plus représentative de la performance de l’entreprise.

Prévisions

Les activités de Lightspeed ont généré une perte trimestrielle nette de 40 millions US. JP Chauvet explique qu’il est périlleux d’estimer sur quel horizon un profit net pourrait être généré, car Lightspeed utilise son bilan pour prêter de l’argent à ses marchands-clients.

C’est presque une bonne nouvelle qu’il y ait des pertes parce que le prêt est une opération extrêmement rentable. L’impact, toutefois, est que ça se traduit par un flux de trésorerie négatif au bilan qui n’est pas représentatif de nos activités.

JP Chauvet, chef de la direction de Lightspeed

Les avances de fonds sont un des deux services financiers offerts par Lightspeed à ses clients avec les terminaux de paiement.

La direction exige depuis l’an passé que les clients utilisent sa plateforme de paiement – à défaut de quoi des pénalités s’appliquent – alors que Lightspeed poursuit sa transition en ciblant les PME d’au moins 10 employés générant un volume de transactions brut supérieur à 200 000 $, avec une préférence pour celles dont il est supérieur à 500 000 $.

Le nombre d’emplacements clients ayant un volume de transactions brut supérieur à 500 000 $ par année a augmenté de 7 % sur un an au cours du plus récent trimestre alors que le nombre d’emplacements clients traitant un volume de transactions brut inférieur à 200 000 $ par année a diminué, indique l’entreprise sans offrir plus de précisions.

JP Chauvet rappelle qu’il y a 65 millions de restaurateurs et de détaillants dans le monde et que le marché ciblé par Lightspeed regroupe entre 3 et 5 millions d’entre eux. Sans préciser le nombre, il dit que Lightspeed compte actuellement environ 100 000 de ces marchands les « plus établis » dans sa clientèle.

Il juge que l’initiative de plateforme intégrée de paiement (l’entreprise offre aussi des outils de gestion des stocks, d’expédition, de marketing, etc.) fonctionne. « Les clients ont adopté Lightspeed Payments sans que le taux de roulement élevé auquel nous nous attendions ne se concrétise », affirme JP Chauvet.

Lightspeed relève par ailleurs légèrement ses prévisions de revenus pour l’exercice qui se termine le mois prochain en les situant dorénavant entre 895 et 905 millions US. La fourchette précédente était de 890 à 905 millions US.

Des résultats « mitigés », selon un analyste

Les résultats présentés jeudi par Lightspeed sont « mitigés », selon l’analyste Daniel Chan, de la TD. Le volume de transactions brut de 23,1 milliards de dollars américains traités par les clients de Lightspeed durant le trimestre n’a augmenté que de 3 % sur un an, souligne M. Chan, alors que les experts anticipaient 23,6 milliards US.

Le chef de la direction de Lightspeed convient qu’une croissance de 3 % du volume de transactions brut est « très faible ». « Le contexte macroéconomique ne nous aide pas du tout », dit JP Chauvet en entrevue. Il se dit néanmoins très heureux de la performance trimestrielle enregistrée dans un contexte économique « très difficile ».

Les commentaires formulés jeudi par la direction reflètent une certaine prudence quant aux perspectives à court terme, en raison notamment du contexte économique encore incertain et du rythme anticipé plus lent qu’en Amérique du Nord pour l’adoption des solutions de paiement à l’international.

Le problème expliquant la pression sur l’action de Lightspeed est lié aux commentaires des dirigeants entourant les perspectives du prochain exercice financier qui semblent prudents, affirme l’analyste Richard Tse, de la Financière Banque Nationale.

« La direction prévoit des investissements – un élément nouveau et inattendu – en ventes et en marketing afin d’accélérer l’ajout de nouveaux commerçants », ce qui risque selon lui d’affecter les marges bénéficiaires.

Cet expert retire sa recommandation d’achat sur le titre en précisant que la probabilité croissante de nouvelles acquisitions augmente également le profil de risque.