(New York) La chaîne de restauration rapide Wendy’s s’est défendue mercredi de songer à faire payer plus cher aux heures de pointe, une stratégie qualifiée par des experts de « très mauvaise idée » et risquée pour ce secteur.

Kirk Tanner, patron de la chaîne de fast-food depuis début février, a indiqué vouloir tester en 2025 plusieurs fonctionnalités agrémentées d’intelligence artificielle, citant en particulier la tarification dynamique, qui permet notamment d’adapter les prix en période de forte demande comme le font les services de VTC, le transport aérien ou des billetteries.

Un projet qui a suscité de vives critiques.

Mais Wendy’s a affirmé mercredi que ses propos avaient été « mal interprétés » et n’avoir « aucune intention » d’augmenter les prix aux heures de pointe.

Selon des experts, cette stratégie peut être très risquée dans la restauration.

« Lorsque les gens ont faim, ils veulent manger tout de suite. Si le prix est plus élevé parce que c’est une heure de pointe, ils ne vont pas attendre qu’il baisse. Ils vont aller chez le concurrent », commente John Zhang, professeur de marketing à l’école de commerce Wharton de l’université de Pennsylvanie.

La tarification dynamique « est une très mauvaise idée » pour ce secteur, pense-t-il.

« Les clients vont trouver que c’est injuste et déraisonnable de payer plus cher pour le même produit, ils vont être en colère et partir pour ne jamais revenir », prévient-il.

Sarah, enseignante de 24 ans, estime la stratégie « très étrange. » « Je n’ai jamais entendu parler de ça », dit-elle. « Ça peut dissuader d’acheter à manger ».

L’expérimentation de la majoration tarifaire « est intéressante, mais elle risque d’exaspérer les clients et de semer la confusion, en particulier chez les habitués », estimait Neil Saunders, directeur chez GlobalData, avant la mise au point de Wendy’s mercredi.

Cette stratégie permet « de maximiser son chiffre d’affaires et, peut-être, de stimuler la demande pendant les périodes creuses », ajoute-t-il, en incitant les consommateurs à éviter les pics tarifaires.

Mais, pour lui comme pour le professeur Zhang, la meilleure option serait plutôt d’inciter les clients à venir aux périodes plus calmes en leur offrant des réductions. Ce que Wendy’s a d’ailleurs évoqué mercredi.

Rabais en semaine

Selon le rapport 2024 de l’Association nationale de la restauration, 85 % des adultes interrogés se sont dit prêts à profiter de réductions pour dîner les jours de semaine, lorsque la fréquentation est moindre et 84 % s’alimenteraient hors des heures de pointe s’il y avait des rabais.

L’association souligne que le secteur de la restauration jongle avec la dynamique tarifaire depuis longtemps, avec des offres spéciales pour les premiers arrivés (« early birds ») ou les « happy hours ».

Désormais, grâce aux nouvelles technologies (applications mobiles, commandes sur l’internet, menus numériques, QR codes, etc.), les restaurants peuvent s’adapter en temps réel à la demande et ainsi remplir au maximum leur tiroir-caisse aux périodes les plus fréquentées. Ils peuvent ainsi embellir leurs marges rognées par l’inflation des prix des produits alimentaires.

Inciter la clientèle à éviter les heures de pointe permet également de pallier le manque de main-d’œuvre dont souffre le secteur aux États-Unis depuis la pandémie.

Pour Purvi Shah, maîtresse de conférences à l’École de commerce de l’Institut polytechnique de Worcester (WPI), l’élément crucial pour une entreprise souhaitant appliquer une hausse des prix en période de surtension consiste à déterminer « l’élasticité de la demande », c’est-à-dire l’ampleur du surcoût que le consommateur acceptera avant de se détourner de l’enseigne.

C’est une prise de « risque en comptant sur la récompense à la clef », relève Mme Shah. Car, contrairement à un spectacle, un avion ou un service de VTC dont la capacité est limitée, la concurrence est très vive dans la restauration, surtout dans les grandes villes et dans le monde du fast-food où les chaînes ne sont jamais bien loin les unes des autres.

Il faudra être « transparent sur le processus et éduquer le consommateur, sinon il va trouver que c’est injuste ou suspect », explique Mme Shah, soulignant qu’avec les réseaux sociaux, tout faux pas peut être durement et rapidement sanctionné.

C’est, selon elle, la mésaventure qu’a connue la chaîne britannique de pubs Slug and Lettuce en 2023 lorsqu’elle a voulu augmenter de vingt pennies (34 cents) le prix d’une pinte de bière aux heures de pointe.

 « Le rejet a été brutal sur X », raconte-t-elle.