La Banque Nationale soutient ne pas être engagée dans un processus ou une négociation entourant la vente de sa filiale cambodgienne, Advanced Bank of Asia (ABA), qui génère approximativement 10 % des profits annuels de l’institution financière québécoise.

« À la suite de la publication d’articles dans les médias, et même s’il n’est pas d’usage dans les pratiques de la Banque Nationale de commenter les rumeurs de marché, la Banque déclare qu’elle n’est présentement pas engagée dans un processus ou une négociation pour la vente d’ABA Bank, et qu’elle n’a pas embauché de conseiller à cet effet. »

Cette sortie publique est provoquée par une dépêche de l’agence Bloomberg affirmant que la Banque Nationale étudie différentes options, dont la vente d’ABA Bank, et que des discussions initiales ont eu lieu avec des conseillers entourant un examen stratégique.

« D’un point de vue purement stratégique, la banque devrait vendre ABA », souligne l’analyste Meny Grauman, de la Scotia, dans une note envoyée à ses clients mardi.

ABA Bank fait partie de l’héritage de l’ex-PDG Louis Vachon. À l’époque, il souhaitait reproduire le concept de « banque super régionale » de l’organisation dans d’autres régions du monde, en Afrique et au Cambodge notamment.

Si l’initiative ne s’est pas révélée concluante en Afrique, elle a très bien fonctionné au Cambodge, où ABA s’est développée.

La Banque Nationale a fait l’acquisition de ses premières actions dans ABA il y a 10 ans. Elle avait par la suite graduellement haussé sa participation. Au total, la Banque Nationale a déboursé environ 425 millions en cinq ans entre 2014 et 2019 pour devenir l’unique actionnaire d’ABA.

« Cette acquisition a certainement été une réussite financière, mais de l’aveu même de la banque, elle ne peut pas être reproduite et le moratoire sur tout nouvel investissement important dans les marchés émergents le signale clairement », commente Meny Grauman.

« Le marché n’a jamais été à l’aise avec cette exposition et encore moins aujourd’hui, compte tenu des difficultés économiques en Asie du Sud-Est », ajoute cet expert.

« Toutefois, d’un point de vue transactionnel, je ne suis pas convaincu qu’une transaction ait du sens, du moins pas maintenant. »

Un « exemple de réussite »

Le communiqué publié mardi par la Banque Nationale mentionne qu’ABA est un « exemple de réussite, affichant une croissance solide et des rendements supérieurs ».

Axée sur les services bancaires aux particuliers et aux petites entreprises, la banque de Phnom Penh, au Cambodge, a effectivement connu une croissance rapide.

Au cours des cinq dernières années, l’organisation affirme qu’ABA a plus que quadruplé ses prêts et ses dépôts. « Nous continuons d’être satisfaits de la performance », dit la Banque Nationale dans son communiqué.

L’occasion d’investir dans ABA s’était présentée en 2014 lorsque l’institution cambodgienne a procédé à des émissions d’actions pour financer sa croissance et, chaque fois, c’est la Banque Nationale qui achetait les actions.

Le Cambodge avait attiré l’œil de Louis Vachon parce qu’il renfermait un fort potentiel de croissance économique. Le taux de pénétration des produits bancaires y était relativement faible.

Même si l’économie cambodgienne continue de s’ajuster à la diminution de la demande externe et au ralentissement de la reprise du tourisme, les perspectives à long terme de ce marché sont très attrayantes, lit-on dans le rapport annuel 2023 de la Banque Nationale.

« Les fondamentaux du pays sont solides ; l’économie affiche une forte croissance, la démographie est favorable et la population reste sous-bancarisée. Ces facteurs représentent d’importantes occasions de croissance pour ABA Bank dans l’avenir. »

Évaluer un actif au Cambodge ne se fait pas de la même façon qu’évaluer un actif nord-américain pour toutes sortes de considérations. Il est donc périlleux de placer une valeur sur ABA Bank aujourd’hui. Meny Grauman soutient toutefois qu’un prix de 2,7 milliards de dollars canadiens lui apparaît raisonnable.

Une vente d’ABA Bank poserait un enjeu de remplacement des revenus et de la rentabilité pour la Banque Nationale. Les actifs d’ABA se chiffrent à plus de 15 milliards de dollars. Cette banque étrangère a généré des revenus de 726 millions en 2023 et des profits de 343 millions. La progression des profits en 2023 n’est toutefois l’équivalent que d’une hausse de 1 % par rapport à 2022.