Le Groupe Juste pour rire (JPR) a accumulé des pertes d’environ 12 millions depuis que Bell, le Groupe CH et une agence américaine en sont devenus propriétaires, il y a cinq ans. Insolvable, le géant québécois de l’humour suscite néanmoins de l’intérêt, à condition que l’on remette les compteurs de sa dette à zéro.

Les trois actionnaires de JPR ont choisi d’effectuer une acquisition par emprunt (leveraged buyout) au moment de racheter l’entreprise à son fondateur et ex-président Gilbert Rozon, en 2018, pour une somme d’environ 55 millions. Cela signifie que la transaction s’est réalisée en endettant le groupe.

« Il y a eu un bon montant de dettes [au bilan] de la compagnie au tout départ, a expliqué le chef de la direction financière du groupe, Alain Boucher, devant la Cour supérieure. Après, avec une période de pandémie, une compagnie d’évènements qui ne tient pas d’évènements, c’est dramatique. »

Les parties témoignaient, vendredi, devant le juge David R. Collier, qui a accepté que le processus se déroule maintenant en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC).

C’était la première fois qu’un haut dirigeant de Juste pour rire s’expliquait publiquement depuis que le groupe s’est protégé de ses créanciers, le 5 mars dernier.

Devant le magistrat, M. Boucher, en poste depuis 2020, a expliqué que l’endettement de JPR lui donnait une marge de manœuvre beaucoup plus étroite pour faire face à des imprévus, comme une pandémie.

Au moment de déposer son bilan, l’entreprise traînait des créances totalisant environ 49 millions. Quelque 22 millions constituent des créances garanties, et M. Rozon attend toujours de recevoir 15,6 millions – une somme qu’il risque de perdre.

Souvent dans le rouge

Responsable de la restructuration judiciaire du spécialiste de l’humour, Christian Bourque, de la firme PwC, a pour sa part révélé que les défis financiers ne dataient pas d’hier. Essentiellement, JPR est abonnée aux déficits depuis qu’elle appartient à Bell (26 %), au Groupe CH (25 %) et à Creative Artists Agency (49 %).

« Depuis 2018, cette compagnie-là a affiché des pertes quatre années sur cinq, a-t-il dit. Elle a perdu pratiquement 12 millions au cours de cette période. Ce n’est pas dans mon rapport. La seule année profitable du groupe remonte à 2022. »

Le rapport de M. Bourque soulignait notamment que l’entreprise avait présenté l’an dernier un festival Juste pour rire d’une ampleur comparable à celle des éditions d’avant la pandémie, même si elle savait que l’évènement se solderait par une perte. JPR a englouti 2 millions dans l’aventure.

En raison de la situation financière actuelle et des difficultés des dernières années au chapitre de la rentabilité, M. Bourque a expliqué au magistrat qu’un actionnaire qui injecterait de l’argent dans la structure actuelle aurait peu de chances de « revoir la couleur de son argent ».

Le niveau de rentabilité est pratiquement impossible à atteindre [avec les créances actuelles] pour que quelqu’un qui effectue une mise de fonds comme actionnaire puisse espérer revoir son argent. Il faut sortir les activités de la structure de capital actuelle, qui n’est pas viable.

Christian Bourque, de PwC, responsable de la restructuration judiciaire

Même si le processus de sollicitation d’investissement et de vente – où l’organisation pourrait être vendue en un seul morceau ou en pièces détachées – vient de se mettre en branle, M. Bourque a souligné qu’il y avait déjà eu « beaucoup d’approches par des investisseurs potentiels ».

« Beaucoup d’intervenants se sont positionnés dans les derniers jours, a-t-il dit au magistrat. Ils sont représentés par des firmes d’avocats importantes, ce qui signale qu’ils sont sérieux. Je suis assez sûr que le processus générera un certain engouement. »

Le responsable de la restructuration de JPR n’a cependant pas offert de détails sur les sommes qui pourraient être offertes par les acquéreurs potentiels.

Selon l’échéancier figurant dans le rapport de M. Bourque, le sort de JPR pourrait être scellé dans la semaine du 13 mai prochain. C’est à ce moment que les offres retenues pour le groupe ou certains de ses actifs doivent être finalisées.

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    Nombre d’employés que le Groupe Juste pour rire a licenciés en se plaçant à l’abri de ses créanciers
    Source : Juste pour rire