N'ajustez pas votre appareil: les câblodistributeurs et les fournisseurs de télévision satellite vous refileront bientôt une facture de 100 millions. À moins que ce ne soit déjà fait...

Sur sa dernière facture de Vidéotron, par exemple, Louise Foucault a remarqué l'ajout de frais qui sont présentés comme une contribution de 1,5% au Fonds d'amélioration de la programmation locale. Comme les frais de 1,17 $ couvrent une période de deux mois, c'est dire que la contribution gonflera sa facture de 7 $ pour une année entière.

«Je sais qu'il y a eu des audiences à ce sujet, mais je ne crois pas que le CRTC ait approuvé qu'une telle contribution soit refilée aux consommateurs. Est-ce que je me trompe?» demande Mme Foucault. Oui et non.Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a créé le Fonds d'amélioration en 2008 pour venir en aide aux stations de télévision traditionnelles qui diffusent à l'extérieur des métropoles, soit Radio-Canada, CBC, TVA, V, Global, CanWest et une vingtaine de stations indépendantes.

Au départ, la contribution devait s'établir à 1% des revenus des distributeurs. Mais à cause de l'impact de la récession, le CRTC l'a augmentée à 1,5%, pour un an seulement.

Le CRTC considère que les distributeurs sont capables d'absorber cette contribution «compte tenu des rendements dans le secteur» et des «avantages dont ils bénéficieront à la suite d'autres changements réglementaires».

La télédistribution est très lucrative, comme le prouve le dernier rapport sur l'industrie de la télédistribution de Statistique Canada.

En 2008, les revenus de cette industrie ont grimpé de 14% pour s'établir à plus de 10 milliards de dollars, une hausse supérieure à 10% pour la troisième année consécutive. La marge bénéficiaire a atteint 22% (avant intérêts et impôts). Les câblos sont encore plus rentables, avec une marge de 26%.

D'après le CRTC, les télédistributeurs n'ont donc aucune raison de refiler les coûts du Fonds aux consommateurs. Mais les distributeurs ne l'entendent pas ainsi. Selon eux, il s'agit d'une taxe déguisée, et ils ont l'intention de la refiler à 100% à leurs clients.

«Les clients verront une augmentation moyenne de 60 cents par mois, soit 7,20 $ par année», estime Marc Labelle, porte-parole de Vidéotron, qui compte plus de 1,7 million d'abonnés. Mais la facture sera plus élevée (jusqu'à 18 $ par an) pour les clients qui ont des forfaits plus coûteux.

De son côté, Cogeco refilera entièrement la facture à ses 865 000 abonnés à partir du 1er janvier, a confirmé la porte-parole Catherine Pleau. À Bell Télé, le 1,5% est imposé depuis le 1er septembre à l'ensemble des 1,9 million d'abonnés, a indiqué la porte-parole Claire Fiset.

Seule exception: les petits câblodistributeurs qui ont moins de 20 000 abonnés n'ont pas à contribuer au Fonds. Leurs clients n'auront donc pas de frais additionnels à payer, a expliqué Jean Mailhot, directeur général de la Fédération des coopératives de câblodistribution du Québec, qui regroupe 63 sociétés desservant 100 000 abonnés au total.

Aucun recours

Les abonnés insatisfaits de la hausse de leur facture ont peu de recours. Le CRTC, qui ne réglemente plus les tarifs de l'industrie, encourage les consommateurs à se plaindre à leur distributeur.

Et comment les distributeurs réagissent-ils aux plaintes? «Nous avons donné le contact du CRTC», répond M. Labelle. Bref, on se renvoie la balle.

«C'est honteux!» s'exclame Me Anthony Hémond, analyste en télécommunications à l'Union des consommateurs. «Les consommateurs sont pris. Le CRTC aurait dû mettre des balises et jouer son rôle d'organe de réglementation», affirme-t-il. Mais depuis plusieurs années, le CRTC suit la voie de la déréglementation.

Or, le manque de concurrence fait en sorte que les Canadiens paient très cher, indique M. Hémond. Vidéotron, par exemple, demande 15 $ et 18 $ par mois pour le service de base, à quoi s'ajoutent des frais de réseau de 3 $, des frais allant jusqu'à 85 $ pour le forfait le plus généreux (avec Super Écran) et des frais de 3 $ pour le service HD.

Au total, la facture mensuelle dépasse les 100 $, constate M. Hémond à la lecture des chiffres déposés par Vidéotron au CRTC. En France, un service équivalent coûterait la moitié de ce prix, assure-t-il. «Dans ces conditions, on s'inquiète de la non-intervention du CRTC», dit M. Hémond.

Et le feuilleton ne s'arrête pas là. Car cet automne, le CRTC a tenu des audiences pour étudier la possibilité d'imposer aux télédistributeurs des redevances à verser aux chaînes généralistes (ex.: 25 cents par chaîne, comme l'a avancé le président du CRTC).

La décision devrait tomber cet hiver. Mais déjà, les distributeurs ont promis de refiler tous les coûts supplémentaires aux consommateurs.

«On s'oppose à toute augmentation de la facture du consommateur», dit M. Hémond. Selon lui, les distributeurs pourraient redistribuer les redevances que touchent déjà les chaînes spécialisées, pour inclure les chaînes généralistes, sans modifier l'enveloppe globale.