Le désir de se lancer en affaires peut arriver à tout âge. Lorsque cette envie se manifeste après de nombreuses années sur le marché du travail, il faut toutefois prendre des décisions importantes concernant son emploi et son régime de retraite.

La situation

Danielle*, 54 ans, est employée de la fonction publique depuis environ 30 ans. Elle a un projet d’affaires et elle prévoit quitter son emploi pour le réaliser. Toutefois, elle a besoin d’un revenu annuel le temps que son entreprise puisse lui verser un salaire. Elle se demande s’il serait plus avantageux de prendre une retraite anticipée qui viendrait réduire sa rente annuelle, de démissionner et d’encaisser l’argent qu’elle a accumulé pour sa retraite pour le gérer elle-même, ou de démissionner et de laisser cet argent dans son régime de retraite pour commencer à avoir une rente à 65 ans.

« En plus de mes économies accumulées pour lancer mon entreprise, j’ai accès à plusieurs subventions et à des prêteurs privé et public pour démarrer », indique Danielle. Elle évalue que son entreprise pourra lui verser 50 000 $ en salaire en 2023 et qu’elle pourra récupérer son salaire actuel dès 2024.

Les chiffres

Salaire annuel : 110 000 $
Régime de retraite à prestations déterminées : 600 000 $ accumulés
Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) : 70 000 $, 100 % en actions
Compte d’épargne libre d’impôt (CELI) : 20 000 $
Régime enregistré d’épargne-études (REEE) : 40 000 $ pour ses deux garçons
Liquidités : 100 000 $ pour investir dans sa nouvelle entreprise
Maison à revenus : valeur marchande de 750 000 $ avec prêt hypothécaire de 320 000 $
Prêt auto : 11 000 $
Total de ses dépenses mensuelles  : 4000 $

Récolter les fruits de ses efforts

Grâce à son salaire, à ses dépenses modestes considérant qu’elle a deux fils, à son régime de retraite avantageux qu’elle accumule depuis près de 30 ans, à sa maison à revenus et à son épargne, Danielle est en bonne posture pour se lancer en affaires, évalue Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services Financiers.

Bien sûr, il est toujours possible que son entreprise prenne plus de temps avant d’être rentable. « Mais même si cela prend quelques années de plus, elle a les actifs nécessaires pour passer au travers », précise-t-il.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services Financiers

Maintenant, il reste à trouver quelle est la meilleure stratégie pour que Danielle réalise son projet.

D’emblée, il élimine la première solution évoquée, soit prendre une retraite anticipée qui viendrait réduire sa rente annuelle. « Danielle ne prend pas sa retraite, elle lance une entreprise, donc elle travaillera et prévoit avoir des revenus dès l’an prochain, souligne-t-il. Elle ne veut pas en plus recevoir des rentes de son régime de retraite. Son taux d’imposition serait beaucoup trop élevé. »

Sortir ses fonds de son régime de retraite ou pas ?

Pour trouver quelle est la stratégie la plus avantageuse pour Danielle, Simon Préfontaine a regardé les relevés annuels de son régime de retraite et il évalue qu’il lui versera environ 54 000 $ par année dès 65 ans si elle prend sa retraite maintenant. Pour avoir l’équivalent jusqu’à 96 ans – comme femme, elle a 25 % de chances de s’y rendre – en investissant les 600 000 $ sortis de son régime de retraite, il estime qu’elle devrait avoir un rendement annuel de 4,25 %.

« Avec ce rendement, elle n’aurait plus d’argent après 96 ans, donc si elle vit plus longtemps, ce serait plus avantageux de garder son régime de retraite », indique-t-il.

Par contre, si elle arrive à faire du 5 % ou du 6 % de rendement, il évalue que ce serait sûrement plus avantageux d’encaisser les 600 000 $ et de les investir elle-même ou par l’entremise de son conseiller financier.

« C’est certain qu’elle n’investirait pas tous ses avoirs en actions, mais peut-être 75 %, et elle pourrait faire mieux que 4,25 %, affirme-t-il. Par contre, il faudrait qu’elle en ait envie et qu’elle soit capable de gérer ses émotions. Que ce soit elle ou son conseiller financier qui gère ses investissements, elle pourra voir son portefeuille fluctuer selon les évènements de l’actualité, alors que ce ne serait pas le cas si elle gardait son régime de retraite. »

À noter toutefois : si sa santé est fragile, Simon Préfontaine lui recommande fortement de sortir ce montant et de l’investir ailleurs pour que ses fils puissent en bénéficier pleinement. « Si elle meurt à 67 ans, elle aurait reçu seulement une pension pendant deux ans, et la succession recevrait ensuite l’équivalent de huit ans de prestations, précise-t-il. Le reste profiterait aux autres employés. »

Comment se verser un salaire pendant le démarrage ?

Il faut ensuite penser à financer la première année du démarrage de l’entreprise. Alors que Danielle a besoin de 4000 $ par mois net, Simon Préfontaine évalue que c’est un salaire brut de 60 000 $ dont elle a besoin. Puis, pour la deuxième année, comme elle évalue pouvoir se verser 50 000 $ de salaire, elle a besoin de 10 000 $ de plus.

« Elle pourrait prendre 50 000 $ dans son REER [régime enregistré d’épargne-retraite] et 10 000 $ dans son CELI [compte d’épargne libre d’impôt] la première année, puis un autre 10 000 $ dans son CELI la deuxième année », suggère-t-il.

Une autre option serait de réhypothéquer le triplex qui a déjà accumulé 430 000 $ en avoirs. « Réhypothéquer ou prendre une marge de crédit hypothécaire pourraient être des avenues particulièrement intéressantes d’un point de vue fiscal, affirme le planificateur financier. Aussi, la marge est flexible et permettrait de s’adapter aux besoins réels de Danielle. »

Avant de pouvoir prendre une décision, elle devra toutefois regarder quelle est la date de son renouvellement, les pénalités qu’elle pourrait avoir à payer et ce qu’elle pourrait obtenir comme marge.

Si elle décide de réhypothéquer ou de demander une marge, Simon Préfontaine lui conseillerait tout de même d’aller chercher les premiers 16 000 $ de ses revenus dans son REER pour la première année.

« Comme elle n’aura pas d’autres revenus, ce montant ne serait pratiquement pas imposé, précise-t-il. Puis, elle pourrait piger dans ses CELI. Mais cette stratégie est à valider avec son comptable. »

Danielle pourra ensuite continuer à épargner si elle garde le même train de vie et qu’elle retrouve son salaire actuel dans deux ans. Puis, lorsqu’elle aura terminé de rembourser son prêt hypothécaire, les loyers viendront s’ajouter à ses revenus.

« Elle a amplement les moyens de réaliser son projet avec son coût de vie actuel, précise Simon Préfontaine. Par contre, pour se faire rassurer et accompagner dans son projet en prenant en considération tous les détails de sa situation, elle devrait consulter un planificateur financier. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, le prénom utilisé est fictif.

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