Elle est capable, avec une seule phrase plutôt qu’en quatre ou cinq choix automatisés, de s’occuper de milliers de clients chaque jour. Elle peut remplacer une carte de crédit perdue, demander un prêt personnel ou un REER, changer d’adresse ou réinitialiser un mot de passe. Et elle comprend le français québécois.

Cette petite révolution menée sans tambour ni trompette depuis décembre dernier chez Desjardins, c’est celle de l’implantation d’une nouvelle assistante virtuelle, conçue en collaboration avec Google à partir de l’analyse de 5000 heures de conversations anonymisées. Un membre Desjardins sur deux qui s’adresse au service à la clientèle par téléphone, le service AccèsD, tombe sur cette assistante virtuelle, qui n’a pas encore hérité d’un surnom. Elle dirige correctement ou effectue elle-même les quatre requêtes précisées plus haut, ce que La Presse a confirmé en la testant, mais en s’arrêtant avant l’étape finale. Pour les demandes plus complexes ou inhabituelles, pas de miracle : elle vous renvoie vers un conseiller, parfois sans plus de détails pour celles qu’elle ne comprend pas.

Le défi québécois

Chez Desjardins, on estime que cette assistante comprend 96,8 % des mots prononcés, en langage naturel québécois plutôt qu’en français de France, comme c’était avec le cas avec l’ancien système qui ne comprenait que 40 % des énoncés.

Alors qu’il fallait en moyenne 140 secondes et une navigation parfois fastidieuse entre quatre ou cinq choix numérotés, on est passé « à quelques secondes » pour les opérations les plus populaires, se réjouit Annie-Claude Jutras, directrice principale, Transformation des centres de relations clients, chez Desjardins.

« Tout a commencé par un irritant majeur que nos membres vivaient : la grande quantité d’options dans nos menus téléphoniques, explique-t-elle en entrevue. On s’est posé la question : comment pourrait-on enlever ce fardeau ? Comment on pourrait créer une assistante virtuelle qui comprendrait les demandes des membres ? »

L’accent québécois « peut être compliqué », note-t-elle, et les assistants virtuels généralement offerts sur le marché n’en comprennent pas les subtilités. C’est là que Google est entré en jeu, appliquant ses modèles d’apprentissage profond de reconnaissance vocale à 5000 heures de conversations enregistrées avec des clients volontaires, pour lesquelles on a caviardé toute information nominative. Google avait une longueur d’avance à ce chapitre, son assistant vocal ayant été, dès 2017, le premier à maîtriser le français québécois. Quatre autres partenaires et une centaine d’employés ont participé à l’opération entamée il y a 18 mois.

« Quand on a évoqué ce projet-là, les assistants virtuels n’étaient pas une nouveauté, précise Johanne Duhaime, première vice-présidente, Technologies de l’information, chez Desjardins.

Ce qui est nouveau, c’est une assistante virtuelle dont l’intelligence artificielle est basée sur le langage québécois. On est parmi les premiers.

Johanne Duhaime, première vice-présidente, Technologies de l’information

Cet outil pourra être offert par Google à d’autres entreprises québécoises, indique-t-elle.

Aucun poste aboli

Premier indice de l’utilité de l’assistante virtuelle : une nette diminution des irritants transferts d’un service à l’autre. « Le membre ne choisissait parfois pas le bon menu », note Mme Jutras. Les commentaires des membres qui tombent sur cette assistante sont « très positifs », rapporte-t-elle. « Les gens trouvent ça facile à utiliser, convivial, ajoute Mme Duhaime. Moi-même, je voulais l’essayer, et ça fonctionne à merveille. »

Mais pourquoi ne pas tout simplement revenir à la bonne vieille méthode où de vrais êtres humains prenaient les appels des clients ? La vice-présidente rappelle que les services financiers, chez Desjardins comme dans les autres institutions, ont énormément changé depuis quelques décennies. « C’est un projet pour améliorer les services à nos membres. Nous, on veut utiliser la technologie pour libérer nos gens […]. On veut utiliser nos conseillers et nos agents pour apporter une valeur ajoutée. »

Aucun des 8500 postes d’« employés de première ligne », principalement affectés au service à la clientèle, ne sera aboli, assure-t-elle. « Nos agents vont continuer d’être là, leurs tâches vont être enrichies. »

En savoir plus
  • 7,5 millions
    Nombre de membres et clients chez Desjardins
    Source : Desjardins.com