Après une perte d’emploi et une longue maladie, comment profiter de la vie tout en épargnant pour ses vieux jours ?

La situation

« Nous avons traversé plusieurs mois très difficiles, raconte au téléphone Marie-Ève*, 47 ans. Nous vivions de paye en paye. Ce n’était pas évident. »

Son conjoint Benoit*, 48 ans, a décidé de retourner aux études au début de la quarantaine. Diplôme en poche, il a obtenu le poste qu’il convoitait, mais a ensuite été licencié. Puis, la maladie a frappé pendant plusieurs mois.

Les aléas de la vie font en sorte qu’ils arrivent à l’orée de la cinquantaine avec un portefeuille dégarni : aucun compte d’épargne libre d’impôt (CELI) ni régime enregistré d’épargne études (REEE), aucun placement non enregistré et peu de régime enregistré d’épargne-retraite (REER) pour Benoit. Mais aucune dette hormis l’hypothèque.

« Heureusement, tout ça est derrière nous, poursuit avec une voix pleine d’espoir la mère de famille. Nos deux enfants de 13 et 19 ans sont aux études. Et nous avons tous les deux un nouvel emploi avec des régimes de retraite à prestations déterminées. »

Maintenant que le pire est passé, le couple sait qu’il doit maximiser ses placements pour la retraite. Il sait également que la vie peut nous réserver de mauvaises surprises.

« Nous apprécions beaucoup les croisières », ajoute Marie-Ève. L’Alaska, le Portugal et l’Espagne figurent sur sa liste.

« J’ai découvert les croisières grâce à ma sœur et j’adore ça. Nous rêvons de faire cette incroyable croisière autour du monde de 150 jours. Les coûts sont faramineux... 30 000 $ par personne. »

« Comment économiser pour la retraite tout en faisant au moins un gros au voyage tous les deux ans... ou plus si possible ? Sans perdre de vue l’épargne pour nos vieux jours ? », questionne-t-elle.

Les chiffres

Marie-Ève 

  • Âge : 47 ans
  • Âge de la retraite : 62 ans
  • Salaire : 67 000 $
  • Rente annuelle estimée de l’employeur : 16 600 $
  • RRQ estimée à 60  ans : 767 $/mois
  • RRQ estimée à 65 ans : 1251 $/mois
  • CRI : 20 000 $
  • REER : 43 500 $
  • Valeur estimée de la maison : 375 000 $
  • Hypothèque : 141 200 $
  • Coût de vie : 48 000 $
  • Coût de vie espéré à la retraite : 60 000 $

Benoit

  • Âge : 48 ans
  • Âge de la retraite : 65 ans
  • Salaire : 40 000 $
  • Héritage : 25 000 $
  • Rente annuelle estimée de l’employeur : 9360 $
  • RRQ estimée à 60 ans : 434 $/mois
  • RRQ estimée à 65 ans : 690 $/mois
  • REER : 6650 $

L’analyse

À première vue, les envies de prendre le large du couple semblent incompatibles avec les besoins de rattrapage d’épargne pour la retraite.

« C’est le cas typique d’une famille qui doit faire des choix déchirants au cours des prochaines années entre profiter de la vie à travers des voyages onéreux et épargner pour ses vieux jours », affirme Antoine Chaume, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Assante Capital ltée Équipe Major.

En traçant le portrait financier du couple, Antoine Chaume observe que l’argent disponible pour l’investissement représente seulement 23 % des actifs nets de Marie-Ève et Benoit. La plus grande partie des actifs se trouve dans leur maison.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Antoine Chaume, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Assante Capital ltée Équipe Major

« Si tu veux rester chez toi et ne pas être obligé de vendre ta maison pour soutenir ton niveau de vie à la retraite, il faut que la valeur de ta maison représente au maximum de 30 % à 40 % de tes actifs totaux, explique le planificateur financier.

« Ici, on est dans une pyramide inversée. Il y a un énorme travail à faire pour l’épargne-retraite. Et en même temps, on est à la veille de la cinquantaine et on parle de dépenser 20 000 $ tous les deux ans », soulève Antoine Chaume.

Considérant leur coût de vie de 48 000 $ après impôts et les revenus familiaux nets qui s’élèvent à 66 000 $, le couple dégage un surplus net annuel de 18 000 $.

Comment répartir ce surplus entre la tête et le cœur ?

Je ne suis pas pour les approches extrêmes qui disent est “mettez tout de côté, ne vivez pas, et un jour vous allez être indépendant et heureux”. Je suis dans le milieu. Il faut viser l’équilibre.

Antoine Chaume, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Assante Capital ltée Équipe Major

Le planificateur estime que cet équilibre se situe à 66 % d’épargne et à 33 % mode de vie. C’est cette base qu’il a prise pour élaborer le premier scénario.

L’expert a suivi les désirs du couple en visant un coût de vie à la retraite de 60 000 $, soit un montant plus élevé que le coût de vie actuel de 48 000 $, alors que d’habitude, c’est l’inverse qui est planifié.

Est-ce réaliste d’épargner 12 000 $ chaque année jusqu’à 65 ans tout en dépensant 6000 $ en croisières et penser arriver à bon port à la retraite ? Sans mettre en péril ses vieux jours ?

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cet itinéraire tient la route.

La raison ? Les régimes de retraite à prestations déterminées de leur nouvel employeur qui agissent comme une assurance voyage. Marie-Ève et Benoit savent exactement le montant indexé de la rente qui leur sera versée jusqu’à la fin de leur vie.

« Ce qui vient changer la donne pour le couple, ce sont leurs nouveaux régimes de retraite. Même s’ils sont partiels, parce qu’ils arrivent en poste au milieu de leur carrière et qu’ils ne cotiseront pas pendant 35 ans, ça leur donne un bon coup de main. Ils auront au total une somme d’environ 25 000 $ indexée à vie », indique le planificateur.

Selon les calculs, le couple pourra financer le train de vie annuel de 60 000 $ jusqu’à 96 ans sans avoir à vendre la maison. Antoine Chaume leur conseille aussi de prendre la rente du Régime de rentes du Québec à 65 ans, ce qui sera plus profitable pour eux.

Et s’ils décidaient d’allouer 6000 $ à l’épargne jusqu’à 65 ans et consacrer 12 000 $ aux voyages ? Pour financer un coût de vie de 60 000 $ par année, ils devraient vendre la maison lorsqu’ils seront octogénaires afin de couvrir le manque à gagner total de 346 580 $ jusqu’à 96 ans.

Trucs en vrac

La maladie rappelle l’importance de protéger ses actifs. « Quand tu es jeune, ton plus gros actif n’est pas ton auto ou ta maison, c’est ta capacité à pouvoir travailler pour les 25-40 prochaines années. D’avoir une assurance maladies graves peut aider à protéger tes actifs », explique le planificateur.

En étant conjoint de fait, il faut s’assurer d’avoir un testament à jour et de nommer le conjoint survivant comme bénéficiaire de la rente du nouvel employeur, rappelle Antoine Chaume.

Pour ce qui est de l’héritage de 25 000 $ que Benoit recevra sous peu, le planificateur conseille de l’utiliser pour faire des cotisations dans un REEE. Jusqu’à l’année où son plus jeune atteindra 17 ans, Benoit pourrait rattraper les cotisations inutilisées à raison de 5000 $ par année pendant cinq ans.

Les deux gouvernements ajouteront un total de 30 % de subventions, soit un cadeau de 7500 $. Le capital investi par les parents pourra être repris et réinvesti dans un REER ou dans un CELI. « Ce n’est pas incohérent avec une stratégie de rattrapage d’épargne retraite et l’argent est disponible », précise Antoine Chaume.

Compte tenu des revenus de Benoit, le planificateur lui conseille de ne pas prendre de REER, mais des CELI. Marie-Ève de son côté doit maximiser ses REER pour ensuite remplir ses CELI.

En conclusion, il n’est pas trop tard, mais ils doivent s’y mettre, conclut Antoine Chaume. Ce qui fait une grosse différence, ce sont les caisses de retraite qui vont générer 25 000 $ pour une période de 30 ans. C’est beaucoup d’argent. On parle de 750 000 $ indexés qu’ils recevront sur 30 ans.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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