Alors que le mode de vie sans enfant gagne en popularité parmi les jeunes générations, nombreux sont ceux qui s’imaginent que cela implique d’avoir beaucoup plus d’argent à dépenser, mais ce n’est pas toujours le cas.

En fait, certains experts affirment que cette clientèle n’est pas priorisée dans le monde de la planification financière et qu’elle a des besoins qui lui sont propres.

Selon Statistique Canada, la génération Z et les milléniaux poursuivent la tendance à la baisse du nombre d’enfants par femme au Canada. Environ un tiers des personnes âgées de 15 à 49 ans n’ont pas l’intention d’en avoir.

En matière de planification financière, il s’agit en fait d’un « groupe mal desservi », affirme Barbara Knoblach.

Planificatrice financière établie à Edmonton et travaillant avec Money Coaches Canada, Mme Knoblach affirme que de nombreuses firmes de planification financière aiment recruter plusieurs membres d’une même famille, toutes générations confondues, ce qui est la principale raison pour laquelle cette clientèle n’est pas considérée comme une priorité.

La planification financière traditionnelle est axée sur le concept de constitution d’un patrimoine générationnel. Cependant, cela n’a que peu d’importance pour les clients qui n’ont pas d’enfants.

Barbara Knoblach, planificatrice financière

Parmi sa clientèle sans enfant, Mme Knoblach constate que l’accent est mis sur l’épargne et l’investissement, et que la valeur nette moyenne est plus élevée.

Pour une personne seule, l’assurance invalidité est importante pour se protéger d’une maladie prolongée ou d’une blessure grave et d’une longue absence du travail qui s’ensuivrait, car elle ne peut pas compter sur son conjoint ou ses enfants adultes pour s’occuper d’elle ou la soutenir, souligne-t-elle.

Cette importance accrue accordée à l’assurance invalidité se traduit toutefois par une diminution de l’importance accordée à l’assurance vie.

« Inversement, les personnes qui n’ont pas d’enfants n’ont généralement pas besoin de beaucoup d’assurance vie, ajoute Mme Knoblach, car elles n’ont pas de personnes à charge. »

La retraite

De même, à la retraite, les personnes sans enfant ont besoin d’un plus grand coussin financier sur lequel s’appuyer – elles doivent financer leurs propres soins au fur et à mesure qu’elles vieillissent, explique-t-elle, puisqu’il n’est pas possible d’emménager avec un enfant.

Elles doivent également désigner un mandataire ou un liquidateur de succession, un détail particulièrement important en l’absence de conjoint et si d’autres membres de la famille vivent loin.

Toutefois, les personnes sans enfant disposent d’une plus grande souplesse dans leurs objectifs financiers et leurs plans de retraite, car elles n’ont pas à assumer les dépenses liées à l’éducation des enfants, explique Ian Black, conseiller financier indépendant chez Macdonald Shymko & Company, à Vancouver.

Qu’il s’agisse d’une augmentation de l’épargne ou de la consommation, [le fait de ne pas avoir d’enfants] permet une plus grande souplesse, à condition de tenir compte de l’objectif de retraite. Certains veulent prendre leur retraite à 52 ans. D’autres n’arrivent pas à imaginer ce qu’ils feraient une fois à la retraite.

Ian Black, conseiller financier indépendant chez Macdonald Shymko & Company

Pour ce qui est de laisser un héritage, M. Black constate que les clients qui n’ont pas d’enfants font souvent don de leur patrimoine à des œuvres caritatives après leur décès et laissent parfois un peu d’argent à d’autres membres de la famille, tels que les nièces et les neveux.

Les familles modernes et les transferts de richesse en leur sein ne sont plus tout à fait « linéaires », affirme Julie Petrera, stratège principale des besoins des clients au Canada chez Edward Jones.

Au lieu d’un arbre généalogique, les cabinets de planification financière voient plutôt un « cercle de famille ».

« La définition de la famille continue d’évoluer », explique Mme Petrera.

Autres coûts

Les couples qui n’ont pas d’enfants peuvent tout de même assumer des coûts associés aux enfants, souligne Mme Petrera – certaines personnes ne sont pas sans enfant par choix.

« Ils peuvent en fait dépenser beaucoup d’argent pour essayer d’avoir des enfants, dit-elle. Du point de vue de la planification financière, nous ne pouvons donc pas supposer que tous les couples sans enfant n’ont pas de dépenses liées aux enfants ou à la recherche d’un enfant. C’est donc une chose que nous les aiderons à budgétiser et à planifier. »

Les personnes et les couples sans enfant peuvent également faire face à des attentes différentes au sein de leur famille élargie. On peut attendre d’eux qu’ils s’occupent de leurs parents vieillissants, plus que leurs frères et sœurs qui ont leurs propres enfants.

Mme Knoblach raconte qu’elle a vu des clients sans enfant dont on attendait qu’ils règlent la facture pour des parents âgés – et elle leur dit de communiquer clairement avec leurs frères et sœurs.

S’il est vrai que les clients qui n’ont pas d’enfants n’ont pas de frais pour les élever, ils devront faire face à d’autres dépenses, notamment pour leurs propres soins plus tard dans la vie.

Barbara Knoblach, planificatrice financière

« Il n’est pas acquis qu’une personne sans enfant sera mieux lotie qu’une personne ayant élevé des enfants. Les personnes sans enfant doivent épargner de manière disproportionnée pour éviter le risque d’épuiser leur argent. »

Si le fait de ne pas avoir d’enfants tout au long de sa vie permet d’économiser sur les coûts élevés liés à l’éducation des enfants – Statistique Canada estime à 366 000 $ le coût de l’éducation d’un enfant jusqu’à l’âge de 17 ans –, il n’en demeure pas moins qu’il faut faire preuve de prudence et d’expertise dans la planification à long terme.

« Comme de plus en plus de gens décident de ne pas avoir d’enfants, dit Mme Knoblach, j’espère que les planificateurs financiers seront mieux équipés pour répondre aux besoins et aux défis uniques de ce groupe de clients. »