Les conseillers financiers d’institutions bancaires auraient d’importantes lacunes en matière de fonds d’investissement responsable, au point de nuire aux épargnants qui cherchent des produits financiers alignés avec leurs valeurs sociales et environnementales.

C’est du moins ce que constate le magazine Protégez-Vous au terme d’une analyse des services-conseils en fonds d’investissement de type ESG (environnement-société-gouvernance) qui sont offerts dans les succursales des sept plus importantes institutions de services bancaires et financiers aux particuliers au Québec.

« Depuis l’aggravation de la crise climatique, les institutions financières proposent de plus en plus de fonds d’investissement responsable, communément appelés fonds ESG. Or, leurs conseillers [en succursale] connaissent mal ce type de placement et sont rarement capables de répondre aux questions des clients. Certains ont même donné des explications trompeuses », indique Protégez-Vous dans la présentation de son reportage d’analyse qui sera publié dans son numéro de février, et que La Presse a pu consulter d’avance.

« Clients mystères »

Lors de la préparation de son reportage, Protégez-Vous a mandaté deux « clients mystères » qui ont chacun rencontré un conseiller financier en succursale chez les six grandes banques (Nationale, Royale/RBC, TD, CIBC, Scotia et de Montréal/BMO) ainsi qu’au Mouvement Desjardins.

Ces 14 conseillers portaient divers titres réglementés, comme « représentant en épargne collective » et « planificateur financier ».

Après leurs rencontres, les clients mystères de Protégez-Vous ont transmis les réponses qu’ils ont reçues et la documentation qui leur a été remise pour analyse par des spécialistes en finance durable consultés par le magazine.

Or, il ressort de leur analyse que « la formation des conseillers financiers [en matière de fonds ESG] comporte d’importantes lacunes ».

Selon le magazine, lors de leurs visites en succursale, les clients mystères auraient entendu « des déclarations pour le moins surprenantes ».

« Par exemple, un conseiller financier a demandé ce que voulait dire ESG. D’autres ont laissé entendre que le rendement de ce type de fonds était moins intéressant que celui des fonds traditionnels, ce qui est un mythe », selon les spécialistes en finance durable consultés par Protégez-Vous.

En conséquence, constatent les auteurs du reportage d’analyse, « les personnes qui devraient être les mieux placées pour accompagner [les épargnants] dans leurs investissements sont peut-être compétentes en matière financière, mais elles ne maîtrisent pas ou peu les facteurs ESG des portefeuilles d’investissement qu’elles proposent ».

De l’avis de Marie-Ève Bergeron, chargée de projets au magazine Protégez-Vous, « le problème, c’est que le Canada n’a ni norme ni label reconnu en la matière [de fonds ESG], contrairement à l’Europe.

« Il est donc important de ne pas investir les yeux fermés, car tous les fonds ESG n’ont pas les mêmes approches ni les mêmes critères pour sélectionner les entreprises qui font partie de leur portefeuille. À vrai dire, c’est un peu un terme fourre-tout. Par exemple, un fonds peut exclure le pétrole ou le tabac, mais ne pas tenir compte des droits des travailleurs. »

Dans ce contexte, avise Frédéric Perron, rédacteur en chef de Protégez-Vous, « investir dans des placements plus responsables nécessite de faire certaines démarches au préalable, comme de s’interroger sur ses valeurs et ses objectifs de placement ».