L’individu indivisaire non solidaire a fait une apparition récente dans la courte histoire de la copropriété québécoise.

Avant 1994, le Code civil du Québec n’autorisait pas les copropriétaires d’une copropriété indivise – c’est-à-dire entièrement détenue en commun sans lots distincts – à contracter indépendamment des prêts hypothécaires sur leur part de la propriété.

« C’était nécessairement des hypothèques communes, formule la notaire Geneviève Barbe. On créait des droits dans une convention pour que chaque propriétaire ait l’usage de son propre appartement, mais il y avait une solidarité sur le plan des hypothèques. »

La solidarité a normalement un caractère positif, mais elle signifie ici que les copropriétaires indivis sont responsables vis-à-vis du créancier si l’un d’entre eux fait défaut de verser sa part du paiement hypothécaire.

La modification du Code civil en 1994 a introduit la possibilité que chaque indivisaire puisse hypothéquer indépendamment son unité, sur la base de sa quote-part de la propriété.

« Le nouveau Code civil a permis de limiter la solidarité entre indivisaires à leur quote-part, explique Stéphane Daigneault, représentant hypothécaire au Mouvement Desjardins. Ce que ça veut dire, c’est que les indivisaires ne peuvent pas être tenus responsables du paiement hypothécaire des autres indivisaires. »

L’avantage qu’on a avec des hypothèques séparées, c’est que si un des indivisaires voulait libérer son appartement pour le vendre, il pourrait le faire sans faire intervenir les autres indivisaires, parce que notre créance est posée sur la quote-part qui est détenue.

Stéphane Daigneault, représentant hypothécaire au Mouvement Desjardins

Tous chez le même prêteur

« Dans tous les cas, les indivisaires doivent se financer au même endroit, énonce Geneviève Barbe. Il y a seulement deux institutions financières qui le permettent, soit la Banque Nationale et Desjardins. »

Une convention devant notaire

Le créancier, que ce soit la Banque Nationale ou Desjardins, exige une convention d’indivision signée devant un notaire « qui est normalement accrédité par l’institution financière pour assurer que la convention suive ses normes et ses règles », indique Geneviève Barbe.

« On n’impose pas un notaire, précise Stéphane Daigneault. La plupart des caisses du Grand Montréal donnent un choix de plus d’une vingtaine de notaires. Ça ne veut pas dire qu’un autre notaire ne serait pas acceptable, mais on aimerait voir la convention avant de la publier au Registre foncier. »

Mise de fonds minimale de 20 %

La copropriété indivise entrecroisée à responsabilité limitée est une créance qui n’est pas assurable par les assureurs hypothécaires.

« Que vous parliez de la SCHL, de Sagen ou de Canada Garanty, il n’y a pas de produit associé à ce type de financement », indique Stéphane Daigneault.

L’indivisaire doit par conséquent verser une mise de fonds minimale de 20 %, « ou plus selon le profil de l’emprunteur ».

Le problème des locataires

Comme l’ont constaté les trois amis qui ont consulté MBarbe dans l’espoir d’acquérir un triplex en copropriété indivise, la principale difficulté consiste à dénicher la propriété adéquate.

« Il faut qu’ils trouvent une propriété qui est vide, soulève la notaire. L’indivision et la location ne font pas bon ménage parce que le locataire a le droit au maintien dans les lieux. Je ne peux pas évincer un locataire pour reprendre le logement pour moi-même si je suis propriétaire avec quelqu’un qui n’est pas mon conjoint. »

Si le duplex ou le triplex ciblé est occupé, les acquéreurs devront s’assurer que le locataire a déjà formulé son intention de quitter le logement, ou acceptera de le faire. « Mais il n’y a pas de garantie, donc c’est la gestion du risque », souligne MBarbe.

Même un généreux dédommagement ne garantit pas leur départ.

« J’ai vu des offres de plus de 30 000 $, 40 000 $, 50 000 $ à certains locataires, qui les ont refusées », relate Stéphane Daigneault.

Car ils doivent ensuite se reloger.

« Ce sont souvent des gens qui ont des appartements à prix modique et ils savent que leur loyer peut doubler, voire tripler. Les 30 000 $ ou 40 000 $ vont s’épuiser rapidement. »

Quote-part locative non financée

La difficulté à reprendre possession d’un logement locatif en cas de mauvaise créance explique pourquoi les deux institutions financières qui accordent des prêts de copropriété indivise refusent de financer une quote-part locative.

Notre but n’est pas de gérer un locataire. C’est pourquoi on demande au notaire qu’il n’y ait pas de location possible dans la convention, à moins que ce soit permis par le créancier. Et dans les rares cas où c’est permis, il n’y aura aucun financement sur la quote-part qui est louée.

Stéphane Daigneault, représentant hypothécaire au Mouvement Desjardins

Impôts fonciers

La copropriété indivise procure tout de même certains avantages collatéraux. Les impôts fonciers sont calculés par la municipalité sur l’ensemble de la propriété et acquittés par chaque indivisaire en proportion de sa quote-part.

Comme le fait valoir Stéphane Daigneault, « ça vous fait des taxes au moins 40 % moins élevées que si vous aviez la même unité, le même lot et la même superficie en copropriété divise ».