Les hausses de taux d’intérêt et l’inflation se reflètent dans le marché immobilier, où l’on observe un « changement de ton » chez les acheteurs et les vendeurs, observe Royal LePage, qui a les yeux rivés sur les prochains mois afin d’avoir une idée des tendances.

Dans le Grand Montréal, l’agence immobilière continue de s’attendre à ce que les prix des maisons s’apprécient de 12,5 % en 2022. Son Étude sur le prix des maisons prévoit une progression beaucoup moins prononcée pendant la deuxième moitié d’année.

Ce portrait de Royal LePage est diffusé ce mercredi, au moment où la Banque du Canada pourrait annoncer, selon certains observateurs, une hausse de trois quarts de point de pourcentage de son taux directeur. Celui-ci atteindrait 2,25 %.

Il y a un ralentissement dans le marché en raison des taux d’intérêt et en plus, l’inflation change la donne à cause de ses répercussions sur le coût de la vie. Chez l’acheteur typique, il y a peut-être une légère érosion de confiance.

Marc Lefrançois, courtier immobilier agréé à Montréal

L’étude présente chaque trimestre des renseignements sur les habitations résidentielles à l’échelle du Canada et dans les 62 plus grands marchés immobiliers au pays. Les données comprennent à la fois celles des propriétés du marché de la revente et celles des nouvelles constructions.

Signe des changements qui s’observent, l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ) a rapporté, mardi, une diminution de 14 % des transactions à l’échelle de la province entre avril et juin, tandis que les nouvelles inscriptions ont fléchi de 9 %. Dans la grande région de Montréal, les ventes ont reculé de 13 %, tandis que les inscriptions ont affiché une progression de 1 % — une première depuis 2015.

Avec la levée des restrictions sanitaires, un « facteur saisonnier » qui n’a pas été observé depuis deux ans est de retour, souligne M. Lefrançois.

« Cette année, les gens ont décidé de voyager et sont partis, dit-il. Cela aussi participe au changement de ton et au ralentissement. Quand tout le monde sera revenu, on pourra vraiment prendre le pouls du marché. »

Un effet de la loi 96 ?

Royal LePage a par ailleurs tempéré un passage de son portrait qui considérait la loi sur le français (projet de loi 96) comme un « signal d’alarme » pour le marché de l’ouest de Montréal. Ce constat a été jugé « prématuré » par l’APCIQ.

Selon l’agence immobilière, le renforcement de la Charte de la langue française « contribue » à la « mutation actuelle du marché montréalais ». Elle en vient à ce constat en se basant sur l’expérience du courtier Sean Broady à Beaconsfield, dans l’Ouest-de-l’Île. Celui-ci dit avoir mis deux propriétés en vente au cours des « dernières semaines » parce que le climat linguistique a incité ses clients à plier bagage.

Interrogé au cours d’un entretien téléphonique, M. Broady dit ne pas vouloir « paraître trop alarmiste » en ajoutant qu’il s’agissait de situations plutôt « anecdotiques ».

Est-ce que [la loi 96] va provoquer une énorme offre dans l’Ouest-de-l’Île et que tout le monde va partir ? Non. Mais ce sont des choses que j’entends. Pour les anglophones, et en particulier les immigrants dont le français serait la troisième langue, nous voyons que c’est une préoccupation.

Sean Broady, courtier à Beaconsfield

M. Broady explique que dans un des cas, un couple a mis sa maison en vente puisque sa fille avait quitté le nid familial. Le climat linguistique a incité le couple à se départir plus rapidement de sa propriété, prétend le courtier. Certains se disent préoccupés par les règles entourant l’usage de la langue de Molière en milieu de travail ainsi que pour obtenir des services, comme dans le secteur de la santé, rapporte M. Broady.

Invité à commenter ce passage de l’étude, M. Lefrançois a dit « ne pas voir la même chose » dans des quartiers comme Ahuntsic et Villeray, où il est très présent. Le courtier estime qu’il était pertinent de « noter » ce qui a été observé par son collègue, en ajoutant qu’il s’agissait d’une situation « très sectorielle ».

Charles Brant, directeur du service de l’analyse du marché à l’APCIQ, estime qu’il est « un peu tôt pour tirer des conclusions » similaires à celles de Royal LePage dans son étude. Les inscriptions ont augmenté dans l’ensemble de la région de Montréal au deuxième trimestre, pas seulement dans l’Ouest-de-l’Île, souligne M. Brant. La chose est attribuable à la « situation financière des ménages », pas aux politiques en vigueur, ajoute-t-il.

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  • 1,5 %
    Le taux directeur de la Banque du Canada. Il pourrait changer ce mercredi avec une décision attendue de la banque centrale.
    source : La presse