Un jeudi sur deux, La Presse propose un retour sur ce qui retient l’attention dans le domaine de l’immobilier résidentiel et commercial

Pour maintenir les soins aux personnes en perte d’autonomie dans les résidences privées pour aînés (RPA), le gouvernement gagnerait à accorder un crédit d’impôt remboursable sur les salaires versés au personnel soignant, à l’image de ce qui se fait dans l’industrie du jeu vidéo.

Cette recommandation émane d’une récente étude commandée par le Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA).

La mesure fiscale consisterait à accorder un crédit d’impôt de 37,5 % sur le salaire versé aux préposés aux bénéficiaires, aux infirmières auxiliaires et aux infirmières en titre. Toutefois, les cuisiniers et les préposés à l’entretien ménager travaillant en RPA n’y seraient pas admissibles.

La firme Aviseo s’inspire des précédents créés par le crédit d’impôt remboursable pour la production de titres multimédias et le crédit d’impôt remboursable pour soutenir la presse d’information écrite.

Le crédit viendrait remplacer les ajustements salariaux et la prime horaire de 4 $ aux bénéficiaires, dont le versement a été prolongé jusqu’au 1er janvier 2024 avant de décroître progressivement.

Le coût de la mesure fiscale est estimé par Aviseo à 343 millions annuellement, soit environ 100 millions de plus que le montant des primes et ajustements actuels si ces derniers couvraient la totalité du personnel soignant des RPA.

Fermetures en série

Dans un sondage récent, seulement 10 % des RPA affirment que leurs unités de soins sont profitables, « une situation qui ne favorise pas les investissements, ce qui pourrait mener à une rupture dans le continuum d’hébergement », écrit Aviseo.

Sans surprise, le nombre d’unités de soins dans les RPA toujours en exploitation a diminué de 5 % en un an, passant de 8701 à 8232, a calculé le RQRA.

Ce résultat ne tient évidemment pas compte des unités de soins dans les RPA qui ont fermé leurs portes en cours d’année.

Du 1er avril 2022 au 31 mars 2023, 121 RPA ont fermé au Québec, selon le ministère de la Santé et des Services sociaux.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

Marc Fortin, PDG du Regroupement québécois des résidences pour aînés

Tout le monde est inquiet. L’inflation fait mal, les taux d’intérêt font mal et les relations avec les CIUSSS et les CISSS sont tendues. Il s’est ajouté beaucoup de réglementation depuis trois ans. C’est devenu lourd. Les propriétaires de RPA, les indépendants surtout et ceux de petite et de moyenne taille, se font faire la vie dure.

Marc Fortin, président-directeur général du Regroupement québécois des résidences pour aînés

À terme, c’est la pérennité du réseau des résidences privées qui est en jeu, soutient le RQRA.

Du 1er avril à la mi-septembre 2023, dans l’ensemble du Québec, il y a eu 27 fermetures de RPA pour un total de 963 places. Certes, de nouvelles ouvrent, mais au net, le Québec a perdu 400 places en cinq mois.

« D’ailleurs, si on regarde les nouveaux projets de résidence privée pour aînés, il n’y a presque aucune résidence privée pour une catégorie 4 [unité de soins pour clientèle non autonome], ce n’est que des catégories 2 [clientèle autonome] », dit l’auteur du rapport, Mathieu Paquet, économiste et directeur principal chez Aviseo.

Les investissements se sont taris

Aviseo a pu scruter les états financiers de 46 résidences privées. De 2016 à 2021, le taux de rendement sur l’actif des résidences s’est érodé chaque année, passant de 14,1 % à 2,9 % au cours de la période. Cette mesure de rentabilité ne tient pas compte du paiement des intérêts hypothécaires.

Résultat : les investissements privés dans l’hébergement aux aînés se sont taris. Ils sont passés de 2,2 milliards par an, avant 2019, à 300 millions, au moment où la population des 75 ans et plus s’accroît de 4 % par an au Québec.

L’hébergement qui n’est pas offert par le privé est inévitablement pris en charge par l’État, souligne le RQRA. Pour Québec, l’enjeu financier est considérable.

Une augmentation de 4 % des personnes en établissement public entraîne des dépenses additionnelles de 3,3 milliards au gouvernement provincial, dont 60 % en frais d’exploitation et intérêts récurrents, rapporte une autre étude d’Aviseo produite en décembre 2022.

« Simple à administrer, un crédit d’impôt permettrait le recrutement et la rétention du personnel soignant au sein des RPA, freinerait l’abandon des unités de soins et stimulerait l’investissement privé dans le réseau », avance Marc Fortin.

« Selon le sondage mené par le RQRA auprès de ses membres, lit-on dans le rapport, plus des deux tiers des répondants ont affirmé que le crédit d’impôt leur permettrait d’investir dans la rénovation ou l’amélioration de leur RPA. »