Le courtier immobilier vedette de l’émission Numéros 1 à CASA Mathieu Arseneault, dont les vidéos virales ont attiré l’attention en dehors des réseaux sociaux, ne verra pas son permis suspendu, a tranché le comité de discipline de l’OACIQ vendredi. Une décision reçue avec soulagement par le courtier, qui craignait de perdre son droit de travailler juste avant Noël.

Au troisième jour des audiences dans les bureaux de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) à Brossard, le comité de discipline a entendu les plaidoiries des deux parties et a rendu sa décision dans l’heure.

« Même si le comité venait à la conclusion que les vidéos de l’intimé sont dérogatoires, ce qui n’a pas à être décidé à cette étape, rien dans la preuve ne démontre que le public est en péril en raison du comportement de l’intimé », a lu le président du comité de discipline, Daniel Fabien.

L’enquête de la syndique adjointe de l’OACIQ Julie Gagnon concluait que Mathieu Arseneault utilise les réseaux sociaux d’une manière qui déconsidère l’honneur, la dignité, l’image et l’intégrité des courtiers, que cette utilisation met actuellement en péril la protection du public et qu’elle entache le lien de confiance entre les courtiers immobiliers et les consommateurs.

La syndique adjointe demandait la suspension provisoire du permis d’exercice du courtier en attendant les conclusions des audiences disciplinaires qui auront lieu en 2024.

Selon la jurisprudence du Tribunal des professions, le mécanisme de la radiation provisoire a toujours été considéré comme une mesure draconienne et exceptionnelle, a expliqué le président du comité de discipline devant les deux parties ainsi que les médias et courtiers qui assistaient à l’audience.

Seul l’impératif de protection immédiate du public peut justifier d’exclure un professionnel de la pratique alors qu’il n’a pas encore été condamné pour les infractions qui lui sont reprochées.

Daniel Fabien, président du comité de discipline de l’OACIQ

« À notre avis, l’équation que fait la syndique adjointe entre les infractions et la nécessité d’une protection immédiate du public est trop simple », a déclaré Daniel Fabien. De l’avis du comité, il n’y a aucun fait concret qui établit qu’il y a un risque pour la protection du public si Mathieu Arseneault continue à exercer la profession de courtier, a précisé le président.

Publicité de mauvais goût : pas une faute disciplinaire

Si la syndique adjointe considère que les vidéos présentées en preuve sont de mauvais goût et dérogatoires à l’honneur et à la dignité de la profession, c’est un jugement de valeur qui n’est pas soutenu par la preuve, selon le comité.

À ce sujet, le président a rappelé que le Tribunal des professions avait déjà décidé qu’une publicité de mauvais goût ne constituait pas une faute disciplinaire.

La syndique adjointe a aussi reconnu qu’elle ne disposait d’aucune preuve objective établissant que Mathieu Arseneault est mal intentionné dans les vidéos où, affirme-t-elle, il fait de l’autopromotion et que ses propos n’étaient ni disgracieux ni insultants.

« La justice disciplinaire a certes pour but de protéger le public, mais elle doit également traiter équitablement ceux dont le gagne-pain est placé entre ses mains », a lu le président en rappelant une décision de la Cour d’appel du Québec.

Le comité a rendu sa décision verbalement et pourra la remanier par la suite.

L’OACIQ déçu

La porte-parole de l’OACIQ, MCaroline Champagne, vice-présidente à l’encadrement, s’est dite déçue de la décision du comité de discipline. Déçue aussi du fait que le président n’a pas permis à l’avocate de l’OACIQ, MIsabelle Martel, d’amender la plainte pour y ajouter un deuxième chef d’accusation vendredi matin.

Le syndic a reçu une plainte au sujet de menaces et d’intimidation de la part de M. Arsenault en lien avec des commentaires négatifs publiés à son sujet et avec l’audience disciplinaire, explique MCaroline Champagne. « Ce sera au comité de discipline de trancher, mais si c’est avéré, c’est grave », affirme-t-elle en entrevue.

Est-ce qu’il y a eu des manquements dans l’enquête du syndic ? a demandé La Presse. « Absolument pas, a insisté MChampagne. L’OACIQ comme régulateur a eu beaucoup de courage, parce qu’il n’y a pas de précédent en matière de ce qui peut se faire par des professionnels sur les réseaux sociaux. Le syndic de l’OACIQ dit : “Ça suffit, on doit tracer une ligne entre ce qui est éthique et ce qui ne l’est pas.” »

Est-ce qu’un juge, un avocat ou un comptable pourrait agir de la sorte ? demande-t-elle.

Le comité de discipline est une entité totalement indépendante de l’OACIQ, créée en vertu de la Loi sur le courtage immobilier, a tenu à rappeler l’OACIQ.