La population canadienne a crû d’1 million de personnes en 2022, la plus forte hausse annuelle en valeur absolue de l’histoire du pays. La croissance démographique s’annonce vigoureuse pour les années à venir. Quels titres boursiers vont en profiter ?

« La croissance de la population ne se traduira pas par un bond soudain de 20 % de la valeur de vos actions. Vous ne vous rendrez pas compte de l’impact, mais à la longue, nous pensons qu’un grand nombre d’entreprises canadiennes qui font le gros de leurs affaires au pays vont sans aucun doute en bénéficier », dit Barry Schwartz, chef des investissements chez Baskin Wealth Management de Toronto, dans un entretien.

Sébastien McMahon, stratège chez Industrielle Alliance, souligne que ces jours-ci, les actions canadiennes, à 13 fois les profits, se vendent moins cher que les actions américaines, à plus de 18 fois les profits.

Il s’attend à ce que des secteurs comme les entreprises de télécommunications, les épiciers et les banques voient leur base de clientèle grossir année après année.

« Le marché du sans-fil continue de se développer au Canada et le principal facteur de cette expansion est l’immigration », corrobore Caroline Audet, gestionnaire principale, relations avec les médias, chez BCE. Celle-ci offre des cartes SIM gratuites aux nouveaux arrivants sur certains vols internationaux entrants d’Air Canada.

« Les telcos, c’est une industrie mature et consolidée, souligne M. McMahon. Il va se donner des contrats de cellulaire en masse et les gens ont besoin d’avoir ces services. Ces entreprises sont efficaces et ont une bonne profitabilité. Quand il y a du volume qui entre, ce sont des entreprises qui peuvent donner de bons rendements aux actionnaires. »

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Avec une démographie forte, les épiciers vont livrer de la croissance aux investisseurs, croit Sébastien McMahon, stratège chez Industrielle Alliance.

« Avec une démographie forte, ajoute-t-il pour ce qui est des épiciers, ces entreprises vont être capables de tirer leur épingle du jeu, même si elles se vendent près de leur sommet actuellement. Ce sont des entreprises qui vont livrer de la croissance aux investisseurs. »

Évidemment, il est difficile de déterminer quelle entreprise au juste sera la grande gagnante dans un secteur donné.

Au sujet des supermarchés, M. Schwartz exprime des réserves sur Loblaws qui a plus tendance à fermer des magasins qu’à en ouvrir de nouveau, au contraire de Walmart et de Costco qui lui grugent des parts de marché.

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La Banque Nationale est concentrée au Québec ce qui l’isole du marché torontois qui attire le plus fort contingent de nouveaux arrivants.

Dans le domaine bancaire, la Banque Nationale est concentrée au Québec, ce qui l’isole du marché torontois qui attire le plus fort contingent de nouveaux arrivants. TD, de son côté, est davantage exposée à la réalité bancaire des États-Unis, moins réglementée et plus fragile qu’au Canada.

L’un des gagnants sera assurément le groupe TMX. Il s’agit d’un investissement qui mise exclusivement sur la croissance des investissements et la création de richesse au Canada. Vous savez, lorsque les gens viennent travailler ici, ils obtiennent un emploi et ont des revenus. Ils finiront inévitablement par investir.

Barry Schwartz, chef des investissements chez Baskin Wealth Management de Toronto

Un secteur qui fait l’unanimité chez nos deux experts est l’immobilier résidentiel.

« Les fiducies de placement immobilier spécialisées dans les appartements devraient être l’un des principaux bénéficiaires de cette tendance de fond », croit M. Schwartz. On pense ici à Minto Apartment REIT, CAPREIT et Boardwalk, ces deux derniers présents au Québec. « Dans la plupart des villes canadiennes, il n’y a déjà pratiquement plus de disponibilité. Les loyers augmentent avec le roulement des locataires », dit M. Schwartz.

Dans l’immédiat, les FPI (fonds de placement immobilier) font face à des taux d’intérêt plus élevés, ce qui exerce une pression à la baisse sur le prix des parts. Dans le cas de Minto, son prix est passé de 24,55 $ en juillet 2021 à 14,83 $ ces jours-ci.

M. McMahon a un faible pour les entreprises forestières.

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« Avec la poussée démographique qu’on connaît, il va falloir construire beaucoup de logements », explique Sébastien McMahon, stratège chez Industrielle Alliance.

Avec la poussée démographique qu’on connaît, il va falloir construire beaucoup de logements. Ça va prendre des matériaux, comme du bois d’œuvre. Aux prix actuels, c’est un bon moment pour s’y installer.

Sébastien McMahon, stratège chez Industrielle Alliance

En tant que stratège, M. McMahon ne fait pas de recommandations de titres. Aux fins de la discussion, West Fraser, Canfor, Interfor sont des forestières cotées au TSX, par exemple. Ces titres se vendent actuellement près de leur plancher des 52 dernières semaines, le marché craignant une récession en 2023.

« Il me paraît évident que la démographie va agir comme un vent de dos qui va durer des années, dit M. Schwartz. J’ai le sentiment que la marée montante va soulever beaucoup de bateaux : le secteur bancaire, les propriétaires immobiliers, les transporteurs comme les chemins de fer. »

M. Schwartz croit aussi que des détaillants grand public comme Dollarama et Canadian Tire et des restaurants sans service comme Restaurants Brands International (propriétaire entre autres de Tim Hortons et de Burger King) vont sortir du lot. Dans le cas des brasseurs industriels, comme Molson Coors, il est loin d’en être aussi certain.

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Selon Barry Schwartz, chef des investissements chez Baskin Wealth Management de Toronto, des détaillants grand public et des restaurants sans service comme Tim Hortons vont sortir du lot.

« Les gens aiment s’en tenir au goût qu’ils connaissent. Si Tim Hortons marche si bien, c’est parce que le café est omniprésent, qu’il est bon marché et qu’il semble plaire à beaucoup de gens pour son côté pratique. La consommation de bière est, vous le savez, en chute libre, en raison des nombreux produits concurrents et du cannabis. Molson Coors doit se concentrer sur la réduction des coûts et réfléchir aux moyens d’accroître ses bénéfices. Mais la croissance des ventes sera difficile à obtenir pour les grands brasseurs. »

Le patron canadien du brasseur a une tout autre lecture. « Parmi les nouveaux Canadiens, il y en a beaucoup qui consomment moins ou pas d’alcool, il faut qu’on positionne notre portefeuille en conséquence. Le surinvestissement sur Heineken 0,0, ça bénéficie à la marque internationale Heineken, mais ça va permettre au segment des bières sans alcool de se développer plus rapidement », a indiqué Frederic Landtmeters, en marge d’un évènement tenu le 2 juin.