Après 11 hausses de taux successives en 17 mois, les taux d’intérêt ont fait sentir leur présence sur le portefeuille de la Caisse de dépôt au premier semestre 2023.

Ce qu’il faut savoir

  • Rendement semestriel de 4,2, %, en ligne avec son indice de référence.
  • L’actif net a atteint un niveau record de 424 milliards au 30 juin 2023.
  • La montée des taux d’intérêt a fait baisser la valeur des immeubles et des placements privés.
  • En revanche, le portefeuille de revenu fixe (représentant 30 % de l’actif net de la Caisse) livre un rendement à l’échéance de 6,5 %.

Dans certains cas, l’influence est positive, notamment sur le rendement courant des titres à revenu fixe, comme des obligations. L’impact est cependant négatif sur la valeur des actifs en immobilier et des placements privés.

La Caisse obtient un rendement de 4,2 % pendant la période. Les titres de revenu fixe ont fait 3,9 %, tandis que l’immobilier a obtenu un rendement négatif de 1,5 %. Les placements privés enregistrent un léger gain de 1,4 % au cours de la période, loin des 7,2, % réalisés par l’indice de référence.

L’actif net de la Caisse a atteint 424 milliards le 30 juin, un record.

À titre comparatif, l’indice de référence de la Caisse a fait 4,1 %. La caisse de retraite des enseignants de l’Ontario (TEACHERS) a obtenu 1,9 % et les régimes de retraite canadiens répertoriés par RBC Services aux investisseurs ont inscrit un rendement de 4,8 % au cours des six premiers mois de l’année.

Des rendements courants alléchants

Des taux d’intérêt plus élevés se traduisent par des obligations qui livrent des rendements courants alléchants. « Aujourd’hui, dans notre portefeuille de revenu fixe, le rendement à échéance est de 6,5 %, indique Vincent Delisle, premier vice-président et chef des Marchés liquides. Le rendement courant de notre portefeuille Crédit [une sous-catégorie du portefeuille de revenu fixe] est à 7,5 %. »

On se retrouve aujourd’hui avec des espérances de rendement très attrayant dans les 5 à 10 prochaines années pour la catégorie d’actif revenu fixe égal ou supérieur aux attentes des investisseurs de long terme.

Vincent Delisle, premier vice-président et chef des Marchés liquides

Le portefeuille de revenu fixe est évalué à 130 milliards sur un actif total de 424 milliards.

Arrêtons-nous à la performance du portefeuille d’immeubles.

Quand les taux d’intérêt augmentent, la valeur des immeubles baisse, toutes choses étant égales par ailleurs. La règle a été transgressée l’an dernier quand le portefeuille immobilier avait réalisé un rendement spectaculaire de 12,4 % en dépit du resserrement monétaire. Mais la réalité a rattrapé la filiale Ivanhoé Cambridge cette année.

« Les taux d’intérêt ont pris 500 points de base en un peu moins d’un an. C’est historique comme augmentation des taux. Évidemment, ce n’est pas favorable à l’immobilier, que ce soit sur les valeurs ou sur la disponibilité de la dette », a expliqué la présidente et cheffe de la direction d’Ivanhoé Cambridge, Nathalie Palladitcheff, en conférence de presse.

Questionnée à deux reprises sur l’ampleur de la perte de valeur des immeubles, Mme Palladitcheff n’a pas répondu directement à la question.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Charles Emond (à droite), PDG de la Caisse de dépôt, en compagnie de Nathalie Palladitcheff, présidente et cheffe de la direction d’Ivanhoé Cambridge, et Vincent Delisle, premier vice-président et chef des Marchés liquides

Ivanhoé a effectué un virage dans la composition de son portefeuille dernièrement. Elle a vendu des centres commerciaux et des bureaux et elle a acquis des entrepôts et des logements locatifs, au point où ces deux derniers secteurs, industriel et résidentiel, représentent maintenant 56 % du portefeuille et se comportent mieux que le secteur en général. Ce pivot explique pourquoi Ivanhoé bat son indice de référence au premier semestre malgré son rendement négatif.

« Le deuxième semestre va être marqué par une conjoncture assez défavorable. Il va falloir se rouler les manches pour y faire face dans les mois à venir », a-t-elle néanmoins prévenu.

Retour à la normale aux placements privés

Une fois n’est pas coutume, les placements privés ont plombé le rendement total de la Caisse. « [Le] rendement a été teinté par la hausse des taux, a dit le grand patron Charles Emond durant la présentation des résultats. Ce n’est pas un ralentissement surprenant », a-t-il ajouté en faisant référence à la surperformance passée du portefeuille au cours de trois derniers exercices financiers. Le rendement annuel moyen avait atteint 20 % durant cette période.

Selon ses dires, les profits avant intérêt des entreprises en portefeuille continuent de croître, mais la hausse des coûts de financement atténue la performance de certaines d’entre elles.

M. Emond n’en a pas parlé, mais une hausse des taux influe également à la baisse sur la valeur des placements privés puisque l’évaluation de ceux-ci est fonction de la valeur actuelle des flux de trésorerie futurs, laquelle dépend du niveau des taux obligataires de long terme.

En 2022, le portefeuille de placements privés de la Caisse avait surperformé son indice de référence de 280 points. On assiste à un renversement au premier semestre 2023, puisque les gestionnaires de la Caisse concèdent 580 points à leur indice de référence.

Pour ce qui est des actions sur les marchés boursiers, le portefeuille enregistre un rendement de 10,6 % en six mois, en ligne avec le marché à 10,7 %. L’institution note que « la performance du portefeuille témoigne ainsi d’un rendement comparable, mais plus diversifié que celui des marchés », lequel est concentré dans 7 titres comme Apple, Tesla, Microsoft, etc.

Comment se compare la performance de la Caisse ?

Au premier semestre 2023

  • Caisse de dépôt : 4,2 %
  • S&P/TSX : 5,7 %
  • S&P 500 : 14,2 %
  • NASDAQ : 29,2 %

D’autres nouvelles en bref

REM : mise à jour des coûts

Une mise à jour du coût de construction du Réseau express métropolitain (REM) aura lieu au cours de la première quinzaine de septembre, a promis Charles Emond. Il s’est dit fier du réseau qui a transporté 25 000 passagers par jour lors des trois premières semaines d’activité avec un taux de fiabilité de 99 % sur un total de 350 heures d’exploitation. Il a souligné que la concrétisation de projets semblables met jusqu’à 12 ans à l’étranger. La Caisse a réussi à mettre en service la première antenne en cinq ans et trois mois.

Un coussin d’argent qui retarde la récession

L’effet des hausses de taux d’intérêt à répétition commence à se faire sentir, affirme M. Emond. « Ça prend du temps. Il y a un coussin important qui est venu amortir l’impact. Il y a eu énormément d’argent qui avait été injecté lors de la pandémie. On voit aux États-Unis, 2 billions [2000 milliards] de subventions avec l’Inflation Reduction Act. Mais l’amortisseur commence à s’amincir. »

« Pas un dollar des Québécois ne sert à l’effort de guerre »

Le patron de la Caisse a été invité à commenter les gestes de son partenaire DP World, qui a conclu en juin un partenariat avec une entreprise russe pour développer la route maritime du Nord. L’Ukraine estime que cette initiative facilitera le transport de biens vers la Russie en contournant les sanctions internationales, a écrit Le Journal de Montréal mercredi matin. « La Caisse n’est pas investie dans DP World, a tenu à préciser M. Emond. On n’est pas actionnaire. On est partenaire avec eux dans des ports [aucun de ces ports n’est touché par l’annonce]. On leur a exprimé concrètement notre désaccord sur cet élément-là. Pas un dollar des Québécois ne sert à financer via DP World les efforts de guerre de la Russie en Ukraine. »

Azure ne tourne pas rond

Le producteur d’énergies renouvelables indien Azure Power Global a vu son auditeur démissionner à la mi-juillet. Elle est toujours incapable de faire le point sur ses finances, et la Bourse de New York lui montre la porte. « La direction d’Azure se concentre sur l’essentiel : publier dans les meilleurs délais ses résultats financiers vérifiés. Sur 425 milliards investis dans 5000 entreprises, il y a toujours une couple de dossiers moins faciles. Celui-là en est un », a reconnu Charles Emond. Les 600 millions que la Caisse y a injectés ne valent plus qu’une fraction.