(Londres) La demande d’or s’est ternie en 2023, entre taux d’intérêt élevés et prix record, mais pourrait bénéficier cette année des tensions géopolitiques qui maintiennent l’attrait pour cette valeur refuge.

La demande mondiale a reculé de 5 % l’an dernier, à 4448,4 tonnes, lestée par un quatrième trimestre plus faible (-12 % en glissement annuel), d’après le rapport trimestriel du Conseil mondial de l’or (CMO) publié mercredi.

Des sorties d’ETF, ces titres financiers cotés indexés sur le cours du métal jaune, ainsi qu’une légère baisse de la demande de lingots et pièces ont fait chuter le total de l’investissement en or de 15 % en 2023, à 945,1 tonnes, au plus bas depuis 10 ans, selon le rapport du CMO.  

« Les investisseurs ont réagi à l’environnement de politique monétaire », avec « la hausse des taux d’intérêt » de la Réserve fédérale américaine (Fed) et « les conséquences que cela a eu sur les rendements obligataires », a expliqué à l’AFP Louise Street, analyste du CMO.

Baisses de taux attendues

À partir de mars 2022, la banque centrale américaine a procédé à onze hausses de taux, le principal taux directeur de la Fed se situant depuis juillet 2023 dans une fourchette de 5,25 à 5,50 %, un sommet depuis janvier 2001.

Or, les hausses de taux de la Fed ont tendance à soutenir le dollar et les rendements des taux obligataires américains, considérés comme des valeurs refuges concurrentes de l’or.

Fin 2023, la tendance s’est inversée, et les attentes chez les investisseurs de baisses à venir des taux d’intérêts américains pèsent sur le billet vert comme sur les rendements des obligations d’État.

L’or a quant à lui été poussé jusqu’à son record historique en décembre 2023, atteignant 2135,39 dollars l’once, sur fond de tensions géopolitiques qui se sont accrues depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas.

La question de la baisse des taux est d’ailleurs au cœur de la première réunion de politique monétaire de la Fed de 2024, se terminant mercredi, après des chiffres récents meilleurs qu’attendu sur l’inflation et la croissance américaine.

Le cours actuel de l’or reste compris dans la fourchette de « 2000 et 2050 dollars (l’once), partagé entre la perspective de plusieurs baisses de taux cette année et la réduction de ces attentes au cours des dernières semaines », souligne dans une note Craig Erlam, analyste chez Oanda.

Les bijoux « très résilients »

La consommation annuelle de bijoux est restée quasi stable en 2023 par rapport à l’année précédente, à 2092,6 tonnes. Un signe de « résilience » compte tenu du fort prix de l’or, a souligné Mme Street.

Selon elle, les achats de bijoux ont repris en Chine, après les années de pandémie de COVID-19 qui ont plombé les achats, en l’absence de mariages et célébrations où ils sont traditionnellement offerts.  

Sans ces prix si élevés, « nous aurions probablement constaté une augmentation encore plus forte », a estimé l’analyste.

Les banques centrales ont quant à elles acheté 1037,4 tonnes d’or en 2023, 4 % de moins qu’en 2022, qui avait été marquée par une demande des institutions monétaires au sommet depuis 55 ans.

Récession contre géopolitique

L’or a été particulièrement prisé par les banques centrales au cours des deux dernières années, le métal précieux offrant une forme de « protection contre l’inflation » et servant de « valeur refuge » en temps de crise, a relevé Mme Street.

Enfin, sur l’année 2023, l’utilisation de l’or dans le secteur technologique a fléchi de 4 %, à 297,8 tonnes, car la demande d’électronique a souffert.

En 2024, la perspective d’un atterrissage en douceur de l’économie américaine devrait soutenir l’or avec des taux d’intérêt légèrement plus bas, selon le rapport.  

Les risques de récession mondiale ainsi que la baisse de l’inflation pourraient cependant plomber la demande d’or, qui perdrait un peu de son rôle de protection contre la hausse des prix.  

À l’inverse, le risque géopolitique élevé devrait soutenir le métal précieux, note le CMO dans ses perspectives pour cette année.