(New York) Les sociétés cotées à Wall Street vont être obligées de communiquer des données sur leurs émissions de gaz à effet de serre ainsi que sur leur exposition aux risques climatiques, en vertu d’un nouveau règlement adopté mercredi par le régulateur américain des marchés financiers, la SEC.

Quelques heures seulement après l’adoption du texte, les procureurs de neuf États, tous républicains, ont annoncé saisir la justice fédérale pour le faire invalider, accusant la SEC d’outrepasser ses prérogatives.

En vertu de ce règlement, les entreprises devront faire figurer dans leur rapport annuel des données sur les émissions résultant de leurs activités directes (dite « scope 1 ») ainsi que de la consommation d’énergie (« scope 2 »).

La SEC a, en revanche, renoncé à imposer la publication d’informations sur les émissions dite de « scope 3 », c’est-à-dire celles des fournisseurs de l’entreprise et des consommateurs des biens ou services qu’elle produit (en amont et en aval).

Ce dernier volet figurait dans la proposition initiale, soumise à commentaires en mars 2022.

Selon le texte dont l’application sera étalée à partir de l’année fiscale 2025, les sociétés cotées à New York devront aussi faire état des risques liés au climat et de leurs effets, avérés ou potentiels, sur leur stratégie, leur modèle économique et leurs prévisions.

Autres informations nécessaires : les coûts entraînés par des évènements climatiques, ainsi que les dépenses liées à d’éventuels achats de crédits carbone, ce qui revient à investir dans des projets réduisant les conséquences des émissions de gaz à effet de serre.

Beaucoup de sociétés communiquent déjà sur leur impact climatique et leurs actions pour le compenser ou le réduire.

Ben Jealous, président du Sierra Club, influente organisation américaine de protection de l’environnement, a salué « une avancée positive », mais estimé que le nouveau règlement était « nettement en deçà de ce qui serait nécessaire ».

« Les émissions de “scope 3” [qui ne figurent pas dans le règlement] représentent la grande majorité des émissions de la plupart des sociétés », a-t-il souligné sur X. Le Sierra club a indiqué envisager de saisir la justice pour revenir à la version initiale du texte.

Trois des cinq commissaires de la SEC ont voté en faveur de l’adoption de ce règlement à l’issue d’une séance publique.

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Le sceau du régulateur américain des marchés financiers, la SEC

Parmi les opposants, la commissaire Hester Peirce a souligné que, selon les estimations, ces mesures allaient augmenter de 21 % en moyenne les coûts inhérents d’une société cotée.

Des milliers de petites sociétés seront exemptées de ces obligations, une autre évolution par rapport à la première version du texte.

Elle a aussi relevé que les données relatives au climat au sein d’une entreprise restaient « imprécises » et ne pouvaient pas être comparées à des données financières et comptables classiques.

Mais pour Gary Gensler, « ce règlement offre aux investisseurs une information cohérente, matière à comparaison et utile à la prise de décision », a indiqué le président, cité dans un communiqué.

« Attaque directe »

Les procureurs de neuf États ont annoncé saisir une cour d’appel fédérale pour faire annuler cette nouvelle directive, que le procureur de Virginie-Occidentale Patrick Morrisey a qualifiée de « manœuvre insidieuse pour fragiliser le secteur de l’énergie » aux États-Unis.

« La SEC n’a rien à voir avec le changement climatique ou l’énergie », a martelé le magistrat lors d’une conférence de presse. « C’est une nouvelle tentative pour appliquer un programme sans prérogatives statutaires. »

Le sujet des critères environnementaux et sociaux (ESG) est devenu un cheval de bataille pour une partie des républicains.

Ils estiment que la prise en compte du changement climatique dans des décisions d’investissement va à l’encontre des intérêts à long terme des clients.

Plusieurs États républicains ont adopté des textes leur permettant de se passer des services de sociétés utilisant des critères environnementaux dans leurs décisions d’investissement.

Sous la pression, plusieurs sociétés ont réduit la voilure dans leur communication publique autour du sujet.

« Aux États-Unis, nous sommes attachés au libre fonctionnement du marché », a déclaré Patrick Morrisey, « et j’ai toujours considéré les normes ESG comme une attaque directe contre l’économie de marché ».

Le procureur de Virginie-Occidentale a dénoncé la volonté de la SEC de contraindre les entreprises à communiquer sur le changement climatique alors que « les gens qui travaillent [sur ce sujet] ne parviennent pas à s’entendre » sur un constat.

Une étude de l’université Cornell, publiée en 2021, a montré que 99,9 % des recherches publiées avaient conclu que le changement climatique était principalement le fait de l’humanité.