Pendant longtemps j’ai cru fermement que je n’étais pas une vraie femme d’affaires puisque parler d’argent, d’économie, de finance, de technologie, de la récession, de croissance et de plusieurs autres grands sujets typiquement traités dans cette section des affaires ne m’interpelle que très peu. Et pour être bien honnête, ça faisait mon affaire de penser ainsi puisque j’ai aussi longtemps eu un certain malaise avec le fait de me présenter comme étant une entrepreneure.

Je préférais dire de moi-même que j’étais une artiste qui rêvait d’indépendance. Ma manière d’humaniser mon attrait pour les affaires commerciales était de me justifier en précisant que si je voulais être profitable et générer des revenus, c’était pour financer des réalisations saines et créatives. Mais tôt ou tard, je n’ai pas eu le choix de me poser la question : pourquoi est-ce que j’ai autant l’impression que c’est mal de vouloir gagner de l’argent et d’être dans les affaires ?

En 2013, l’image stéréotypée de l’homme à cravate, fort et rationnel qui atteint les sommets en écrasant quelques personnes et principes au passage était encore très présente dans l’imaginaire collectif. Cette image cultivait assurément ma propre certitude que les ambitions humaines et les ambitions matérielles ne pouvaient pas coexister.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Marilou Bourdon et son père Jean

Au fil des années, j’ai fini par comprendre que bien que ce soit un défi de taille, il est tout à fait possible d’arrimer créativité, sensibilité, intuition, valeurs spirituelles et morales avec projets commerciaux. Et que c’est lorsque j’ai le sentiment d’y arriver que je suis capable d’assumer le fait que je suis une femme d’affaires et même d’être fière de le dire.

J’aurais aimé qu’on m’explique à mes débuts qu’il est essentiel de statuer pour nous-mêmes quelle est notre définition du succès parce qu’il en existe plusieurs et que celles des autres viendront souvent nous happer.

Pour ma part, le succès, je l’expérimente lorsque je sens qu’aucune sphère de ma vie n’excelle au détriment d’une autre. Est-ce que j’y arrive toujours ? Pas du tout. Mais mes aspirations et cette grande quête d’équilibre sont ma plus grande protection dans ce monde où business is malheureusement trop souvent business. Elles me forcent à développer ma discipline, mon acuité, ma persévérance et mon humilité, ce qui fait certainement de moi une femme qui évolue.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Marilou Bourdon en compagnie de quelques employées

Au cours des dernières années, je me suis souvent fait demander par des hommes ce qu’allait devenir mon entreprise lorsque je ne serai plus jeune, belle ou la saveur du jour. Si j’ai pu me sentir parfois déstabilisée par la question, je me sens désormais plutôt concernée.

D’abord, je suis pleinement consciente que je réponds à plusieurs stéréotypes de la société et que mon image m’aura certainement servie dans mon parcours.

Cela étant dit, je ne crois pas que ces critères puissent soutenir à eux seuls la pérennité d’une entreprise.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Marilou Bourdon

Les préjugés persistent envers les femmes d’affaires et je considère qu’il est injuste que le mérite qui devrait naturellement nous revenir soit remis en question à cause de futilités comme notre âge ou notre apparence.

Alors maintenant, quand on me pose cette question, je réponds que lorsque la jeunesse m’aura quittée et que je ne serai plus la saveur du jour, il me restera toujours l’essentiel ; mon intelligence, mon expérience, mon intuition, mes valeurs et ma créativité.

Consultez l'ensemble des textes de notre section spéciale « Marilou Bourdon, directrice invitée »