(Washington) Des centaines de salariés du Washington Post sont en grève jeudi pour se faire entendre auprès de la direction du prestigieux quotidien américain, après un an et demi de difficiles négociations sur un accord d’entreprise.

Scandant « on veut des salaires décents », brandissant des pancartes « montrez-nous les dollars », des dizaines de personnes, salariés et sympathisants, ont tenu un piquet de grève devant le siège du journal, dans le centre-ville de la capitale américaine.

Le syndicat Washington Post Guild appelle le public à ne pas lire le journal ce jeudi et dénonce le manque de volonté de la direction de « négocier de bonne foi » et alors que celle-ci fait planer le spectre de nouveaux licenciements.

L’arrêt de travail de 24 heures intervient après 18 mois de discussions sur un nouvel accord portant notamment sur des revendications salariales et le télétravail.

« Nous ne demandons pas la charité », a expliqué sur place à l’AFP Katie Mettler, journaliste et l’une des responsables du syndicat. « Nous ne pouvons pas redevenir rentables si nos salariés partent, parce que cette institution n’augmente pas nos salaires pour faire face à l’inflation », a-t-elle regretté.

Selon le syndicat, qui représente un millier de salariés, environ 750 d’entre eux participent jeudi au mouvement de grève, à la fois dans les fonctions rédactionnelles et de support.

La direction du quotidien détenu par le milliardaire et fondateur d’Amazon Jeff Bezos « a — de manière répétée et illégale — interrompu les négociations sur des sujets clés, dont les salaires, le soutien à la santé mentale des employés, et des départs volontaires », estime le syndicat.

« Excès d’optimisme »

En octobre, quelques mois après la suppression de son magazine dominical, le « WaPo » avait annoncé des coupes dans les effectifs avec des plans de départs volontaires pour 240 personnes, sur un effectif total de 2500 employés.

Selon la patronne par intérim du journal, Patty Stonesifer, les directions précédentes avaient fait preuve d’« excès d’optimisme » sur la situation et le futur de l’entreprise.

Le but du journal « demeure le même que celui qu’il était au début des négociations : trouver un accord avec le syndicat qui correspond à la fois aux besoins des salariés et des affaires », a déclaré la direction dans un communiqué.

Les médias traditionnels américains connaissent des difficultés depuis plusieurs mois, dans un contexte de forte baisse du lectorat au profit des plateformes des réseaux sociaux.

La radio publique NPR avait notamment annoncé en mars réduire ses effectifs de 10 % et la suppression de quatre podcasts.

Et des mouvements de grève ont eu lieu au sein du New York Times et du plus grand réseau de journaux du pays, Gannett, qui publie notamment USA Today et plus d’une centaine de journaux locaux.

Le secteur des médias aux États-Unis a vu plus de 17 500 suppressions d’emploi rien qu’au premier semestre 2023, selon un rapport de Challenger, Gray and Christmas, une entreprise de conseil en ressources humaines.

Et sur les deux dernières décennies, plus de 2500 journaux ont fermé leurs portes dans le pays.