Combien d'appareils utilisés pour la première fois en 1910 sont toujours employés 106 ans plus tard, en particulier dans un milieu aussi avancé qu'un hôpital? Il y en a au moins un, le débitmètre à billes, et Oxy'Nov, de Québec, a décidé que son temps était venu.

Le docteur François Lellouche est arrivé à Québec en 2005, quelques années avant son collègue et compatriote français Erwan L'Her. Ensemble, ils se sont concentrés sur la recherche, en particulier dans la respiration automatisée, explique M. Lellouche.

«J'ai vu qu'il y avait vraiment une pertinence dans l'automatisation de l'oxygénation. D'abord parce que c'est utilisé régulièrement sur des millions de patients, mais aussi parce que l'oxygène, contrairement à ce que certaines personnes peuvent penser, ce n'est pas anodin, ça peut être toxique.»

Depuis plus de 100 ans, donc, les patients dont on supplémente la respiration avec un apport en oxygène reçoivent un débit continu du précieux gaz, peu importe l'évolution de leur situation. Une infirmière vient généralement ajuster ce débit à intervalles réguliers, mais entre ces interventions, beaucoup de choses peuvent se produire.

Les deux cofondateurs se sont associés au début de 2009 avec le département de génie électrique et informatique de l'Université Laval pour un projet de cinq mois au cours duquel des étudiants sont venus leur prêter main-forte dans la conception d'une preuve de concept.

Celle-ci a été présentée à des pneumologues de l'Université, qui se sont montrés intéressés, au point d'investir dans la mise sur pied de l'entreprise.

Mesure en temps réel

Le FreeO2 inventé par Oxy'Nov mesure en temps réel l'oxygénation du patient et ajuste le débit en conséquence.

«Ça nous paraissait simple à réaliser, mais finalement, c'était plus compliqué», explique le Dr Lellouche. Sans entrer dans les détails, il fallait trouver une façon pour que le contrôleur du débit d'oxygène s'adapte à la réaction de chaque patient, qui ne vient pas au même rythme. Si le contrôleur s'ajuste trop rapidement, le taux d'oxygénation du patient oscille sans cesse plutôt que de se stabiliser.

Pourquoi vouloir remplacer une technologie qui semble fonctionner sans problème depuis plus de 100 ans? Parce qu'il y en a, des problèmes, justement.

«On craint toujours plus de manquer d'oxygène que de trop en avoir, alors les infirmières ont tendance à toujours ajuster le débit un petit peu plus fort que nécessaire. Sauf que cela peut allonger la durée du traitement.»

«Toutes les études montrent que l'oxygénation n'est pas adéquate présentement, mais c'est certain que l'acceptabilité de notre technologie est un défi. L'oxygène n'est pas bien livré, mais les gens se sont habitués à ces équipements. Cela dit, nous avons bon espoir de pouvoir établir un nouveau standard.»

Commercialisation imminente

Le FreeO2 devrait être vendu à compter de l'été prochain, d'abord en Europe plutôt qu'au Québec.

«D'abord, parce que c'est un beaucoup plus gros marché, équivalant aux États-Unis, explique le président d'Oxy'Nov, Jean-Luc Balzer. Ensuite, parce que c'est moins difficile du point de vue réglementaire. En France, on peut déposer un dossier et obtenir une certification en un mois. Aux États-Unis, que l'on veut attaquer en deuxième à compter de 2017, ou au Canada, il faut compter 18 mois.»

Oxy'Nov a un argument financier important à faire valoir aux hôpitaux avec lesquels elle prend contact.

«Ça permet de réduire les temps de séjour à l'hôpital de façon significative. Jusqu'à 30%. Ça, c'est très vendeur.»

La charge de travail du personnel est aussi allégée, puisqu'il n'est plus nécessaire de faire les rondes d'ajustement des débits des patients. Les économies réalisées dans les quantités de gaz employées, elles, existent aussi, mais ne sont pas significatives.

Finalement, le corps médical obtient un suivi constant des données d'oxygénation et de fréquence respiratoire, qui peuvent être consultées en temps réel ou analysées plus tard, plutôt que des relevés ponctuels réalisés par les infirmières lors de leurs rondes.

«Notre premier marché est celui des hôpitaux. Ensuite, il y aura celui des suivis à domicile et des ambulances», annonce M. Balzer.

L'entreprise vient de conclure une ronde de financement auprès d'investisseurs individuels pour l'aider dans sa commercialisation. Elle travaille déjà à une deuxième, auprès cette fois de fonds de capital de risque, qu'elle espère terminer à l'automne.

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QUI: Les cofondateurs François Lellouche et Erwan L'Her, le président Jean-Luc Balzer et trois employés

L'IDÉE: Un régulateur automatisé de l'oxygénation des patients

L'AMBITION: Révolutionner l'oxygénothérapie et l'assistance respiratoire

ILS Y CROIENT ET Y ONT INVESTI DE L'ARGENT: Une trentaine de personnes, dont de nombreux médecins