Une petite distillerie de Montréal récupère de la bière pour en faire des spiritueux

Qui ?

La Distillerie 1769 fait de la vodka, du whisky, du gin et d’autres spiritueux. En 2020, elle s’est installée dans un quartier industriel de l’arrondissement de LaSalle, dans une ancienne petite usine de Seagram. Il s’agit d’une entreprise familiale : la présidente, Maureen David, travaille avec son mari, Andrew Mikus, et leurs deux jeunes fils (majeurs !) qui viennent d’intégrer l’entreprise. Ce sont d’ailleurs eux qui ont incité leurs parents à pousser plus loin le processus de fabrication et, surtout, à amorcer une réflexion autour de l’économie circulaire.

Comment fabriquer de l’alcool d’une manière plus efficace, en ce qui concerne les coûts de production, mais aussi l’utilisation de matières premières et d’énergie ?

L’innovation

Les distillateurs québécois, nombreux, sont condamnés à innover s’ils veulent se distinguer pour se tailler une place sur le marché et sur les tablettes de la SAQ.

Les saveurs de gins se multiplient, mais de plus en plus de maisons adoptent aussi des pratiques plus durables, qu’elles mettent de l’avant puisque cela parlera assurément à une clientèle sensible qui hésite entre deux gins québécois.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Lorsqu’elle présente ses produits aux employés de la SAQ, Maureen David explique bien le processus de « surcyclage » en espérant que cela puisse être déterminant dans la décision de certains clients, devant les tablettes de gins québécois – nombreux. À ses côtés, son mari, Andrew Mikus, cofondateur et maître distillateur de 1769.

« Quand on s’est établis ici, à LaSalle, explique Maureen David, dans les locaux de 1769, on a pris la décision de changer la façon dont on fait notre base de grains. »

Et pourquoi ?

« Parce qu’on voulait aller vers un chemin qui mène à plus de durabilité. »

Nos fils sont d’une génération qui a une plus grande conscience de la valeur de l’environnement et ils voulaient que l’on fasse les choses différemment.

Maureen David, présidente de la Distillerie 1769

Selon Andrew Mikus, cofondateur et maître distillateur de 1769, la production ordinaire laisse de grandes quantités de résidus de céréales. Même en concluant des ententes avec des agriculteurs pour qu’ils en récupèrent un peu, une partie finissait à la poubelle. « On recyclait à peu près tout le reste, mais pas le grain usagé », dit-il.

Est donc venue cette idée de récupérer les « déchets » d’un autre. Dans ce cas-ci, de la bière qui était destinée aux égouts.

Première question : qui jette de la bière aux égouts ?

Les brasseries le font et beaucoup plus qu’on le pense. Déjà, dans la production ordinaire, une partie de la bière qui se trouve en fond de cuve est jetée parce qu’elle contient des sédiments. Ensuite, personne n’est à l’abri d’une mauvaise recette. Dans ce cas, on peut difficilement récupérer la bière.

« La bière n’est pas mauvaise, explique Andrew Mikus, mais elle ne satisfait pas aux critères de qualité. »

Comme la boisson est alcoolisée, l’entreprise qui la produit doit payer la Ville pour s’en débarrasser en la jetant aux égouts.

Lorsque la Distillerie 1769 a offert à des brasseurs de récupérer les lots condamnés, tout le monde y trouvait son compte.

La distillerie réduit ses coûts en matières premières et sa facture d’électricité.

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« C’est un marché difficile, dit Maureen David. Quand on a sorti notre Madison Park, c’était le troisième gin québécois sur les tablettes de la SAQ. Aujourd’hui, on compte près de 200 gins à la SAQ, dont une grande part de distilleries québécoises. »

Comment faire ?

La distillerie a fait un investissement majeur en se procurant un alambic continu, une magnifique machine conçue en Colombie-Britannique. La pièce est aussi impressionnante que sa valeur : autour d’un demi-million de dollars. Comme son nom l’indique, plutôt que de fonctionner par lots, l’alambic distille de manière continue en éliminant l’eau de la bière, par ébullition. Ça augmente l’efficacité et la distillerie arrive donc à récupérer autour de 50 000 litres de bière par mois. Avec un taux d’alcool de 5 %, cela devient autour de 4000 litres d’alcool de grain neutre à 95,5 %, explique Andrew Mikus.

Cet alcool neutre – puisqu’il ne reste que l’éthanol – est ensuite utilisé pour faire les autres spiritueux.

L’avenir

La distillerie voudrait bien que cette façon de faire, cette philosophie de production soit mieux connue des consommateurs. Car l’achat de gin (et d’un gin québécois, de surcroît !) est moins fréquent que ne l’est la bouteille de vin qu’on va chercher à la SAQ le vendredi soir.

Et lorsque l’on choisit une bouteille de spiritueux à 50 $, ce n’est pas pour faire des cocktails, précise Andrew Mikus. C’est pour la déguster.

Consultez le site de la Distillerie 1769