Aux yeux du public, rien ne transparaît, car ils obéissent aux mêmes protocoles et sauvent des vies de la même façon. Pourtant, 37 % du territoire québécois est couvert par 1600 ambulanciers paramédicaux membres d’une coopérative de travailleurs. Explications.

« Il y a huit coopératives de ce genre chez nous, dont sept sont membres de la Fédération des coopératives des paramédics du Québec. On les retrouve surtout dans les zones fortement urbanisées comme Sherbrooke et la Capitale-Nationale. Cela représente en tout 200 000 transports et une couverture pour 3 millions de Québécois », souligne J. Benoit Caron, directeur général de la fédération.

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La Coopérative de travailleurs d’ambulance de l’Estrie (CTAE) comptera sous peu 227 membres.

Un virage il y a 30 ans

Les coops de paramédicaux ont commencé à voir le jour durant les années 1990. À un moment où on était loin du plein emploi actuel. De plus en plus d’entreprises privées voulaient se départir de leurs effectifs. « Les gens voulaient s’assurer de garder leur emploi. Ils se sont regroupés, ils se sont pris en main. Il y avait vraiment un désir d’implication et de responsabilisation », raconte J. Benoit Caron.

Ce désir ne s’est pas encore tari, car devenir membre d’une coop exige une implication, que ce soit lors des assemblées générales ou au sein de comités. Une obligation qui ne semble pas rebuter ces professionnels, puisque ces organisations n’ont aucune difficulté à recruter. « Il y a plusieurs effets bénéfiques, car en tant que propriétaire et utilisateur des équipements, il y a une sensibilité à investir dans l’innovation. Il y a une volonté de faire évoluer la profession et cela transparaît sur le long terme puisque les employés sont fidèles à leur organisation », soutient M. Caron.

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Marie-Claude Boulanger, directrice générale, et Kevin Archambault, chef de division, communications, santé et
bien-être, de la Coopérative de travailleurs d’ambulance de l’Estrie (CTAE)

Être employé et patron à la fois

La Coopérative de travailleurs d’ambulance de l’Estrie (CTAE) comptera sous peu 227 membres. Pour y adhérer, tous doivent y investir 10 000 $ par prélèvement sur le salaire, somme qu’ils ne récupèrent qu’au moment de quitter l’organisation. « Les employés ne perdent pas au change, car en tant que membre propriétaire, il y a des versements de ristourne, mais il faut savoir que quelqu’un qui s’engage n’a pas comme finalité l’argent, mais plutôt celle de contribuer », explique Marie-Claude Boulanger, directrice générale.

Ce qui rend l’aventure attrayante, c’est le sentiment d’être dans une grande famille, de savoir que l’argent de l’organisation est réinvesti pour améliorer les conditions de travail.

Il y a une grande part qui va au bien-être des employés. On investit dans des équipements améliorant la santé et la sécurité. On mise aussi sur la progression des carrières et un encadrement de qualité. »,

Marie-Claude Boulanger, directrice générale de la CTAE

C’est ainsi que la CTAE a investi dans la mise en place des soins avancés en Estrie. La région est même devenue la première en dehors de Montréal à offrir cette expertise. Une politique de formation a aussi aidé plusieurs paramédicaux à obtenir une majeure à l’université, afin de prodiguer des soins avancés et d’accomplir des actes additionnels. « Parfois, certaines ambulances sont maintenant de véritables petites salles d’urgence. Notre priorité, c’est de faire mieux pour la population et on n’hésite pas à se lancer dans l’inconnu, comme lors de la pandémie ; on a accepté d’être aux premières loges des centres de dépistage et de la vaccination », explique Keven Archambault, chef de division, communications, santé et bien-être, à la coopérative.

Évidemment, il n’est pas toujours évident d’être à la fois gestionnaire, employé, membre ou administrateur, car les décisions que l’on prend ont un impact au quotidien. Lors de l’embauche, les responsables s’assurent de choisir des employés ayant des valeurs qui correspondent à celles de la coop. Malgré cela, les défis de gestion demeurent complexes. « La coop, c’est eux et c’est nous. On est sur le terrain 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Nous ne pouvons agir et parler comme un propriétaire unique. Il y a un devoir de concertation et les membres sont là. Ils participent par l'entremise de différents comités ou le conseil d’administration », conclut Marie-Claude Boulanger.