Plusieurs grands fleurons économiques du Québec sont des coopératives, qu’on pense à Desjardins, Agropur ou Beneva. Mais, des petites coopératives continuent de se créer chaque année pour répondre à des besoins précis dans les communautés.

Lorsque Camille Paquin a quitté Montréal pour s’installer à Rimouski en 2021, elle a été agréablement surprise de voir que rapidement, elle se faisait aborder par des artistes qui avaient besoin de son expertise pour réaliser des demandes de subventions. Puis, lors d’une formation par vidéoconférence sur la fiscalité des artistes, elle a rencontré Chantal Déry, de la Caisse de la culture Desjardins, qui a commencé à lui envoyer chaque mois plusieurs nouveaux clients de partout au Québec. Elle a réalisé aussi que les artistes avaient souvent besoin d’autres services complémentaires. « J’étais encore en mode travail autonome, mais je me suis dit qu’il fallait vraiment que je crée une entreprise », raconte-t-elle.

C’est ainsi que la coop Raquette a été fondée en octobre dernier avec Jowi Harvey et Audrey-Ann Allen, qui avaient de l’expérience respectivement en programmation (booking) d’artistes et en administration d'organismes de solidarité internationale.

« Nous voulons une entreprise non hiérarchique qui appartient à ses membres, soit ses travailleurs et ses travailleuses, explique Audrey-Ann Allen. Le pouvoir décisionnel est partagé entre nous, que ce soit par rapport aux projets développés ou aux conditions de travail. Nous ferons avancer notre entreprise selon nos valeurs et notre vision. »

Les défis à relever sont tout de même présents.

Nous avons créé une coop pour valoriser notre expertise et bien en vivre. Mais, le financement est difficile au début, surtout que nous tenons à ce que nos services demeurent abordables.

Camille Paquin, cofondatrice de la coop Raquette

Raquette a obtenu du financement au démarrage du Pôle d’économie sociale du Bas-Saint-Laurent. « Mais, il reste que nous avons travaillé d’arrache-pied bénévolement pour créer la coop, ajoute-t-elle. Ensuite, nous nous sommes versé pour quatre mois un salaire pour du travail à temps partiel, alors que nous faisions du temps plein et maintenant, heureusement, nous nous versons un plein salaire. Nous continuons à travailler très fort pour développer la coop pour que prochainement, elle puisse nous donner des conditions de travail au niveau espéré. Et nous croyons que nos voix unies dans une entreprise seront plus fortes que nos voix prises séparément. »

Des forces dans le marché actuel

L’entrepreneuriat coopératif continue de séduire les Québécois et les Québécoises : en 2021, pas moins de 82 coopératives ont été créées dans la province.

« La nouvelle génération veut un travail cohérent avec ses valeurs, avec ses aspirations, et les coopératives se distinguent d’autres entreprises parce qu’elles sont démocratiques et qu’elles placent l’humain devant les profits, alors c’est intéressant, surtout dans la pénurie de main-d’œuvre actuelle », remarque Marie-Josée Paquette, directrice générale du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, qui soutient les 12 fédérations sectorielles de coopératives présentes au Québec.

Toutefois, comme les coopératives fonctionnent de façon démocratique, elles peuvent donner l’impression d’avancer moins rapidement que les entreprises privées. « Mais cela fait aussi leur force, parce qu’une fois que les débats ont eu lieu et que la décision est prise, l’adhésion des membres est forte et cela fait des entreprises plus pérennes », illustre Marie-Josée Paquette.

Répondre à des besoins précis

Les coopératives viennent également répondre à des besoins particuliers dans les milieux de vie : offre de soins et de services aux personnes aînées pour qu’elles puissent rester plus longtemps à la maison, transformation de l’épicerie du village en coopérative pour la garder en vie, rachat de l’entreprise du patron par un groupe d’employés pour la convertir en coopérative de travailleurs, etc.

On voit aussi plusieurs fermes maraîchères coopératives voir le jour.

Face à la hausse vertigineuse des prix des terres agricoles, plusieurs agriculteurs de la relève se regroupent en coopérative pour acheter une terre et partager la charge de travail.

Marie-Josée Paquette, directrice générale du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité

De plus en plus d’entreprises créent aussi des coopératives pour mutualiser des services. Par exemple, la plateforme de réservation en ligne Ôrigine artisans hôteliers regroupe une quarantaine d’auberges et d’hôtels indépendants.

« On peut aussi voir des entreprises d’un parc industriel créer une coopérative pour s’occuper de recruter la main-d’œuvre pour les emplois transversaux notamment en comptabilité, ou encore, des entreprises d’une région créer une coopérative pour loger leurs travailleurs étrangers, explique Marie-Josée Paquette. Le modèle coopératif peut prendre différentes formes pour répondre aux besoins d’une collectivité. »

En savoir plus
  • 64 %
    Proportion des coopératives québécoises toujours en activité cinq ans après leur création, contre 35 % pour les entreprises privées.
    Source : Rapport d’étude, Taux de survie des coopératives, Conseil québécois de la coopérative et de la mutualité, 2022