Le taux de placement des élèves en cybersécurité du cégep de l’Outaouais est de 99,9 %. Selon les professionnels de l’industrie, le chômage dans le secteur est inexistant depuis des années. Pourtant, le portrait semble se nuancer peu à peu.

Pour la première fois depuis des années, des mises à pied ont été observées en cybersécurité, selon Nicolas Duguay, codirecteur général chez In-Sec-M. « Cela va atténuer un peu l’urgence qu’on ressentait en pénurie de main-d’œuvre. »

Il s’empresse toutefois de rappeler que les entreprises ont encore beaucoup de difficulté à trouver du personnel spécialisé. « On se les arrache, dit-il. Plusieurs organisations doivent refuser des mandats parce qu’elles n’ont pas assez d’employés pour répondre à leurs besoins. »

L’urgence se fait encore sentir au cégep de l’Outaouais, qui offre un programme en cybersécurité depuis 2018. « Quand des employeurs nous écrivent en octobre pour avoir des stagiaires en fin de programme, on n’a généralement plus rien à leur offrir, affirme le professeur Guillaume St-Georges.

Le 0,1 % qui ne trouve pas d’emploi après ses études, c’est parce que ça ne lui tente pas.

Guillaume St-Georges, professeur au cégep de l’Outaouais

L’intérêt est également perceptible du côté des inscriptions. Afin de pourvoir les 75 places offertes à l’automne 2023, le cégep a reçu 162 demandes. En plus d’être contactée par une centaine d’élèves étrangers qui s’intéressaient à la cybersécurité. « On sent un grand engouement, mais on ne peut pas accueillir plus de 75 personnes, faute d’espace physique, dit M. St-Georges. Et comme notre programme est contingenté, on n’accueille aucun étudiant international. »

Forte demande

À ses yeux, les besoins du marché sont encore criants. « Au cours des dernières années, le Centre de la sécurité des télécommunications, l’organisation gouvernementale qui s’occupe de la cybersécurité au Canada, est venu à maintes reprises au cégep pour séduire nos étudiants. Si la plus grande organisation de cybersécurité au pays fournit autant d’efforts pour les recruter, il y a un besoin. »

Cependant, les PME n’ont pas toutes la même réalité. « Les petites entreprises ont beaucoup de difficulté à trouver des experts en cybersécurité, non seulement parce qu’ils sont rares, mais aussi parce qu’ils sont très bien payés ailleurs, affirme M. Duguay.

Les PME n’ont pas toutes les moyens d’engager des experts en cybersécurité, ce qui peut les mettre à risque.

Nicolas Duguay, codirecteur général, In-Sec-M

Les salaires offerts sont souvent plus élevés dans les organisations qui possèdent une grande quantité de données personnelles, comme les gouvernements, l’Agence du revenu du Canada, Revenu Québec ou la Banque du Canada. « Plus une organisation est une cible potentielle, plus elle a besoin de monde en cybersécurité », illustre Guillaume St-Georges.

Autre problème : de nombreuses organisations se croient faussement à l’abri. « On a longtemps cru que le Canada et le Québec ne seraient jamais attaqués, mais on a vu en septembre dernier des sites web de gouvernements provinciaux être victimes de cyberattaques, rappelle le professeur en cybersécurité au cégep de l’Outaouais. L’industrie se rend compte sur le tard qu’il y a des besoins et une pénurie de main-d’œuvre. »

Il ajoute que le Canada est carrément en retard sur le reste du monde dans le domaine. « On est loin derrière les États-Unis, la Chine et la Russie, dit-il. Notre main-d’œuvre n’atteint pas les standards internationaux. »