Et si le succès passait par l’échec ? Et si la culture d’entreprise offrait un filet de sécurité aux intrapreneurs ? Et si la liberté d’emprunter un sentier non balisé était la clé pour développer un sentiment d’appartenance ? Selon Marie-Claude Lemire, directrice du Centre d’innovation de l’Université de Montréal et de Millénium Québecor, l’innovation est le remède à bien des maux, mais encore faut-il savoir de quoi on parle.

Favoriser… l’échec

Si on désire voir émerger des idées novatrices, il faut accepter les erreurs, les errances et les échecs. Un concept peu populaire au Québec. « On a encore beaucoup trop de tabous face à l’échec, dit Marie-Claude Lemire. Lorsque Caroline Néron a fait faillite, tout le monde la dénigrait et disait ce qu’elle aurait dû faire, sans jamais reconnaître que l’échec fait partie de l’apprentissage. Un peu comme un bébé qui essaie de marcher et qui tombe : s’il ne se relève pas, il ne sera jamais capable de marcher. »

À ses yeux, le Québec est loin de certaines mentalités observées dans la Silicon Valley.

Plusieurs organisations en capital de risque refusent de financer des entrepreneurs qui n’ont pas connu l’échec, parce que c’est comme ça qu’on apprend.

Marie-Claude Lemire, directrice du Centre d’innovation de l’Université de Montréal et de Millénium Québecor

Planifier l’erreur

Marie-Claude Lemire a carrément inscrit le droit à l’échec dans son plan stratégique. « Je veux que les membres de mon équipe essaient des affaires et qu’ils se trompent. L’important, c’est d’apprendre de ça pour avancer. »

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Le Centre d’innovation et Millénium Québecor

Elle leur a même demandé d’imaginer un espace mental collectif, une sorte de laboratoire d’innovation virtuel dans lequel ils inscrivent les projets les plus risqués. « On sait d’avance que ces projets ont plus de chances de ne pas fonctionner, mais plus on a de projets, plus on a de chances d’être créatifs, d’innover et de réussir. »

Effets collatéraux

Quand un gestionnaire croit à l’innovation et qu’il appuie pleinement le droit à l’erreur, il laisse plus d’espace aux travailleurs pour s’exprimer. « Ça aide à développer un plus grand sentiment d’adhésion et d’appartenance à l’organisation, dit Marie-Claude Lemire. Et surtout, ça incite les intrapreneurs à développer des projets dans l’entreprise, en profitant de la structure déjà en place. »

Pas pour tous

Pour certaines personnes, la volonté et la capacité de résoudre des problèmes sont innées. Pour d’autres, c’est presque contre nature.

Certaines personnes ne sont pas à l’aise avec l’innovation, parce qu’elles ne sont pas capables de composer avec les échecs dans leur vie.

Marie-Claude Lemire, directrice du Centre d’innovation de l’Université de Montréal et de Millénium Québecor

« Pour elles, c’est plus difficile d’avoir de nouvelles idées, ajoute-t-elle. Elles ont besoin d’un filet de sécurité. C’est correct aussi. On ne peut pas tous être innovateurs. »

Définir l’innovation

Une innovation, ce n’est pas seulement fabriquer un nouveau produit ou lancer une jeune pousse technologique. C’est également repenser un processus de comptabilité, une façon de gérer les ressources humaines et tant d’autres choses. Mais c’est surtout une idée que les gens s’approprient. « Quelqu’un peut avoir inventé quelque chose d’extraordinaire, mais si personne ne l’achète ou ne l’utilise, ce n’est pas une innovation, affirme-t-elle. Il faut avoir l’humilité de laisser une idée se rendre au marché et laisser le marché décider si ce sera une innovation, comme le disait récemment Luc Sirois, l’innovateur en chef du Québec, dans une discussion avec Chloé Legris, d’Espace-inc., un incubateur d’entreprises à Sherbrooke. »