Si la nécessité est mère de l’invention, BrainBox AI est plutôt née d’une « grande frustration ». La solution qui réduit la consommation et les coûts énergétiques des immeubles a parcouru beaucoup de chemin depuis ses débuts, en 2017. Jean-Simon Venne, cofondateur et chef de la technologie, revient sur l’aventure.

Titulaire d’un diplôme en ingénierie, Jean-Simon Venne a travaillé dans le monde de l’efficacité énergétique des bâtiments pendant plus de 10 ans. L’hôtel George V à Paris et celui des Bergues à Genève font notamment partie de son portfolio.

« On a beau mettre les meilleurs ingénieurs d’ici sur un projet, lorsque l’hôtel fonctionne de façon impeccable, on part. C’est extrêmement frustrant de revenir un an après et de constater qu’il y a eu une dégradation du système parce que les gens ont fait des changements dans les paramètres », raconte-t-il.

Il ajoute que comme une voiture de Formule 1, un bâtiment a besoin de mises au point régulières pour performer. « Je me suis dit que si Google réussit à construire un véhicule autonome, on devrait être capables de faire un système de climatisation, ventilation et chauffage [CVC] autonome, qui s’autorégule de façon constante. BrainBox est venue de là. »

Un parcours semé d’obstacles

Afin de concrétiser leur idée, Jean-Simon Venne et son équipe ont rassemblé les meilleurs talents. « On est très chanceux à Montréal de compter sur une des grappes en intelligence artificielle les plus avancées au monde », souligne le cofondateur. De concert avec Polytechnique Montréal et IVADO, puis avec le Mila, ils ont créé une technologie qui s’appuie sur l’apprentissage profond pour automatiser et optimiser la gestion des systèmes CVC des immeubles.

« Créer une solution qui fournissait et traitait les données en temps réel, et qui pouvait donner des commandes en temps réel, comportait son lot de problématiques, relate Jean-Simon Venne. Il y avait par exemple trop de latence sur les cartes de cellulaire. Toute la “plomberie” entourant l’intelligence artificielle représentait un vrai défi. »

Percer dans le milieu très conservateur de la mécanique du bâtiment, aussi.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Jean-Simon Venne, cofondateur et chef de la technologie, BrainBox AI

On a fait face à beaucoup de “c’est impossible” ou “vous ne réussirez jamais”. Mais ces gens-là sont devenus des partenaires, comme ABB. Aujourd’hui, ils revendent notre solution.

Jean-Simon Venne, cofondateur et chef de la technologie, BrainBox AI

BrainBox AI a d’ailleurs acquis le 1er juillet dernier une filiale du leader suédo-suisse, spécialisée dans les magasins de petite surface, au New Hampshire. L’équipe planche actuellement sur le déploiement de sa technologie dans les 12 000 commerces de la filiale aux États-Unis.

Jean-Simon Venne n’aime pas penser à ce qu’il aurait fait autrement, aux erreurs qu’il aurait pu éviter. Il regarde néanmoins l’évolution de son entreprise avec un sourire. « C’est fascinant, quand même. On a développé un nouveau créneau. »

Nul n’est prophète en son pays

Comme plusieurs entreprises à succès avant elle, BrainBox AI a d’abord fait sa marque à l’étranger. « On a commencé avec des installations à l’international, en Australie, en Italie, en Irlande et surtout aux États-Unis, avant de revenir s’implanter au Canada. »

Depuis deux ans, les affaires roulent rondement au pays. Sleep Country, propriétaire de l’enseigne Dormez-vous au Québec, et Sail ont adopté la technologie dans leurs magasins et entrepôts. D’autres chaînes suivront.

« On arrive à environ 800 immeubles dotés de notre technologie, dont 200 au Canada », précise Jean-Simon Venne. L’innovation est aujourd’hui déployée dans 17 pays.

L’apparition de BrainBox AI au palmarès des 100 meilleures innovations en intelligence artificielle de l’année 2020 du magazine Time a propulsé la jeune pousse. « Cette reconnaissance et les nombreux prix qu’on a gagnés à la même époque nous ont donné une crédibilité instantanée. On était tout d’un coup pris au sérieux. »

Jean-Simon Venne insiste pour dire que ce n’est que le début de l’aventure. « Maintenant, ce sont les entreprises d’électricité qui sont intéressées. Si on déployait BrainBox dans tous les immeubles d’une ville, elles pourraient moduler les bâtiments en temps réel pour faire face aux défis de production, de distribution et de transport de l’énergie. »

L’union fait la force

Jean-Simon Venne croit que la recette du succès réside dans un écosystème d’innovation. « Au lieu d’essayer de créer notre solution tout seuls, on a fait équipe avec le plus de groupes de recherche possible. Certains ont été un coup d’épée dans l’eau, mais plusieurs ont amené quelques éléments qui nous ont permis d’avoir l’assemblage gagnant. »

Ce petit regroupement de chercheurs, étudiants et employés a en outre fait avancer les choses plus rapidement. « On a développé notre technologie très, très vite, en trois ans, souligne le cofondateur. Et ce modèle peut être répliqué dans d’autres domaines. L’intelligence artificielle pourrait par exemple nous aider à opérer nos hôpitaux de manière plus efficace. »