La pandémie a changé la vie de nombreuses personnes, et ses répercussions économiques et financières touchent tout le monde. L’inflation, en particulier, bouleverse les habitudes et la planification financière sans distinction. Deux planificateurs financiers, un plus jeune et une plus expérimentée, discutent des enjeux et défis auxquels sont confrontés les particuliers.

Les conseils de l’internet

Planificatrice financière, notaire et gestionnaire fiduciaire, Caroline Marion, qui travaille pour Desjardins, constate que durant la pandémie, les clients ont été nombreux à se tourner vers l’internet pour s’informer. « On ne peut que se réjouir que les gens aient une meilleure littératie financière. » Le problème est que bon nombre d’entre eux ont tendance à vouloir imiter ce que font les autres en pensant que la même recette s’applique à tous. « Je dois constamment défaire des idées préconçues parce que plusieurs se disent ‟mon père, mon collègue fait ça de telle façon, alors moi aussi”. »

Mais non, ce n’est pas vrai qu’il y a un moule pour tout le monde. Chaque situation financière est différente, et ce n’est pas parce qu’un fractionne ses revenus ou un autre s’incorpore que c’est la meilleure option pour vous.

Caroline Marion, planificatrice financière chez Desjardins

Une machine à ne pas combattre

Planificateur financier rattaché à Services financiers Planica, William St-Sauveur a une clientèle constituée de jeunes professionnels. Le spécialiste a remarqué qu’ils sont nombreux à tenter d’anticiper les marchés, d’essayer de battre la machine au lieu de suivre le plan. « C’est un jeu dangereux parce que les marchés sont volatils. Il ne faut pas se laisser submerger par l’émotion. »

PHOTO PASCAL RATTHE, ARCHIVES LA PRESSE

William St-Sauveur, planificateur financier à Services financiers Planica

Il constate d’ailleurs chez certains d’entre eux un certain stress face à l’inflation. Une insécurité qui ramène au premier plan l’importance d’une bonne planification. « Ce n’est pas le premier choc économique de l’histoire, mais c’est leur premier à eux. Il faut leur faire comprendre que oui, on peut aussi revoir ses priorités et envisager différents scénarios, mais qu’il ne faut pas tout changer, d’où l’importance de la rigueur et d’avoir un plan. »

La cigale et la fourmi

La pandémie a permis à bien des gens de faire des réserves et aujourd’hui… les vannes de la dépense sont grandes ouvertes. « Il y a un enthousiasme démesuré à dépenser. On ne veut pas se priver, et l’usage de la carte de crédit n’est pas freiné à cause des taux d’intérêt. C’est le moment présent qui compte. On revient à la bonne histoire de la cigale et la fourmi », constate Caroline Marion.

William St-Sauveur voit bien que le budget consacré à l’épargne est plus limité. Le professionnel s’aperçoit de l’influence des réseaux sociaux et de la pression du paraître qui amène des dépenses en vêtements, restaurants, voyages, etc. « Il doit y avoir un examen de conscience. L’humain a des besoins de base. Ce n’est pas mon travail de dire à mes clients de ne pas dépenser trop au restaurant, mais dans les faits, l’argent va où ? Le principal objectif en planification financière est de placer ses billes selon ce qui est important pour nous, et ces choix vont vous affecter dans le futur. En gros, il faut encore mieux se connaître qu’auparavant. »

Le casse-tête de la maison

De tous les postes budgétaires qui ont augmenté, les deux experts ne peuvent passer sous silence l’habitation. « C’est évident que ce n’est pas ce que c’était. On compare les taux d’intérêt des années 1980 avec ceux d’aujourd’hui en minimisant le changement, mais la comparaison ne tient pas la route. Cette fois, l’inflation et l’augmentation du prix des maisons ont été beaucoup plus rapides que l’augmentation des salaires. Les premiers acheteurs n’ont pas le même pouvoir d’achat », affirme Caroline Marion. William St-Sauveur, de son côté, est persuadé que la jeune génération a tout intérêt à demander de l’aide pour des conseils, mais également financièrement auprès de différentes sources.

La spécialiste ajoute que ceux qui sont propriétaires doivent aussi composer avec des hausses des coûts d’assurances, des taxes municipales, etc. Selon elle, beaucoup de gens ont surestimé leurs capacités par rapport aux hausses des taux. Résultat : un surendettement de plus en plus présent. Les solutions ? Allonger la période d’amortissement, revoir les dépenses discrétionnaires et peut-être changer de travail afin d’avoir un meilleur revenu.