Sylvie Demers, première vice-présidente du réseau des succursales et présidente de la direction du Québec chez Groupe Banque TD, est une pionnière. À travers les années, elle a occupé plusieurs postes de direction au sein de l’organisation financière, ouvrant le chemin pour les femmes derrière elle. Le 1er décembre, elle tirera sa révérence professionnelle après 38 ans passés chez TD. Entrevue.

Comment se sont déroulées vos dernières semaines ?

Tout se passe très bien. Le 1er décembre marque ma retraite officielle, mais je vais quand même demeurer conseillère pour un accompagnement de six mois à ma succession, au besoin, comme guide. J’ai rejoint l’entreprise en mai 1985. J’ai l’impression de partir et d’avoir laissé un bel héritage, parce que j’avais à cœur d’avoir un impact sur la communauté des affaires. Je pars très sereine, c’était mon choix.

Pouvez-vous nous parler de cet héritage ?

Évidemment, on recule de 38 ans, à une époque où les règles non écrites étaient différentes. J’ai commencé comme directrice de comptes au commercial, j’étais l’une des premières au Québec à le faire. Dans ce temps-là, j’étais la minorité visible, j’ai dû me battre dans un monde majoritairement d’hommes blancs quadragénaires. Mais pas d’une manière méchante. Juste pour faire ma place avec une force de caractère et une résilience pour montrer qu’une jeune femme pouvait aussi occuper cet emploi. Donc, ça a été de créer un chemin pour les femmes et la diversité.

Votre impression sur l’évolution des femmes en affaires ?

L’industrie bancaire est l’une des industries qui ont le plus évolué à cet égard, si vous regardez les conseils exécutifs des banques et des compagnies d’assurances. Il y a des études qui démontrent clairement que les entreprises ayant de la diversité au C.A. sont plus profitables, parce qu’on réfléchit et qu’on fonctionne différemment.

Et puis, il y avait historiquement déjà beaucoup de femmes dans les succursales, donc une base potentielle de femmes qui pouvaient monter vers des postes plus élevés, ce qui n’existait pas nécessairement dans d’autres industries.

Un plafond de verre qui vous a marquée ?

Ça a été le premier titre d’exécutif. Les discussions ont commencé en 2003 et je l’ai eu en 2004. Ils ne voyaient pas les capacités des femmes : est-ce qu’elle est capable de livrer la marchandise ? Dans ce temps-là, j’avais de très bons résultats. Mais à ce moment-là, c’était plus facile pour un homme.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Sylvie Demers, première vice-présidente du réseau de succursales et présidente de la direction du Québec du Groupe Banque TD

Quels ont été vos défis marquants et vos fiertés ?

Le défi, ça a été le complexe de l’imposteur. J’ai dû composer avec différentes équipes et rentrer dans un poste où je n’étais pas experte, lorsqu’ils m’ont mutée. Toutefois, depuis 2015, nous avons doublé notre part de marché de 4 à 9 %, nous sommes passés de 3000 employés à 6000 employés, nous avons agrandi nos bureaux de banque commerciale, de succursales, donc c’est une grande fierté. Dans les dernières années, on a vraiment amplifié notre impact.

C’est aussi l’avancement des femmes à la Banque TD : à la tête de la banque commerciale au Québec, c’est une femme, en gestion de patrimoine aussi. Et ce n’est pas spécifiquement parce je voulais une femme, mais plutôt parce que j’avais un bassin de candidates incroyables. La diversité, c’est de choisir le meilleur candidat sans balises.

Pour finir, la conciliation travail-famille est un élément important. Je suis d’ailleurs fière d’avoir pu mener une carrière aussi enrichissante tout en élevant deux garçons aujourd’hui adultes. J’aimerais que les femmes sachent qu’il est possible de concilier les deux, en sachant s’entourer.

En terminant, quels seraient vos conseils pour les plus jeunes ?

Le conseil que je me donnerais à moi à 25 ans : sois patiente. On veut bouger vite, avoir des promotions vite… il s’agit de faire confiance à l’organisation. Évidemment, ce n’est pas de passer inaperçue, mais si tu t’arranges pour être remarquée, entendue et proactive dans ton propre développement, ça va fonctionner. Aussi, on gagne toujours à demander du feedback et à ne pas avoir peur de l’entendre.