Les Prix performance Québec, qui récompensent les entreprises et les organismes publics les plus performants, ont été remis jeudi soir. Si les lauréates ont su se démarquer par la qualité de leur gestion, elles sont toutes aux prises avec la pénurie de main-d’œuvre.

« C’est au cœur des défis. C’est probablement celui dont on entend le plus parler », rapporte Guy Martel, PDG du Mouvement québécois de la qualité. Plus ou moins l’ensemble des industries sont touchées, explique-t-il, mais les postes les plus touchés sont liés aux métiers et emplois techniques, spécialisés, comme ceux d’électromécanicien, d’opérateur de machines en usine ou de plombier.

« Les gens de terrain, c’est là que ça fait le plus mal », reconnaît le PDG. Cela dit, des solutions existent, mais restent sous-estimées. L’amélioration des processus en est une, et les meilleures entreprises la mettent de l’avant. Cette approche permet d’éliminer les gaspillages de temps pour ainsi faire plus avec le même personnel.

« La main-d’œuvre qui manque est déjà dans les murs des entreprises », dit Guy Martel, qui invite à éliminer les doubles ou triples approbations, les réunions superflues ou encore les va-et-vient pour trouver des outils ou de l’information.

Sur 60 minutes de travail, au Québec, seulement 6 servent à vraiment créer un produit ou un service, en moyenne. Ailleurs, c’est 18 minutes. En étant plus efficaces, on comble cet écart de 20 % et on regagne l’équivalent d’un jour de travail par semaine.

Guy Martel, PDG du Mouvement québécois de la qualité

Former soi-même

Versailles 48, une entreprise de Montréal spécialisée en peinture et traitement de surface dans le secteur industriel, s’attaque pour sa part à la pénurie en formant elle-même son personnel.

« Le problème, dans notre cas, n’est pas seulement la quantité de main-d’œuvre, mais aussi la qualité. Nos peintres sont spécialisés, et souvent, à la sortie de l’école, ils ne sont pas prêts à commencer à travailler », dit Alain Beaulieu, vice-président et directeur général.

PHOTO FOURNIE PAR VERSAILLES 48

En 2021, Versailles 48 a mis sur pied son propre programme de formation. D’une durée d’une semaine, celui-ci enseigne les techniques spécifiques requises dans le cadre des mandats de l’entreprise.

En 2021, Versailles 48 a donc mis sur pied son propre programme de formation. D’une durée d’une semaine, celui-ci enseigne les techniques spécifiques requises dans le cadre des mandats de l’entreprise.

Le coût : 65 000 $ par cohorte de huit travailleurs, dont 20 000 $ sont remboursés par Québec. « L’an dernier, on a fait quatre cohortes, dit Alain Beaulieu. L’an prochain, on en fera deux. Malgré les coûts, ça a définitivement valu la peine. »

Coûteuse inflation

L’inflation est l’autre défi, plus important même que la pénurie, auquel fait face Versailles 48.

Le prix du carburant, utilisé pour alimenter ses machines, a augmenté de 100 % l’an dernier. La peinture, elle, a augmenté de 65 %. « C’est un enjeu incroyable, dit le vice-président. Notre profitabilité est passée de 12 % à 2 %. »

Pour rester performante, l’entreprise de 70 employés se conforme aux normes de qualité ISO9001, et s’assure d’être en tête de file sur le plan de la santé et de la sécurité, question de garder les employés qu’elle a chèrement formés. Elle a d’ailleurs remporté le prix « Santé et sécurité au travail » aux Mercuriades 2024.

Versailles 48 se conforme par ailleurs aussi à la norme de qualité ISO14001, un système de gestion lié à l’environnement, le deuxième des trois grands enjeux mentionnés par Guy Martel, du Mouvement québécois de la qualité.

Le numérique et l’environnement

La transition verte est incontournable et devient un vecteur de survie organisationnelle, note Guy Martel. « Les gouvernements vont légiférer toujours plus pour pénaliser les entreprises irresponsables, ce qui rajoutera une pression financière. Les entreprises doivent agir. »

Le troisième enjeu, qui a un impact sur la productivité et la compétitivité des entreprises, est celui de la transition numérique. De façon générale, toutefois, les entreprises du Québec traînent la patte. Que font les leaders ? Dans ces entreprises, la haute direction prend en charge la tâche et en fait une priorité stratégique.

Les entreprises moins performantes, elles, cherchent la technologie pour la technologie, observe Marie-Pierre Spooner, professeure à l’ESG UQAM, spécialisée en excellence opérationnelle.

Trop souvent, on investit en technologie, mais les solutions sont déconnectées des besoins, dit-elle. Il faut retourner vers l’essentiel et penser aux besoins du client, du citoyen, du patient.

Marie-Pierre Spooner, professeure à l’ESG UQAM

Au final, estime la professeure, un des facteurs fondamentaux qui vient influer sur la performance d’une entreprise est un souci de rigueur, de pérennité.

« On pense parfois à court terme plutôt qu’à moyen ou long terme. Pour bien performer, il faut penser au-delà de l’annonce d’un projet, et le déployer avec continuité pour extraire toute sa valeur ajoutée. »