Le développement de nouvelles filières économiques est en train de stimuler la demande en ingénieurs dotés de profils différents. Les établissements d’enseignement s’adaptent à cette nouvelle donne en revoyant leurs programmes en profondeur. Et l’industrie entend attirer davantage les femmes et les immigrants.

Le Québec a tout un défi à relever pour se doter des ingénieurs disposant des compétences nécessaires au développement de secteurs économiques en forte croissance, comme les technologies de l’information et la transition énergétique.

La demande de main-d’œuvre en génie devrait croître de 40 % au cours des 10 prochaines années, indique un rapport publié par l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) en novembre dernier. À elle seule, AtkinsRéalis cherche actuellement à pourvoir environ 400 postes d’ingénieurs au Canada. « Nous avons davantage de besoins que ce que les universités québécoises et canadiennes peuvent fournir », témoigne Sébastien Mousseau, vice-président principal, chef exploitation et capacités pour le Canada, et responsable mondial du marché Énergie et énergies renouvelables chez AtkinsRéalis.

Certains domaines du génie vont connaître une augmentation spectaculaire de la demande en ingénieurs. Ce sera le cas du génie informatique (73 %), du génie chimique (47 %) et du génie aérospatial (30 %), indique le rapport de l’OIQ.

Les besoins sont tels qu’il y a de quoi être inquiet, reconnaît Sophie Larivière-Mantha, présidente de l’OIQ, « surtout en génie informatique et en génie aérospatial, car il y a beaucoup d’intérêt des jeunes pour le génie chimique », précise-t-elle.

Des profils différents

Et ce n’est pas seulement une question de quantité... Les entreprises ont besoin d’ingénieurs présentant des profils différents pour relever les défis actuels et futurs. Les compétences qui prendront de l’importance d’ici 2030 sont la gestion du changement (61 %), la programmation informatique (52 %) et l’intelligence émotionnelle et les relations interpersonnelles (50 %), indique un sondage mené par l’OIQ en 2021 auprès de ses membres.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Sébastien Mousseau, vice-président principal, chef exploitation et capacités pour le Canada, et responsable mondial du marché Énergie et énergies renouvelables chez AtkinsRéalis

Les compétences humaines deviennent essentielles. « Nous recrutons au Québec, mais nous travaillons avec le reste du monde. Il faut donc développer des compétences interculturelles, de l’écoute et de la compréhension », souligne Sébastien Mousseau, qui rappelle qu’AtkinsRéalis emploie 40 000 personnes sur la planète.

Même les secteurs considérés comme traditionnels, tels que le génie civil, sont marqués par l’évolution des compétences, qu’elles soient humaines ou techniques. « Dans un cadre de développement durable, nous utilisons de nouveaux outils pour être plus efficaces, comme les jumeaux numériques des infrastructures, pour nous assurer de les exploiter de manière optimale pour les 50 prochaines années », explique Sébastien Mousseau.

La bonne nouvelle est que ces évolutions correspondent à l’évolution des attentes des nouveaux ingénieurs.

Aujourd’hui, les jeunes recherchent une vision pour le futur, de beaux projets, un parcours professionnel permettant des occasions d’évolution.

Sébastien Mousseau, vice-président principal, chef exploitation et capacités pour le Canada, et responsable mondial du marché Énergie et énergies renouvelables chez AtkinsRéalis

Une refonte des programmes

Le constat est identique dans les établissements d’enseignement. « Les étudiants nous demandent d’être préparés à avoir des parcours flexibles, et que leur formation corresponde bien aux enjeux de la société », renchérit Pierre Langlois, directeur des affaires académiques et de l’expérience étudiante à Polytechnique Montréal.

Les établissements d’enseignement s’adaptent, mais il reste à faire. « La dernière refonte complète de nos programmes remonte à l’année 2005 », souligne Pierre Langlois. Certes, il y a eu des améliorations progressives depuis. Mais Polytechnique Montréal travaille actuellement sur la prochaine refonte afin d’inclure des thèmes devenus critiques. « Nous savons que nous n’avons pas assez de développement durable dans nos formations, ou que certaines formations sont trop spécialisées », explique-t-il. Une possibilité est désormais offerte aux étudiants de quatrième année de découvrir des domaines en dehors de leur spécialisation, par exemple pour développer des compétences en gestion ou un profil international.

De nouveaux programmes de génie sont aussi à l’étude. Polytechnique Montréal envisage la création d’un programme de génie énergétique, d’un autre de génie en développement durable, ou encore de génie mathématique. Une spécialisation en génie des transports pourrait faire son apparition.

Pour faire face à la croissance de la demande en ingénieurs et à la diversité des profils requis, l’industrie peut aussi compter sur une population encore sous-représentée : les femmes. Celles-ci ne représentent que 16 % du nombre d’ingénieurs au Québec. D'ici 2030, l’OIQ vise à ce que trois ingénieurs nouvellement titulaires sur dix soient des femmes. Le changement est en marche : actuellement, les femmes constituent 22 % des nouvelles inscriptions à l’Ordre.

Les immigrants aussi vont contribuer à répondre aux besoins de l’industrie. Là aussi, des progrès sont en cours. « Depuis cinq ans, le délai d’analyse des dossiers des professionnels formés à l’étranger est passé de 18 mois à 6 mois en moyenne », se félicite Sophie Larivière-Mantha.