Pour encourager l’accumulation d’épargne en vue de la retraite, les épargnants sont depuis longtemps invités par les institutions financières à contracter un prêt dont le produit servira à cotiser à un régime enregistré d’épargne-retraite (REER). Mais avec les taux d’intérêt élevés, le jeu en vaut-il encore la chandelle ?

La mécanique est simple. Emprunter pour cotiser à son REER. L’économie d’impôts engendrée sert alors aussitôt à rembourser une partie du prêt. En remboursant ensuite le reste du prêt par mensualités, l’épargnant peut ensuite répéter l’opération année après année, s’assurant ainsi de profiter au maximum des exemptions d’impôts que permet le programme. Pour les individus ayant accumulé des cotisations non utilisées, il est aussi possible de contracter un prêt à plus long terme pour emplir son REER et ainsi profiter de l’importante économie d’impôts que l’opération va générer.

Depuis plusieurs années, grâce à des taux d’intérêt très bas, l’opération était certes très attrayante pour la majorité des épargnants. Mais est-ce encore le cas dans le contexte du changement important dans la structure des taux d’intérêt observée au cours de la dernière année ?

Le risque

Il existe un risque à emprunter pour cotiser à son REER, et il se situe sur le plan du comportement humain, explique Mélanie Beauvais, planificatrice financière chez Bachand Lafleur, Groupe conseil. « Aura-t-on la discipline de rembourser le prêt le plus tôt possible, en utilisant d’abord la totalité du remboursement d’impôts et en fixant de façon rigide un plan de remboursement pour le reste du prêt ? », demande-t-elle. Sinon, le prêt fera partie de la dette de la personne. « Et toute dette ajoute au stress financier », explique-t-elle. D’autant plus qu’avec la hausse des taux d’intérêt, le risque de l’effet boule de neige dans le cas où la dette n’est pas remboursée comme prévu est plus grand. C’est pourquoi le prêt REER n’est pas une stratégie qu’elle recommande à tous.

Le contexte global

Le prêt REER est certes encore offert et conseillé à bien des gens qui peuvent en retirer un avantage intéressant, explique pour sa part Pierre-Éric Lebel, planificateur financier à la Banque Nationale. Le taux d’intérêt chargé sur un prêt REER se situe généralement entre le taux d’intérêt d’un prêt personnel et celui d’un prêt hypothécaire, explique-t-il. Il est donc bien inférieur aux taux des cartes de crédit et d’autres prêts à taux d’intérêt élevé.

« Mais il importe que cette stratégie soit utilisée dans la mesure où l’opération en vaut la chandelle, c’est-à-dire que le bénéfice est important », dit le planificateur. Et pour cela, il ne faut pas se limiter à évaluer uniquement le remboursement d’impôts que produira la cotisation, mais plutôt examiner le contexte global. Cotiser au REER va diminuer le revenu sur lequel seront mesurés les autres avantages fiscaux sociaux comme les allocations familiales.

Les individus ont intérêt à examiner leur situation fiscale globale pour mesurer l’impact d’un prêt REER.

Pierre-Éric Lebel, planificateur financier à la Banque Nationale

Et cela est d’autant intéressant pour les familles monoparentales et celles où il y a plusieurs enfants.

Cotiser de façon systématique

L’idéal pour la majorité des gens voulant cotiser à un REER demeure une stratégie qui s’appuiera sur des prélèvements automatiques qui iront directement dans le REER et qui ne nécessiteront pas de prêt, explique Mélanie Beauvais.

Il y a bien sûr des exemptions. Par exemple, celle du travailleur autonome qui ne disposera de liquidités suffisantes pour cotiser à son REER qu’après la date butoir. Le message de la planificatrice est que le prêt REER ne vaut que dans les situations exceptionnelles et qu’il est nettement préférable d’avoir une stratégie d’épargne systématique que de contracter un prêt.

Un jour de plus…

2024 est une année bissextile, si bien que la dernière journée pour cotiser au REER cette année sera le 29 février et non le 1er mars.