Figure bien connue du capital-risque, Sylvain Carle a annoncé récemment qu’il se joignait au nouveau fonds montréalais d’Innovobot. Son objectif : investir dans les jeunes pousses qui ont un effet positif sur la société. Quatre questions à celui qui se décrit comme « un nerd idéaliste et pragmatique ».

La Presse : Rares sont les sociétés technos qui ne prétendent pas que leur innovation va améliorer le monde ou la société. En quoi ce qu’on appelle en anglais le Tech for Good est-il plus convaincant ?

Sylvain Carle : Effectivement, c’est assez répandu, cette idée-là. En premier, il y a nos intentions, pourquoi on le fait. Dans le cadre de notre fonds Innovobot, on identifie cinq objectifs de développement durable des Nations unies comme étant ceux qu’on met de l’avant, notamment celui que j’avais à cœur depuis longtemps, l’objectif 13 pour les changements climatiques. Un fonds comme Innovobot va identifier les opportunités de technologies « habilitantes », qui vont nous permettre d’atteindre ces objectifs, de faire avancer cette cause, de façon mesurable.

Je viens du monde numérique, c’est quelque chose que j’adore, cette intersection des mondes numérique et physique.

Avez-vous des exemples d’entreprises dans lesquelles vous voulez investir qui ont un effet positif sur la société ?

Innovobot a justement fait un réinvestissement dans CarbiCrete, qui prend du carbone et le met dans des blocs de ciment. On remplace un processus qui était polluant auparavant par un processus carboneutre, ou même carbonégatif. Ça, je trouve ça très concret, entre ce qu’on dit et ce qu’on fait. On ne peut pas que numériser les choses : si on veut vraiment intervenir pour l’environnement, il faut intervenir dans le monde physique.

On peut bien parler de métavers et de concepts pour le futur de l’humanité, il y a des enjeux présents réels pour l’éducation, la santé. Les technologies et l’innovation peuvent clairement nous aider là-dedans. Dire qu’on va améliorer la santé des Canadiens, c’est un peu creux, mais si on dit qu’on veut que 20 % de plus de gens aient accès à des soins à domicile, on peut le compter, ça.

Un autre exemple récent : une entreprise qui s’appelle Oxia-Initiative. Elle fait des systèmes pour mesurer, créer les fameux rapports ISO 14002 sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Qu’estimez-vous apporter à Innovobot ?

Ce que j’ai beaucoup aimé d’Innovobot, c’est que ce sont des entrepreneurs humains, des entrepreneurs qui travaillent pour les entrepreneurs. Ça, c’est complémentaire à mon approche. Ils ne sont pas très connus au Québec, ce sont des Montréalais qui ont travaillé partout dans le monde, c’est un peu une diaspora qui est revenue à Montréal récemment. Je pense que je vais amener dans l’écosystème francophone plus de connexions, au gouvernement, chez Investissement Québec.

Il y a aussi mon expertise en investissement, après huit ans d’investissements en amorçage, en préamorçage, à travailler avec différents programmes d’accélérateurs, dans des écosystèmes et en réseau.

Innovobot, c’est quand même assez récent, le fonds date de deux ans. Auparavant, Innovobot avait des activités de recherche et d’innovation qui touchaient plus les grandes entreprises, ce volet est bien développé. C’est un élément important pour moi de faire le lien entre les start-up agiles et qui ont de nouvelles solutions et les entreprises plus établies qui ont des enjeux, mais aussi des moyens.

Comment va l’écosystème des jeunes pousses au Québec ? Quelles sont ses forces et faiblesses ?

Il va assez bien après deux années de COVID. Après les trois premiers mois d’ajustement, elles ont généralement été favorisées par la crise. Les investissements ont continué de monter, on commence à avoir de plus en plus d’entrepreneurs en série, des gens qui sont dans leur deuxième, troisième, quatrième entreprise. On commence également à avoir de plus en plus de bons programmes à tous les stades.

En ce qui concerne l’exportation et la commercialisation… L’enjeu, il y a 10 ans, c’était l’ambition. Ce n’en est plus un. Mais est-ce qu’on a les moyens de nos ambitions ? C’est encore difficile. Exporter une technologie, c’est beaucoup aller rencontrer des gens dans des salons. Il faut reprendre ça, on est en déficit de ce genre d’évènements dans les deux dernières années.

Le dernier élément, c’est qu’il y a plus d’investissements, mais on pourrait en faire encore plus. On a un manque à gagner très important si on se compare à d’autres pays, nos entreprises sont moins valorisées. Et il faut plus de vélocité entre chaque ronde, ça prend trop de temps.

Pour des considérations de concision et de lisibilité, cette entrevue a été éditée.