(Toronto) De plus en plus de repas sont distribués par des robots au Canada, mais ce marché fait encore face à d’importants obstacles.

Par exemple, la chaîne Pizza Hut utilise de robot de la société Serve Robotics pour ses livraisons dans certains secteurs de Vancouver. À Toronto, des robots roses nommés Geoffrey livraient des repas pour la firme Tiny Mile, mais les autorités municipales les ont interdits l’an dernier.

L’objectif de ces robots est de réduire la circulation, d’encourager le commerce local et d’aider les restaurants à livrer des repas à leurs clients à un coût inférieur.

Pour Serve Robotics, une filiale de la société américaine de livraison Postmates, la logique est simple : étant donné les faibles marges de profit des restaurants, la pénurie de la main-d’œuvre et les inquiétudes liées aux changements climatiques, « pourquoi livrer un burrito de deux livres avec un véhicule de deux tonnes ? »

Mais l’apparition de ces robots ne fait pas le bonheur de tous. Plusieurs villes importantes en ont interdit l’usage. Selon elles, les robots représentent un danger pour les gens ayant une faible vision ou une faible mobilité, pour les aînés et pour les enfants. Les cyclistes ragent déjà contre les scooters électriques dans les pistes cyclables et ne veulent pas y voir des robots non plus.

« Les robots attirent beaucoup l’attention des piétons lorsqu’ils circulent sur les trottoirs, car on ne les voit pas si souvent. Les gens sont emballés de les voir. Mais si leur emploi continue de croître, cela pourrait causer des embouteillages sur les trottoirs déjà étroits », décrit Prabhjot Gill, un partenaire associé de la firme McKinsey & Co.

D’autres s’inquiètent de voir des robots contrôlés à l’étranger remplacer les livreurs d’ici.

Selon le chef de la direction de Serve Robotics à Vancouver, Ali Kashani, la critique fait partie du cycle naturel de l’innovation. Par exemple, lorsque la bicyclette a été inventée, plusieurs craignaient qu’elle ne soit la cause d’une hausse des divorces, raconte-t-il.

M. Kashani défend ses robots en soulignant qu’ils alertent les gens de leur présence en émettant un son et en faisant clignoter des lumières. Ils sont munis d’une intelligence, d’un système de guidage et de freins d’urgence leur permettant d’éviter les collisions.

Il juge que l’emploi de robots sera éventuellement avantageux pour tout le monde.

Et l’environnement en sortira gagnant. M. Kashani estime que la moitié des livraisons ne couvre qu’une distance inférieure à 2,5 km. Et 90 % d’entre elles le sont par une automobile. Environ 2 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont attribuables à des personnes utilisant leur auto pour faire des courses dans leur quartier.

« Il existe plusieurs raisons pour remplacer rapidement les autos [de livraison] par ces robots. Toutefois, nous n’avons aucune raison pour faire de tout le monde notre ennemi », concède M. Kashani.

Bien conscient que les nouvelles idées font souvent face à une opposition, Serve Robotics se montre prudent dans ses discussions avec les autorités et les gouvernements avant de lancer son service dans une ville. Il n’existe aucune loi interdisant ou autorisant les robots.

Le président de l’Accessibility for Ontarians with Disabilities Act Alliance, David Lepofsky, ne croit pas que les robots puissent coexister avec les humains. Ils peuvent causer des accidents. Pis encore, on peut les utiliser pour transporter de la contrebande ou des armes.

M. Lepofsky insiste pour dire que son opposition aux robots ne signifie pas qu’il soit contre l’innovation. Il veut simplement s’assurer que les rues demeurent sûres pour tous.

« Ce n’est pas comme si on privait les gens d’un service. Il existe un moyen de livraison des pizzas depuis qu’on livre des pizzas : on appelle cela un humain. »

Manish Dhankhler, un cadre supérieur de Pizza Hut Canada, concède que la livraison de pizza ne vaut pas qu’on risque la sûreté d’une personne. Toutefois, il signale que la chaîne a seulement établi un partenariat avec Serve Robotics lorsque leurs robots ont effectué plusieurs milliers de livraisons sans blesser personne sur le continent.

Toutefois, la chaîne n’est pas encore prête à utiliser les robots sur une base permanente.

« Nous voulons en apprendre plus, souligne M. Dhankhler. Que se passerait-il si on en utilisait dans les secteurs enneigés de la Saskatchewan ? Comment réagiraient les robots dans le verglas ? »

Quant au robot Geoffrey, il a aussi été observé à Ottawa, mais là aussi les autorités municipales ont refusé d’autoriser son utilisation. Tiny Miles a dû quitter le Canada.

« Nous étions presque en faillite, convient Ignacio Tartavull, le chef de la direction de l’entreprise. C’est un miracle que nous ayons survécu ! »

Tiny Miles a déménagé ses activités en Floride et en Caroline du Nord.

« Ça a été un coup de foudre ! s’exclame M. Tartavull. Nous avons discuté avec des administrations municipales et elles se livrent à une concurrence pour nous avoir. »