Vous rêvez de fabriquer en quelques minutes la pièce d’échecs égarée, le porte-papier hygiénique Darth Vader vu dans un magazine, un étui d’iPhone personnalisé au nom de votre douce moitié ? Ce sont les projets, et bien d’autres, à la portée de quiconque prêt à investir quelques centaines de dollars dans une imprimante 3D. En trois visites, du sous-sol d’un bricoleur au petit atelier du Mile-Ex en passant par la coquette résidence d’Anjou, des mordus nous expliquent l’abc de cet art mystérieux pour le commun des mortels.

« D’une simplicité inouïe »

Homme aux 1000 projets, de constructeur de chalets accessibles à tenancier de café-épicerie enseignant la réparation en passant par l’invention de nombreux jeux de société, Jean-Philippe Roy a trouvé il y a trois ans une autre façon de canaliser son imagination débordante : l’impression 3D. Un appareil de marque Prusa acheté à l’époque 800 $, quelques bobines de fil en plastique appelé PLA à 25 $ le kilo, un coin aménagé avec des tiroirs et un établi dans son sous-sol, et c’était parti.

« Ce que j’ai fait, ce n’est rien, c’est le setup qu’à peu près tout le monde a, assure-t-il. C’est un peu intimidant au début, j’ai laissé la machine dans sa boîte deux semaines au début parce que j’avais la chienne, mais c’est d’une simplicité inouïe. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

En un quart d’heure ou en 48 heures, selon la complexité du schéma, l’objet est prêt.

La base, il est vrai, est accessible à quiconque dispose d’une imprimante 3D et d’un ordinateur. Il suffit en fait de trouver le bon schéma sur l’internet, en anglais si on veut plus de choix, par exemple en tapant dans Google n’importe quel mot-clé suivi de « 3D print ». On obtient un fichier en format.stl (pour « stéréolithographie ») qu’il faut convertir et transférer à l’imprimante 3D. Celle-ci va fondre du fil de plastique et l’étaler, microcouche après microcouche, sur un plateau. En un quart d’heure ou en 48 heures, selon la complexité du schéma, l’objet est prêt. « Le seul défaut, c’est que c’est long : mon casse-tête chinois 3D a pris 30 heures d’impression », précise-t-il.

Chaque imprimante impose une limite quant à la taille des objets, qu’on peut contourner en partie en imprimant plusieurs segments qui seront ensuite assemblés. M. Roy montre quelques-unes de ses œuvres : un étui d’iPhone 10 pour son fils, un casse-tête 3D, un labyrinthe. « Je m’en suis servi pour faire de petites choses, des Legos, des capuchons de bouteilles pour SodaStream… Elle a servi pas mal. » Il a cependant un atout puisqu’il sait élaborer lui-même des schémas, que ce soit pour la construction ou pour l’impression 3D, avec un logiciel de modélisation appelé SketchUp. Il peut modifier des plans trouvés sur l’internet ou les créer selon ses besoins, et apprend à utiliser un logiciel plus complet, Autodesk Fusion 360.

Jouets pour petits et grands

Frédéric Charest-Gagnon est électricien, sa conjointe Andreanne Duchesne est préposée aux bénéficiaires en congé sabbatique, ils ont trouvé un talent commun dans l’impression 3D. Disposant déjà de trois imprimantes Prusa, ils se sont fait plaisir en décembre dernier avec un modèle un peu plus complexe et plus rapide, une Flsun V400 achetée 1800 $.

Sur une table, ils ont étalé un échantillon de leur production pour les représentants de La Presse. Des casques de Boba Fett – le chouchou des vrais fans de Star Wars – côtoient un des Gardiens de la galaxie, Groot, des Pokémon, des vases, des sauriens flexibles, de drôles d’animaux de toutes les couleurs et aux proportions imaginaires, un grand squelette.

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Frédéric Charest-Gagnon est électricien, sa conjointe Andreanne Duchesne est préposée aux bénéficiaires en congé sabbatique, ils ont trouvé un talent commun dans l’impression 3D.

Un des prétextes de toute cette création, c’est le rendez-vous annuel du Noël des campeurs. Le couple gère en effet un camping à Sainte-Marcelline-de-Kildare et se fait un plaisir d’imprimer une centaine de jouets pour les enfants chaque année. « Disons qu’à Noël, on a demandé beaucoup de plastique à la famille », précise en riant M. Charest-Gagnon. Aucun des deux ne maîtrise de logiciel de modélisation, mais ils trouvent leurs schémas dans des sites comme Thingiverse ou Cults 3 D. Un logiciel, Ultimaker Cura, leur permet notamment d’ajuster la taille et la densité des pièces. On y dispose de modèles gratuits pour utilisation personnelle et des abonnements sont offerts, à environ 15 $ par mois, pour ceux qui veulent commercialiser leurs œuvres.

C’est ce que Mme Duchesne a fait avec sa boutique en ligne Création 3D, qui offre quelque 235 produits sur sa page Facebook. Ce qui se vend bien ? « Des jouets amovibles, et on a parfois des commandes. Et des mains de [la série] Mercredi : on l’a offert, les gens ont capoté ! » L’activité n’est pas assez rentable pour qu’elle s’y consacre à temps plein, précise-t-elle. Détail rigolo, elle filme parfois son imprimante 3D en action pour une diffusion en direct sur Facebook. « Ça dure 20 heures, et plein de gens restent à regarder ça ! », souligne son conjoint.

Décorations d’Halloween, pièces de jeu manquantes, figurines de science-fiction sont quelques-unes des créations préférées de M. Charest-Gagnon. Il entretient soigneusement la Flsun, changeant par exemple des sangles, commandant sur Aliexpress une nouvelle tête d’impression, choisissant les bobines sur Amazon. « Moi, ça m’amuse, et je répare également les machines. »

Le pro autodidacte

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Robert Gagnon a fondé Lezar3D en 2015.

Travaillant en tourisme, moniteur de ski, Robert Gagnon n’était pas prédestiné à gagner sa vie avec l’impression 3D. Après avoir fondé Lezar3D en 2015, ouvert boutique rue Ontario Est puis un atelier dans le Mile-Ex, il a trouvé sa niche. « Je refuse maintenant des clients », dit-il. Une quinzaine d’imprimantes 3D, dont deux magnifiques Markforged valant 20 000 $ pièce, accueillent le visiteur, au milieu d’un bric-à-brac de fils, de modèles et d’appareils mystérieux.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Ce modèle réduit de 500 grammes est une copie précise au centième de millimètre d’une pièce d’équipement de camion pesant plus d’une tonne.

Il produit de tout, beaucoup de prototypes qu’il fignole sur son logiciel Fusion 360. Masques pour la captation de mouvements pour Ubisoft, coquille de protection pour cycliste paralympique, dispositif d’éclairage pour le Cirque du Soleil, maquettes pour architectes, protecteurs de câbles électriques, modèles réduits de pelles à neige ne sont que quelques-uns des exemples qu’il montre pour le photographe de La Presse. S’il utilise comme tout le monde des filaments de PLA, ses Markforged utilisent de l’onyx, un composite de nylon et de microfibres de carbone qui peut donner des pièces aussi résistantes que l’aluminium.

Tout cela semble bien sérieux, mais c’est surtout l’enthousiasme de M. Gagnon qui est contagieux quand il décrit son terrain de jeu. « Je fais beaucoup de développement de produits, mais je ne viens pas du domaine, je suis un autodidacte », précise-t-il d’emblée. Il a brièvement tâté de la vente d’imprimantes 3D, mais a laissé tomber. « Ça prend trop de support technique, il faut bien calibrer. »

L’abc du 3D

L’imprimante

IMAGE TIRÉE DU SITE PRUSA3D. COM

Les imprimantes Prusa, en vente en ligne à partir de 649 $ US, sont généralement considérées comme le meilleur choix pour s’initier à l’impression 3D.

On trouve des imprimantes 3D coûtant moins de 150 $ sur le marché, comme la Vinci Nano de XYZprinting. Aucun de nos trois mordus ne conseille ces modèles d’entrée de gamme. Deux d’entre eux estiment que les Prusa, en vente en ligne à partir de 649 $ US, sont le meilleur choix de départ. La qualité de leur conception, leur durabilité, leur précision et la disponibilité des pièces de rechange – on peut même les imprimer en 3D ! – en font les préférées de bien des adeptes.

Plans et conseils

IMAGE TIRÉE DU SITE THINGIVERSE. COM

Un exemple rigolo de ce qu’on peut trouver sur Thingiverse : les plans pour l’impression 3D d’un Darth Vader porte-papier hygiénique

Rien de tel qu’un groupe Facebook pour poser ses questions de débutant, et il y en a justement un qui compte plus de 5000 membres : imprimantes 3D au Québec.

Si un moteur de recherche suffit généralement à trouver les fichiers pour bien des œuvres, une plateforme reviendra souvent dans vos résultats : Thingiverse. On y retrouve des milliers de plans, classés par thèmes ou par popularité, et la grande majorité sont gratuits.

Consultez le groupe imprimantes 3D au Québec

Conception

IMAGE TIRÉE DU SITE AUTODESK.CA

À un niveau de complexité supérieure, c’est avec Autodesk Fusion 360 qu’il faut travailler en impression 3D, offert gratuitement pour utilisation personnelle.

Les plans déjà existants, c’est bien, mais pour la création artistique ou la conception de pièces de rechange introuvables, il faut maîtriser quelques logiciels. Les plus simples, SketchUp et Tinkercad, demandent tout de même un apprentissage. Mais on peut reproduire en modèle 3D toute forme et reproduire n’importe quelle pièce. À un niveau de complexité supérieure, c’est avec Autodesk Fusion 360 qu’il faut travailler, offert gratuitement pour utilisation personnelle.

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